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Un vigile agressé à Notre-Dame-des-Landes. Par qui ? La presse « sait » déjà

Les mardi 13 et mercredi 14 novembre 2012, de nombreux journaux papier et internet d’audience nationale, et bien sûr locale (Le Monde, Le Figaro, Le Point, LCI, BFMTV, Le Télégramme, etc.), ont publié des articles sur l’agression d’un vigile à Notre-Dame-des-Landes. Par qui ? Une enquête est en cours…

Mais ces mêmes médias « savent » déjà. Alors que, selon les informations fournies par la préfecture, les agresseurs, au nombre d’une vingtaine, sont à l’heure actuelle encore, « des inconnus », la plupart des titres (ou des articles) présument sans preuve, sans même prendre la peine de simplement téléphoner à la brigade de gendarmerie de Châteaubriand [1], en charge de l’information judiciaire, que des « opposants » au projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes sont responsables de l’agression [2].

Au moment où nous écrivons, aucune identité n’a été précisée, aucune revendication reçue. Peut-être s’agit-il d’une action perpétrée par des personnes qui se présentent comme des « opposants ». Peut-être pas… En tout cas, des supputations ne sont pas une information. Tout juste, pour le moment, une simple rumeur.

Après les fiascos journalistiques des affaires du « bagagiste de Roissy », de la « fausse agression du RER D » ou d’Outreau, la propension des médias à faire fi de leurs erreurs passées ne laisse pas d’étonner… D’autant plus que l’actualité récente aurait pu rappeler aux intéressés les risques qu’il y a à colporter des « informations » non vérifiées. Au moment où les défenseurs des accusés de Tarnac produisent de nouveaux éléments à charge contre les enquêteurs, et alors que les médias s’étaient empressés d’accréditer la version policière (ainsi que nous l’avions relevé), un peu de prudence aurait dû s’imposer.

Jusqu’au moment où l’on saura vraiment, si l’enquête aboutit. Et quand bien même il se vérifie alors qu’il s’agit « d’opposants », cela ne donnerait pas raison a posteriori à la légèreté des accusations sans preuve.

Pis : le communiqué de la préfecture (et non des enquêteurs) suggère une piste qui ne pouvait qu’impressionner les rédacteurs, celle d’une « minorité autonome, venue d’ailleurs, qui entretient l’insécurité sur le secteur de Notre-Dame-des-Landes »... Dans la foulée, il place l’agression contre le vigile sur le même plan que les affrontements avec les CRS de manifestants généralement pacifiques. Or, face à une mobilisation longue, particulièrement conflictuelle et lourde d’enjeux politiques, la communication de la préfecture – qui est, faut-il le rappeler, le porte-parole et le bras armé du gouvernement dans le département, et comme telle une des parties du conflit en cours –, n’est certainement pas la source la plus indépendante qui soit…

Pourtant, la plupart des médias « contextualisent » à leur tour, en présentant l’agression comme une suite des manifestations. Il se vérifie ainsi que l’on peut nuire souvent par simple routine et sans forcément le vouloir.




Post-Scriptum

Sur le tour bien étrange qu’a pris la conférence de presse organisée à la suite de cette affaire par le Collectif d’organisation de la manifestation de réoccupation de la ZAD, voir l’article de Breizh Journal , « Des journalistes d’Ouest-France et de l’AFP font pression sur les opposants de l’aéroport ».

 
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Notes

[1Le souci de vérification des « faits » et de précision dans leur présentation est tel dans cette affaire que les différents médias ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les blessures dont souffre le vigile : selon Libération il a été « roué de coups » au niveau « des membres, des mains et des épaules » ; tandis que pour La Dépêche il a été touché « aux mains et au dos » ; pour sa part, Le Figaro, repris par Le Nouvel Observateur, tout en relatant aussi un passage à tabac, évoque avant tout des brûlures « aux mains et aux avant-bras » consécutives à l’incendie de son véhicule par ses agresseurs.

[2Une bonne partie d’entre eux ne se prive pas d’accuser les « opposants » dès le titre de l’article – ainsi, par exemple, La Dépêche, Libération, France Télévisions, LCI et BFM TV –, tandis que d’autres ne font le rapprochement avec les manifestants que dans le corps du papier – comme, par exemple, France Inter, Le Figaro, Le Point, Le Nouvel Observateur, Le Télégramme et Presse Océan. Attention, nombre de liens qui précèdent sont peut-être temporaires.

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