Compétitivité islamophobe (et autres racismes)
– Pour 100 % des musulmans, les sondages sont plutôt une menace (Les mots sont importants, 25/10) – « C’est le cas, tout particulièrement, du sondage de l’IFOP, pour la simple raison, d’abord, que ce sondage est performatif : le simple fait de poser la question d’une éventuelle « menace islamique » contribue à semer le doute, inquiéter, et donc donner consistance à ladite menace. Chacun-e a déjà pu l’expérimenter : le meilleur moyen de susciter la peur dans une situation anodine, par exemple à la tombée du jour ou en cas de coupure de courant, est de poser la question de la peur. Que l’on demande « Tu as peur ? » ou qu’on affirme « Moi je n’ai pas peur », ou même qu’on déclare qu’« Il n’y a aucune raison d’avoir peur », le message implicite est le même : « Tu pourrais avoir peur », et il y a donc bien, en réalité, des raisons d’avoir peur. »
– Qui a peur de la “rage musulmane” ? (Avaaz, 20/09) – « La Une d’un magazine américain (ci-dessous) illustre parfaitement le message ressassé par les médias ces 15 derniers jours : le monde musulman s’embraserait d’une colère anti-occidentaux en réaction à un film islamophobe, et des hordes de protestataires violents nous menaceraient tous... Mais est-ce seulement vrai ? Les citoyens et les réseaux sociaux réagissent, et le site en anglais Gawker vient de publier une satire mordante de ce battage médiatique accompagnée d’images parodiant la “rage musulmane”. »
– Le tapage médiatique autour des réactions au film islamophobe : une tempête dans un verre d’eau (Le blog à Bécassine, 16/09) – « Où sont les hordes de salafistes qui se sont déversées dans nos postes radio apportant la preuve irréfutable qu’après le printemps arabe, s’abattait l’hiver islamiste ? Et Frédéric Encel d’expliquer vendredi soir sur France Inter que tout ceci était sciemment organisé, orchestré par les salafistes qui voulaient jouer la politique du pire en mettant Obama en difficulté et faire élire Romney. »
– Quand Charlie Hebdo fait de l’humour (Sébastien Fontenelle sur Bakchich.info, 20/09) – « On lit des fois, chez Wikipédia, d’intéressantes contributions, qui éclairent l’actualité d’une lumière nouvelle. C’est le cas, par exemple, de celle qui narre que les auteurs des illustrations – et autres infectes « œuvres » - antisémites du Moyen-Âge ne dédaignaient point d’user du « thème du cochon », qui visait « à humilier », puisque, dans la religion juive, « le porc est considéré comme un animal impur et interdit à la consommation selon les lois de la cacherouth ».
– La communauté chinoise de France scandalisée par un article du Point ( Les Inrocks, 10/10) – « Au cœur de l’été, l’hebdomadaire Le Point publie dans ses colonnes un article intitulé L’intrigante réussite sur la communauté chinoise de France. Signé par le journaliste Jérôme Pierrat, le papier enchaine les clichés sur une communauté au mieux décrite comme discrète et travailleuse, au pire dépeinte comme complice de l’insécurité, hors du système et gangréné par la mafia et la prostitution. »
Compétitivité des pigistes
– Tarifs des piges : en rire ou en pleurer – (Les incorrigibles, 16/10) – « Alors que la pige est un mode de rémunération (cf, Convention Collective des Journalistes) pour des journalistes n’ayant ni contraintes de présence, ni horaire, le paiement à la journée, en piges, se pratique en presse écrite pour des SR, rédacteurs graphistes, infographistes ou éditeurs photo (131 euros en région pour un SR ou de la coordination en PQR, 140 à 143 euros la journée à Paris) ou encore pour des photographes (110 euros en CDD prétendument d’usage en région). »
Compétitivité dans l’engagement libéral
– Quand François Lenglet annonçait trente ans de croissance heureuse – (Jean Gadrey sur le site d’Alternatives économiques, 9/10) – « L’économie mondiale serait à l’aube d’un retournement spectaculaire qui devrait lui apporter deux ou trois décennies de croissance, d’intensité comparable à celle des Trente Glorieuses, après la guerre. Cette période faste serait la cinquième d’une série qui a scandé la marche du capitalisme depuis la révolution industrielle, à intervalles réguliers. Des mystiques que ces adeptes des ” cycles longs ” ? »
– Les matinales de droite sur France Inter (Piratage(s), 13/11) – « P. Val déclarait en septembre 2012 qu’il se battait pour « que France Inter ne pense pas à la place de l’auditeur, mais donne des éléments du débat pour qu’il pense par lui-même ». Vœu pieu, on se demande alors pourquoi, « sa » matinale se compose exclusivement de ce que la pensée moyenne du pinacle journalistique peut produire. Un mélange homogène de sociaux-démocrates européistes (B. Guetta dont les analyses politiques sont aussi plates que le programme économique de F. Bayrou) mixé à des journalistes totalement soumis à l’ordre économique dominant. Si l’auditeur peut penser par lui-même ce n’est surement pas à l’aune d’un questionnement hors cadre ou dégagé du consensus économique libéral. »
