I. Titrailles
Une compétition de longue date sur l’Islam et l’immigration. La vainqueur, toutes catégories et hors catégorie est, pour l’instant L’Express pour un titre qui suggère que le coût de l’immigration est exorbitant alors que les pages intérieures expliquent à peu près le contraire.
1. Le Parisien omnisport
Le quotidien du groupe Amaury, grand propriétaire d’épreuves sportives comme le Tour de France, s’est lancé dans la compétition du meilleur titreur de la presse nationale. Comment procéder ? Annoncer en « Une » un dossier plus ou moins équilibré par une question provocante. Problème, ces « provocations » à sens unique reproduisent les questions que soulève la droite parlementaire, voire l’extrême droite, et les rengaines angoissantes qu’elles propagent.
– Le 16 septembre, quelques jours après la rentrée, les retraités et leurs vacances perpétuelles sont dans le collimateur du Parisien. Le quotidien se demande si on peut les considérer comme « des privilégiés ». Comme la Cour des comptes semble l’affirmer, cette « classe d’âge », bien que profitant d’un niveau de vie « ayant désormais dépassé celui des actifs », bénéficie d’avantages fiscaux importants. Les ex-smicards et chômeurs de longue durée touchant le minimum vieillesse seront ravis de l’apprendre !
– Le 25 octobre, c’est sur « une bombe contenue dans le rapport Gallois » que titre Le Parisien : la fin des 35 heures. Une bombe pas très originale cependant, puisque la menace de son explosion imminente, sinon nécessaire, est inlassablement brandie par tout ce que l’élite politico-médiatique compte de modernisateurs intrépides depuis l’entrée en vigueur de la mesure, entre 1998 et 2000.
– Le 9 novembre, ce sont toujours des salariés qui sont à la « Une ». Plus précisément, des salariés de Bricorama… Anticipant sans doute les baisses de salaires, et la hausse du temps de travail qu’on allait bientôt leur promettre, ils réclament devant une permanence de FO qui s’oppose à la mesure, de « pouvoir travailler le dimanche ». Pour l’avenir, le mouvement social sera ravi d’apprendre que lorsque le salariat se mobilise, Le Parisien relaie en « Une » toutes ses revendications…
– Le 14 novembre, c’est l’écologie austère et punitive qui est implicitement visée. Non seulement son puritanisme nous prive d’une belle chasse au trésor et des joies de la fracturation hydraulique, mais elle tenterait de nous interdire de jouir des montagnes d’euros qui giseraient sous nos pieds. Sans compter que, pour paraphraser un ancien président de la République, dotés de réserves de gaz conséquentes, nous pourrions ne plus avoir besoin d’idées… Ce qui, au vu des quelques « Unes » qui suivent et précèdent, ne changerait pas grand-chose pour le Parisien !
– Le 15 novembre, ce sont à nouveau les salariés qui sont sur la sellette. Ou plutôt leurs emplois, puisqu’il s’agirait, pour les conserver, non seulement de « revoir nos salaires à la baisse », mais aussi de négocier le « temps de travail » et la « mobilité » à la hausse. Ces « transactions risquent de se multiplier dans les entreprises » ? En tout cas, les lecteurs du Parisien, impeccable dans sa mission « pédagogique », se seront au moins habitués à l’idée…
2. Le Monde de l’angoisse
À la mi-septembre, le gouvernement japonais a pris la décision d’arrêter progressivement la production d’électricité d’origine nucléaire, en partie à la suite d’une mobilisation importante et continue de la population contre cette industrie. Pourtant, lorsque dans son édition du 17 septembre Le Monde se penche sur cette annonce, c’est pour titrer : « L’arrêt du nucléaire au Japon suscite l’inquiétude » ! Même s’il s’agit de décrire ensuite – et visiblement à contrecœur – une réalité un tantinet plus contrastée…
On apprend en effet très vite que parmi les réactions à la décision gouvernementale, nombreuses sont celles « fondées sur des inquiétudes économiques » d’« autorités locales [craignant] de perdre des emplois, des subventions d’Etat et des revenus fiscaux ». Rien de bien surprenant pour qui sait la manne que peut représenter pour une commune, comme c’est le cas en France, la présence d’une centrale nucléaire. Pas très étonnantes non plus, les préoccupations d’« Hiromasa Yonekura, président du Keidanren – principale organisation patronale , dépendant grandement des subsides des compagnies d’électricité ». Plus intéressante en revanche, la rencontre entre le porte-parole du gouvernement japonais et les ambassadeurs britannique et français, inquiets, eux-aussi, « de l’avenir du combustible japonais retraité dans leurs deux pays », ou pour le dire plus crûment, de voir leurs champions nationaux perdre des contrats. Autant d’inquiétudes qui reposent donc sur des intérêts économiques bien compris et délimités.
