C’est désormais une réalité : la délocalisation de l’information se développe tant en métropole qu’outre-mer. À l’image d’une pratique déjà observée aux États-Unis, des pure players d’information locale alimentés par des rédacteurs basés aux Philippines, nous apprenons qu’un site appartenant à une télévision réunionnaise fait travailler des contributeurs malgaches pour un salaire dérisoire. Ces derniers « rédigent des articles », en pompant allègrement les autres sites francophones de l’océan Indien. Ça coûterait bien trop cher de payer de vrais journalistes pour chercher l’information, de respecter les droits d’auteur, de citer ses sources ! Ça permet surtout de rafler de la pub au nez et à la barbe des médias qui respectent la loi.
Le même phénomène, révélé récemment par une enquête d’Arrêts sur Images [1], touche des sites d’information locale français, ce qui a motivé récemment un communiqué du Syndicat patronal de la presse en ligne (Spiil) [2] contre cette « concurrence déloyale ». Présentés comme des pure players d’hyper-locale, les sites « Bordeaux.actu », « Toulouse.actu » ou « Lyon.actu », édités en ligne par le groupe français Hi-média, copropriétaire de La Tribune, sont en réalité basés en Tunisie, depuis que cet éditeur n’a pas hésité à licencier l’ensemble de ses rédactions françaises, pour délocaliser le tout.
Au-delà de cette recherche effrénée de profits, cette information low-cost a pour principale conséquence de mettre au chômage nos confrères français. Et puis, quelle est la valeur de l’information produite ? Ces « confrères » ont-ils reçu une formation digne de ce nom ? Quel est leur statut ? Quelles sont leurs conditions de travail ? Combien sont-ils payés ? Ces « journalistes » ne peuvent faire que du copier/coller, présenté comme de l’information, sans qu’un vrai et sérieux travail de journaliste ait été effectué. Est-ce cela le respect du public ? Est-cela l’info du futur ?
Le ministère des Affaires étrangères, qui coordonne la formation des journalistes tunisiens qui travaillent pour cet éditeur français, est-il conscient d’organiser une forme de dumping social contre des salariés français journalistes ? L’ambassade de France à Tunis, qui sur son site, garantit un « emploi » à ces futurs journalistes low-cost, est-il conscient de cautionner de telles pratiques ? Quel est l’objectif du ministère du Travail lui-même, qui valide ces formations en leur donnant une équivalence française ?
Première organisation de la profession, le Syndicat national des journalistes (SNJ), s’interroge sur la légitimité des aides publiques dont pourrait bénéficier une presse qui fait travailler des contributeurs en dehors du droit français, et exige des ministères concernés, et du gouvernement, qu’ils fassent cesser ces pratiques scandaleuses.
Paris, le 20 mai 2013.