Dans une « Invitation presse », datée du 15 octobre 2012, on pouvait lire : « Jean-Pierre MOURE, Président de Montpellier Agglomération, et le Conseil de la Communauté d’Agglomération de Montpellier vous invitent à la soirée de lancement de la marque économique de Montpellier Agglomération, Mercredi 17 octobre à 19h, au Zénith ».
Et en guise d’introduction du programme de la soirée : « Devant l’ensemble des chefs d’entreprise et des institutions de l’Agglomération de Montpellier, Capucine Graby, journaliste au service économique d’i>Télé [en gras dans le texte], animera la soirée et présentera le nouveau positionnement de Montpellier Agglomération qui fixe le cap de la collectivité pour les 10 ans à venir et impulse une nouvelle dynamique économique à son territoire. »
Une animatrice, mais chargée, ni plus ni moins, de contribuer au nouveau positionnement de Montpellier Agglomération, lors d’une soirée au cours de laquelle fut dévoilé le logo de la marque « Montpellier Unlimited ». Une « marque »…
Contactée par nos soins par téléphone – qu’elle soit remerciée pour ses réponses -, Capucine Graby nous a déclaré qu’elle n’était pas au courant qu’elle a été présentée dans l’invitation presse comme « journaliste au service économique d’i>Télé » : « Maintenant qu’ils aient dit que j’étais journaliste à i>Télé, c’est malhonnête. [...] À mon avis ils l’ont fait exprès puisque quand je suis arrivée ils ne m’ont jamais parlé d’i>Télé, ils m’ont dit : "Est-ce que ce titre de journaliste économique vous convient ?" et ils se sont bien gardés de me dire que sur le communiqué de presse, ils avaient mis "journaliste à i>Télé". »
Son indignation n’était pas feinte : nous n’avons aucune raison de ne pas la croire. Ce serait donc à son insu, alors qu’elle n’est plus journaliste à i>Télé, que ce titre lui a été attribué et qu’elle a été instrumentalisée par les promoteurs de « l’événement ».
Extraits de notre conversation :
- Question : « Participiez-vous à ce type d’événements quand vous étiez à i>Télé ? »
- Réponse [après un blanc de trois secondes] : « Je n’avais pas le droit en fait. »
- Question : « C’est la chaîne qui interdisait aux journalistes de le faire ? »
- Réponse : « Tout à fait. Il y en a quelques uns qui le font à leurs risques et périls. Moi je ne l’ai jamais fait. J’avais une prime d’exclusivité et d’image qui m’interdisait de le faire donc je ne l’ai jamais fait. Maintenant je suis journaliste indépendante donc ça me pose moins de soucis. »
C’est donc bien en sa qualité de journaliste que Capucine Graby a participé à une opération de communication politique de Montpellier Agglomération et du conseil de la Communauté d’agglomération de Montpellier : une opération dont les promoteurs refusent de communiquer le coût, alors qu’elle a fait l’objet d’une impressionnante couverture publicitaire dans la presse locale, dont on peut prendre la mesure en lisant l’article que lui a consacré « Montpellier Journal »
Et c’est pour sa qualité de journaliste qu’elle a été rémunérée :
- Question : « Combien étiez-vous payée à i>Télé ? »
- Réponse : « Non je crois que ça ne regarde que moi. Même mes collègues d’i>Télé ne le savaient pas. »
- Question : « Combien avez-vous été payée par l’agglo ? »
- Réponse : « Pareil, ça ne regarde que moi. [...] »
Et de préciser aussitôt : « Je suis arrivée, ils avaient préparé un draft de questions et j’ai tout remis à plat pour poser les questions que j’aurais posées sur un plateau de télé. [...] Toutes les questions n’étaient pas prévues. »
Après cette mémorable soirée, une éloquente photographie, fournie par l’agglo avec le dossier de presse titré « Les visuels » (« Jean-Pierre Moure et Capucine Graby », « Crédit Montpellier Agglomération ») achève de consacrer le rôle tenu par la journaliste.