Car, du côté de la population, il en va visiblement tout autrement, ce qui n’est d’ailleurs pas sans surprendre Philippe Mesmer, correspondant du Monde à Tokyo… Il présente ainsi la décision d’arrêter progressivement le nucléaire comme un « recul » du gouvernement japonais qui avait annoncé avant Fukushima vouloir, au contraire, augmenter la part du nucléaire dans la production d’électricité [1]. Et Philippe Mesmer de se demander : « pourquoi ce recul ? ». Après tout, l’explosion de trois bâtiments réacteurs n’a contaminé quelques centaines de kilomètres carrés de terres cultivables et de forêts, et n’a conduit à évacuer définitivement que quelques dizaines de milliers de personnes… Si, le gouvernement « recule », c’est donc « pour satisfaire une population inquiète à l’approche d’un scrutin législatif ».
On apprend donc, dans le dernier tiers de l’article, que cette perspective d’un arrêt du nucléaire ne suscite pas que « l’inquiétude » au Japon… Loin de là, puisqu’elle semble bien au contraire satisfaire les « attentes d’une opinion majoritairement hostile au nucléaire depuis Fukushima et pour laquelle le risque d’un nouvel accident semble plus important que l’impact économique d’une sortie du nucléaire ». Et il est vrai, qu’y a-t-il de plus important pour un pays que la bonne santé de son économie ? Visiblement, la population japonaise fait primer sa propre santé…
Non seulement Philippe Mesmer trompe le lectorat avec un titre orienté qui ne reflète que la part qui l’arrange de la réalité qu’il décrit, mais il se permet de mettre implicitement en doute la rationalité d’un peuple qui, après avoir subi une catastrophe effroyable, et s’être mobilisé obstinément, obtient satisfaction de son gouvernement contre des intérêts économiques puissants… Ou comment utiliser la titraille pour faire valoir ses propres inclinations.
II. Pitreries
1. Editostar de Téléstar
Dans le Téléstar du 13 au 19 octobre 2012, Catherine Rambert signe un éditorial d’anthologie, tout en nuances et en concision. En quelques lignes seulement, sans aucun chiffre et sans aucune source, tout y passe de la complainte du contribuable énervé contre le service public : dénonciation de l’inertie et de l’archaïsme, des effectifs pléthoriques et des gaspillages, de la couardise des dirigeants qui renoncent à réformer – avec au passage une pique sexiste contre le président de la République. En l’occurrence, la diatribe vise le secteur de l’audiovisuel, mais gageons que si on le lui demandait, Catherine Lambert pourrait écrire mot pour mot le même texte sur n’importe quelle administration, institution, ou organisation publique ou para-publique… C’est tout l’avantage de la langue automatique des éditorialistes que de les autoriser à parler de tout sans rien en connaître !
« Payez, payez braves gens »
« Comme ils sont incapables de réformer la télé et la radio publiques, nos braves patrons de chaînes, aussi courageux que François Hollande déguerpissant devant Ségolène Royal à l’Onu, ont préféré augmenter la redevance plutôt que de s’attaquer , au hasard, à la réforme de France 3, aux surreffectifs dans les médias publics et autres gabegies que l’auteur de ces lignes vous épargne car ça va vous énerver. »
Rappelons simplement que Téléstar a reçu 4 790 124 euros d’aide à la presse en 2011.
2. Du yaourt entre les oreilles ?
Dans une dépêche de l’AFP du 10 novembre, reprise entre autres par Le Monde le 11 novembre, il est fait référence à une localité prétendument nommée Khan Yogourts. Nul besoin d’être un arabisant distingué pour s’apercevoir que ce toponyme sonne étrangement… Un bref coup d’œil sur une carte montre d’ailleurs que cette localité n’existe pas, et qu’il s’agit sans doute de Khan Younes. Pari (stupide) ou plaisanterie (de mauvais goût) de l’agencier ? Le plus consternant n’est pas dans la réponse à cette question, mais dans le fait que des rédacteurs de plusieurs titres aient pu reprendre cette « information » sans se rendre compte de la supercherie, et la publier telle quelle…
"C’est le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, gauche nationaliste) qui a revendiqué l’attaque contre la patrouille israélienne, affirmant qu’elle avait eu lieu à 16 h 55, heure locale. Des tirs d’artillerie ont par ailleurs blessé cinq Palestiniens à l’est de Khan Yogourts , dans le sud de la bande de Gaza"