– Travail dominical chez Bricorama : ces journalistes au chevet d’un délinquant multirécidiviste (Tout est politique, 10/11) - « Nous sommes ici dans le symbolique à forte valeur libérale ajoutée. La bataille médiatique fait rage, unilatérale. Là dans un reportage du JT de France 2 auquel il ne manque que la musique de La liste de Schindler pour me tirer une larme, on suit le Bourrelier, victime, du tribunal aux rayons de son magasin où il supplie les managers de soutenir les "collaborateurs volontaires" (aka les mecs mal payés comme des merdes le reste de la semaine) dans cette douloureuse peine de repos qui les attend dimanche prochain. Et nos plus grandes plumes d’exprimer une soudaine solidarité avec les salariés à 3 chiffres »
Compétitivité sexiste
– Expert, nom masculin (Le Monde.fr, 01/10) – « Ils te font parler une demi-heure et prennent une phrase, explique-t-elle. Si c’était pour avoir cette phrase, ils pouvaient ouvrir un dictionnaire. Mais l’expert a une parole plus légitime que le journaliste. Alors le journaliste, qui n’assume pas son expertise personnelle, a son pool d’experts qu’il reprend tout le temps. Mais il limite son champ avec son petit réseau. C’est aussi ça qui explique le manque d’ouverture. »
– Vendée Globe : l’interview sexiste de la navigatrice Samantha Davies par Paris Match (Slate.fr, 19/11) – « Je suis impressionnée par le calme de la navigatrice qu’on n’interroge donc que sur son statut de mère pendant onze questions (j’omets une relance de la journaliste sur une anecdote que Davies raconte), avec des questions de plus en plus culpabilisantes. Non mais rendez-vous compte, Samantha Davies ose participer à l’une des courses les plus importantes pour son métier plutôt que de rester à la maison pour s’occuper de son fils Ruben, d’un an et deux mois ! »
Compétitivité de l’autocélébration
– Jean-Pierre Pernaut, journaliste avant-gardiste (Owni.fr, 19/11) - « Jean-Pierre Pernaut n’est pas un présentateur populiste, mais un journaliste “avant-gardiste“. C’est ce qu’a écrit un employé de TF1 sur Wikipédia. Faute de s’être identifié sous pseudonyme, l’admirateur du présentateur a modifié la page Wikipédia en y laissant apparaître l’adresse IP de son employeur. La consultation des pages modifiées par les ordinateurs de TF1 révèle des dizaines de caviardages visant, essentiellement, à polir et améliorer l’image de Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Pierre Foucault, mais aussi et surtout Jean-Pierre Pernaut. »
Il est un domaine, en revanche, où la presse n’est que peu compétitive : l’autoanalyse. Voilà des pistes pour elle.
– Pourquoi la presse ment-elle autant sur elle-même ? ( La Méduse, 10/09) – « Ainsi, Eric Hoesli, devenu patron des quotidiens romands d’Edipresse, tombés sous la coupe du groupe alémanique Tamedia, n’a pas senti la nécessité de s’expliquer sur le limogeage en 2010 de Michel Danthe, rédacteur en chef du « Matin Dimanche ». Imagine-t-on en Suisse la mise à pied du patron d’UBS ou de Nestlé sans aucune ligne de commentaire ? »
– André Gorz : « Le journalisme, cette pensée sans sujet » (BibliObs.com, 9/11) – « Depuis quinze ans qu’il faisait ce métier, il abordait chaque papier ou presque avec le sentiment angoissant qu’il pourrait le louper. Ou que s’il ne loupait pas celui-ci, il en louperait bientôt un autre et tous ceux qui suivraient. Bref, qu’un jour il ne pourrait plus : parce que l’effort serait trop grand, parce qu’il ne saurait plus prêter ses paroles, sa pensée, sa voix et l’inflexion de ses phrases à ce qui, sous peine d’échec, devait rester la pensée d’un autre, très exactement une pensée autre : inflexible, impersonnelle, irréfutable comme la fatalité ou comme cette pensée sans sujet que nul ne pense et que chacun attribue aux autres, je veux dire “l’opinion publique” ».
– La presse entre révolution et vacuité (Owni.fr, 12/11) - « Il serait temps, en effet, de battre en brèche l’idée défendue par les tenants de la Lex Google : non, les journalistes n’ont jamais créé l’actualité. Ils n’en étaient que les porteurs, non les acteurs. Ils la racontaient, en lieu et place des personnages principaux, mais ne la faisaient pas. Ils se comportaient comme Google, en somme, sans jamais payer de taxe (tiens donc) ni aux acteurs de l’histoire qu’ils nous contaient, ni aux témoins dont ils rapportaient les propos. Ils ne produisaient que des mots, et ces mots-là, aujourd’hui, sont en concurrence directe avec nos mots à nous, tous, simples citoyens. »