À l’évidence, l’image de Capucine Graby était, elle aussi, pour les organisateurs, un logo de la « marque ». Sa présence d’un soir en sa qualité de journaliste économique a donc été largement mise en avant. Pis : quand Jean-Pierre Moure, le président de l’agglomération de Montpellier, lui lance : « Vous êtes une ambassadrice à partir de ce soir », elle répond : « J’espère. »
Lorsque nous lui avons lu cet extrait enregistré (voir ci-dessous), Capucine Graby s’en est étonnée : « Moi j’ai dit ça ? Il l’a dit, je n’avais plus mon micro ». et comme nous lui disions que nous disposions de l’enregistrement sonore : « En tout cas, je ne suis pas ambassadrice de Montpellier. Je ne vais pas vendre des papiers sur Montpellier parce que l’agglo m’avait demandé d’animer cette soirée. Je reste complètement en dehors de tout ça. [...] »
Piégée, parce qu’elle s’est prise au jeu de la communication d’un soir ? Toujours est-il que Capucine Graby s’est laissé présenter comme ambassadrice de la « marque ». Un ambassadeur c’est quoi ? Jean-Pierre Moure explique : « Les ambassadeurs auront un rôle clé, un rôle qui est celui de porter cette marque, de l’aimer cette marque. [...] L’ensemble des porteurs qui sont ces ambassadeurs seront ce relai, cette force également de décliner l’information, des forces de proposition, c’est ça les ambassadeurs de Montpellier, c’est eux qui vont porter la marque qu’on découvrira dans un instant. »
On peut vérifier tout cela sur cet enregistrement sonore de médiocre qualité :
Nombre de professionnels de la profession se soucient comme d’une guigne des chartes de déontologie. Mais elles méritent qu’on les rappelle. La Charte de Munich (ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes), signée le 24 novembre 1971, adoptée par la Fédération européenne des journalistes et reproduite ici même stipule en son point 9 que les journalistes on pour devoir de « ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ».
Quand on lui rappelle, Capucine Graby ne voit pas le problème :
- Question : « Vous étiez présentée comme "journaliste" et en même temps la Charte de Munich dit qu’on ne doit "jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste". Est-ce que ça ne vous pose pas un problème d’être payée pour une opération de communication ? »
- Réponse : « Si j’avais été obligée de lire des questions qui avaient été pré-programmées oui ça m’aurait posé un problème et je ne suis même pas sûre que je l’aurais fait. Mais il avait été convenu que je puisse faire mon métier. Vraiment non, ça ne m’a pas du tout posé de soucis. Je ne vois vraiment pas où est le problème. »
Pas de problème ? Si, un peu quand même… Le métier de journaliste ? Poser des questions ! Dans n’importe quelles conditions ?
- Question : « Vous avez été payée par quelqu’un qui organise une soirée de communication... »
- Réponse : « Certes je suis payée mais si je fais mon métier de journaliste ? Après je suis journaliste indépendante, je ne vous cache pas que... Voilà. Non je ne vois vraiment pas le problème. À la limite, ce n’était pas vraiment prévu avec eux mais ils ont bien prévu qu’avec moi ça ne se passerait pas comme ça. J’ai vraiment retravaillé les questions pour être dans la contradiction en permanence. »
Avouons-le : tant de naïveté (puisque nous n’avons pas de raison précise de croire au cynisme…) déconcerte. Comme si les questions les plus embarrassantes dans une telle soirée pouvaient avoir une autre fonction que d’en valoriser les objectifs !
Henri Maler et Jacques-Olivier Teyssier, envoyé spécial permanent d’Acrimed à Montpellier et rédacteur de « Montpellier journal »
– Lire, sur le site de "Montpellier journal", « La journaliste de la soirée « Unlimited » en pétard contre l’agglo » qui l’a présentée dans l’invitation presse pour la soirée de lancement de « Montpellier unlimited » comme « journaliste au service économique d’i>Télé », alors qu’elle ne travaille plus pour la chaîne « depuis un an ».