Pris d’un soudain accès incontrôlable de légalisme, Acrimed voulut un jour bénéficier officiellement de l’autorisation administrative de délivrer des reçus fiscaux et a pour cela demandé un rescrit fiscal, document par lequel l’administration fiscale s’engage à accorder un droit. Erreur fatale : quand on est certain de son bon droit, mieux vaut ne pas demander qu’il soit reconnu.
(1) Les paradis fiscaux ne nous étant d’aucune utilité, nous avons constitué un dossier. Une demande initiale présentée le 9 septembre 2010 a été complétée (à la suite d’une demande de renseignements datée du 14 janvier 2011) le 8 février 2011 : six mois de perdus ! Et enfin une réponse, négative, nous est adressée le 29 juillet 2011, soit… dix jours seulement avant la fin du délai réglementaire de six mois laissé par les textes à l’administration pour nous répondre.
(2) Nos (vastes…) bureaux étant fermés pendant le mois d’août, nous avons formé un recours auprès du « Collège de second examen des rescrits d’Île-de-France » le 5 septembre 2011 par courrier que l’administration dit avoir reçu le 12 septembre 2012. Ce Collège disposait de six mois pour nous répondre, soit jusqu’au 12 mars 2012. Or ce n’est que le 26 mai que nous avons reçu un rendez-vous de réexamen, fixé le 29 juin 2012. Les délais n’ayant pas été respectés, les textes prévoient qu’une décision d’accord tacite nous permettant de délivrer les reçus fiscaux était donc intervenue.
(3) Forts de notre bon droit et, toujours ivres de légalisme, nous nous sommes pourtant rendus au rendez-vous fixé, avec une avocate... Sommet de l’art administratif avec le refus qui nous fut opposé d’examiner les nouveaux arguments, fondés sur de nouveaux documents, au prétexte qu’ils ne vous avaient pas été préalablement soumis et que l’audience n’avait pas pour objet de les examiner. Ainsi, un second examen provoqué hors délais pouvait avoir lieu sans que le demandeur puisse apporter des éléments nouveaux justifiant son recours et sa demande. Or, c’est en l’absence d’examen de ces éléments qu’une nouvelle réponse négative nous a été notifiée.
(4) Ce second refus nous fut notifié le 12 juillet 2012 par des contorsionnistes dont il faut admirer la souplesse. À propos du dépassement des délais entre le premier et le second examen, nos talentueux acrobates reconnaissaient eux-mêmes que « ce délai ayant été dépassé, l’association peut se prévaloir d’une décision d’accord tacite à compter du 12 mars dernier ». Les textes sont en effet sans ambiguïté. Victoire ?
Que nenni ! Le numéro d’acrobatie n’était pas fini : « Cependant la DDFIP a analysé votre demande [de second examen] comme une nouvelle demande de rescrit ». Traduction : « puisque la seconde demande était hors délais, nous décidons souverainement de la considérer comme étant la première ! » Rien ne semble justifier ni cette dérogation à la loi ni l’interprétation ainsi donnée de l’audience qui s’est tenu le 29 juin 2012, plus de trois mois après le terme du délai réglementaire.
(5) Mais grande et généreuse est l’administration quand elle se redresse. La réponse négative à notre seconde demande arbitrairement considérée comme une nouvelle demande (examinée, rappelons-le, sans prise en compte des arguments et documents nouveaux), était assortie de cette précision : « Cette décision rapporte l’accord tacite du 12 mars 2012 précité. En conséquence, l’accord tacite n’est applicable qu’à compter du 12 mars 2012 jusqu’à la date de réception du présent courrie r ». Traduction : nous avions le droit, sans le savoir, de délivrer des reçus fiscaux pendant quatre mois ! Évidemment, aucune disposition des textes en vigueur ne justifie une telle décision et un tel abus de cynisme.
(6) Bien décidés à boire jusqu’à la lie la coupe enivrante du légalisme, nous avons donc demandé un nouvel examen. 14 septembre 2012, documents à l’appui. Il eut donc lieu, mais en dehors de notre présence. La sentence est tombée le 5 mars 2013, soit dix jours avant le terme du délai de 6 mois : nous ne sommes pas recommandables !