La RNT : mai 2012 - état des lieux
Il y a plus de 30 ans, le mouvement des radios libres faisait tomber le monopole d’État sur la radiodiffusion et ouvrait la bande FM aux multiples expressions sociales, culturelles, politiques et musicales. Beaucoup des « historiques » ont disparu ou basculé plus ou moins dans la pub et sont passées du côté commercial. Cependant nous restons un certain nombre à revendiquer notre indépendance et notre liberté de contenu.
La diffusion hertzienne reste pour nous la plus adaptée car elle est simple, de qualité et peu onéreuse.
En 2008, le CSA sommait les radios associatives de rentrer dans les rangs du numérique. À cette époque déjà, nous formulions des réserves (voir le texte les radios au crible du numérique). Aujourd’hui, alors que le projet du numérique avait été gelé, nous avons appris par voie de presse qu’il était relancé, avec en prime un « cadeau » empoisonné : la création de la radio payante ! Le CSA, suivi par les syndicats, censés représenter les radios associatives, foncent sans concertation ni réflexion véritable vers un projet qui pourtant implique une véritable transformation du média radio. Il nous présente ce passage comme inéluctable : suivre ou aller crever sur la bande FM...Malgré l’expérience désastreuse de la télé numérique (TNT), la Radio Numérique Terrestre nous est présentée comme une innovation technologique ultra moderne : meilleur son, meilleure diffusion, meilleure réception. Des arguments d’industriels et de financiers qui sont discutables voire mensongers.
La RNT : le clonage des programmes n’est pas pluralisme.
La RNT nous est présentée comme la garantie d’une plus grande diversité. Aujourd’hui, 600 radios associatives garantissent la pluralité des opinions et l’accès démocratique aux médias. Elles puisent leur richesse dans leur capacité à relayer la parole des acteurs locaux à travers des moyens d’expression peu ou pas employés par les autres médias, offrant ainsi une diversité d’expression, d’expérimentation, de création et d’innovation tant au niveau du contenu que de la forme. Or, nous voyons dans le passage au numérique une mise en danger des radios associatives non commerciales, une volonté d’uniformisation du paysage radiophonique et la consécration d’une conception technocratique de l’audiovisuel.La RNT, ça coûte cher !
Le passage au numérique représente un coût considérable pour les radios : investissement en matériel, formation à la nouvelle technologie et double diffusion pendant plusieurs années (sur la bande FM et sur la bande numérique). Or, à ce jour, dans le contexte généralisé de baisse des aides publiques qui affecte l’ensemble du secteur associatif, aucune réponse satisfaisante n’a été donnée concernant la prise en charge du financement de la diffusion en numérique des radios associatives. Les coûts liés à la double diffusion risquent de les rendre toujours plus dépendantes des subventions d’État, régionales, locales et donc du bon vouloir des élus, au risque de compromettre leur liberté éditoriale. La réalité des radios sans publicité ni profit est tout bonnement ignorée. Il en va d’elles comme, par exemple, des minimas sociaux, de la santé, de l’éducation ou de la recherche fondamentale : ce qui n’est pas rentable pourrait tout aussi bien disparaître. Si passage à la radio numérique il y a, nous demandons une prise en charge des coûts de diffusion par les pouvoirs publics (par le FSER, Fond de Soutien à l’Expression Radiophonique ou tout autre dispositif).Avec la RNT, le son ne sera pas de meilleure qualité !
La RNT proposera des taux de compression du signal sonore entre 64 kbps et 256 kbps, c’est-à-dire entre une très mauvaise qualité et une (relativement) bonne qualité. Le principe démocratique d’une qualité équivalente pour tous disparaît lors du passage à la RNT. La RNT, c’est un meilleur son pour tout le monde sauf pour ceux qui ne pourront pas se le payer.Avec le numérique un nouvel acteur privé payant entre en scène :
le multiplexeur, canal dans lequel huit ou neuf radios doivent entrer, de gré ou de force. Des mariages forcés entre des radios n’ayant pas la même sensibilité devront donc être conclus. Que pèsera alors une petite radio associative face à des radios commerciales devant le conseil d’administration d’une société de multiplexage privée ? Le multiplexage signe également la fin de l’auto-diffusion et met en danger de nombreuses petites radios associatives locales telles que Radio Larzac. Une double obligation s’impose aux radios : celle de transiter par un prestataire et celle de se « pacser » avec d’autres radios pour être diffusées.Avec la RNT, pour le même coût, les zones de diffusion seront réduites
ce qui privera une partie des auditeurs des radios locales de leurs programmes. En région parisienne, si nous prenons l’exemple de Fréquence Paris Plurielle, une grande partie de la population de la banlieue, celle de certaines prisons, ne sera plus couverte. Ce public auquel nous sommes attachés et qui fait la richesse de notre antenne est pourtant notre auditorat depuis la création de la radio, il y a 20 ans !Le numérique
c’est aussi une logique binaire et sans nuance : ça marche ou ça ne marche pas du tout ! Adieu la bidouille et la liberté de capter la bande FM avec un vieux transistor. Le passage au numérique, c’est des nouveaux postes radio qui permettent de développer la publicité et l’image (!) sur des écrans : il intéresse principalement les radios qui souhaitent exploiter ces données associées.Actuellement, chaque foyer possède au moins six postes radios. Pour recevoir la radio numérique les auditeurs devront impérativement acheter de nouveaux postes récepteurs. Des millions de postes FM vont être jetés pour être remplacés par du matériel cher, à l’obsolescence programmée. Une manne pour les industriels bien sûr mais des dépenses supplémentaires pour de nombreuses personnes qui n’ont ni les moyens financiers, ni l’aisance technique, pour accéder à cette technologie. Avec d’autres, nous avons fait le choix de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas : les habitants des quartiers populaires, les non-professionnels, les non-spécialistes, les communautés immigrées, le mouvement social, les acteurs et actrices des luttes, les initiatives culturelles non-commerciales... La radio qui est en FM un média simple d’accès et quasiment gratuit risque de devenir un outil technologique discriminant.
Face à cette logique de consommation, de contrainte, de rentabilité, d’uniformisation, nous, nous restons illogiques et Non, nous ne crèverons pas !NOUS EXIGEONS :
– Le maintien de la bande FM sur le long terme.
– Que les radios puissent effectuer leur transition vers le numérique quand elles le souhaiteront.
– Que le passage au numérique n’occasionne la disparition d’aucune radio associative non-commerciale.
– Le passage au numérique doit être financé par l’État, aussi bien la diffusion que les frais d’équipement par le biais du FSER [1] ou autre.
L’appel de Radios en lutte de juin 2011 - « Les radios libres au crible du numérique » - avait recueilli plus de 4000 signatures.
Une nouvelle pétition est ouverte !
– À signer sur le site « Radios libres en lutte ».
P.S : Certains passages sont tirés du texte "Radio Numérique Terrestre : une entrave à la création ?" de Benoît Bories et Etienne Noiseau, à consulter sur le site www.syntone.fr"