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Les éditions Fayard condamnées pour les plagiats avérés de Françoise Laborde (du CSA…)

par Henri Maler,

Le Tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement rendu le 7 juin 2013, a condamné la société Fayard pour des plagiats. Cela mérite qu’on s’y arrête.

Dans un article publié sur notre site le 25 février 2012 – « Françoise Laborde (du CSA) et Denise Bombardier prises en flagrant délit de plagiat » - nous avions soumis à un test comparatif un article et un livre : un article de Claire Levenson publié sur Slate.fr et repris dans un ouvrage collectif Un troussage de domestique paru aux éditions Syllepse, d’une part, et des passages d’un livre que Françoise Laborde a rédigé en compagnie d’une journaliste québecoise, Denise Bombardier, paru quelques semaines plus tard, en octobre 2011, aux éditions Fayard sous le titre Ne vous taisez plus !

Le test était à nos yeux parfaitement concluant, puisque nous écrivions : « La raison juridique a ses raisons qui peuvent ne pas être les nôtres. En ce qui nous concerne, la cause est entendue : le plagiat est avéré. »

Condamnation

Or le Tribunal de grande instance de Paris dans un jugement rendu le 7 juin 2013, a précisément condamné la société Fayard pour plagiat, à la demande de l’auteure de l’article et des éditions Syllepse. Le tribunal, notamment :

- condamne Fayard à payer à Claire Levenson 20.000 euros « en réparation de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur », et 15.000 euros aux éditions Syllepse « au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux »  ;

- autorise la publication du dispositif ou d’un extrait du présent jugement dans deux journaux ou revues du choix des demanderesses et au coût avancé de la société LIBRAIRIE ARTHEME FAYARD dans la limite de 3.500 euros HT par insertion.

Si les auteures de ce plagiat (attribuable en fait à la seule Françoise Laborde selon les déclarations réitérées et insistantes de son co-auteur) ne sont pas elles-mêmes condamnées, c’est parce que Fayard n’a pas voulu appeler en garantie les auteures du livre Ne vous taisez plus ! alors que la loi et le contrat d’édition prévoient un tel mécanisme [1].

Précisons, enfin, que selon le tribunal, les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire. Autrement dit, même si les éditions Fayard décident de faire appel, le jugement n’est pas suspensif.

Plagiat

Dans ses attendus, le tribunal relève cinq passages identiques et conclut qu’il est « manifeste que le texte litigieux reproduit, très souvent au mot près, l’article de la demanderesse, employant les mêmes expressions, et surtout épousant la même construction et la même logique ».

Et de préciser : « Alors qu’un article de presse est le plus souvent une alternance de citations et de commentaires ou d’analyses, la synthèse qui en découle étant justement ce que le lecteur attend d’un journaliste avisé, le travail de Madame Levenson a consisté à mettre en lumière ou en opposition certaines pensées ou certains arguments pour les utiliser dans le cadre de sa comparaison entre la France et les États-Unis, et c’est cette mise en perspective qui a été reprise, avec parfois pour seuls changements le temps. »

Dénigrement ?

Parmi les arguments cocasses de la défense des éditions Fayard, nous retiendrons celui-ci, tel que le résume le tribunal :

« La société FAYARD fait valoir qu’elle-même et ses auteurs auraient fait l’objet « d’une campagne de presse abjecte  » orchestrée par les demanderesses [Claire Levenson et les éditions Syllepse], ayant mis l’ouvrage litigieux « au pilori  », alors que les accusations de plagiat seraient « marquées du sceau de l’infamie . »

Terrible campagne de presse, en effet… qui s’est résumée, sauf omission de notre part, aux articles publiés sur le site d’Acrimed (relayé prudemment par « Arrêt sur images » et le Journal de Québec).

* * *

Aux lecteurs qui voudraient en savoir plus et aux journalistes qui voudraient s’aviser d’informer leurs lecteurs, nous offrons ci-dessous le fichier .pdf du jugement rendu le 7 juin 2013…

… En espérant, sans trop le croire, que, se gardant de toute « abjection », les principaux médias feront enfin leur travail et que, sans « dénigrer », ils voudront bien considérer que le plagiat, véritable détournement de fonds culturels, n’est pas plus anodin qu’un vol de téléphone portable. On peut même rêver que des journalistes rappellent que Françoise Laborde est membre du très déontologique CSA où, entre autres responsabilités, elle est en charge de la protection de l’enfance et de l’adolescence.

Henri Maler

* * *
Le jugement rendu le 7 juin 2013 (en .pdf)

Nota bene -Denise Bombardier se désolidarise. Enfin !

Denise Bombardier déclarait, en février 2012, qu’il n’y avait pas plagiat… puisque Fayard et François Laborde s’innocentaient mordicus. Elle se déclarait par conséquent solidaire, comme nous le relevions dans un article intitulé « Françoise Laborde prise en flagrant délit de plagiat ? Circulez, y a rien à voir… ».

Il y a encore quelques mois, sur Radio Canada, elle s’obstinait à nier les faits, comme on peut le lire et le voir sur le blog (québecois) de Patrick Lagacé.

Le jugement rendu a permis à Denis Bombardier de soulager enfin sa conscience.

Le 21 juin 2013, en effet, dans Le Journal de Montréal, sous le titre « Bombardier blanchie par son éditeur, on pouvait lire ceci :

« Denise Bombardier se dit « extrêmement choquée et triste » d’avoir fait confiance à Françoise Laborde, qu’elle considérait comme une amie. « Je n’aurais jamais pu m’imaginer qu’une personne que je connais, une ex-présentatrice du journal télévisé sur France 2, puisse faire une telle chose, note-t-elle. Je suis renversée de voir ce qui est arrivé. » « Elle n’a pas donné ses sources ! ajoute Denise Bombardier. Elle n’a pas dit qu’elle avait pris ça sur un site Internet... »

L’auteure de 72 ans ne craint pas qu’une telle histoire nuise à sa réputation. « Je n’ai jamais rien eu à cacher. Ma réputation est sans tache », affirme-t-elle.

De toute cette histoire, madame Bombardier tire une leçon. « Je n’écrirai plus de livres avec quelqu’un d’autre ! » s’exclame-t-elle avant d’indiquer qu’en France, les affaires de plagiat sont monnaie courante. « Là-bas, ce sont des choses qui arrivent fréquemment. C’est incroyable ! […] »

Passons sur la prétendue particularité française, et reconnaissons que la liste des plagiats avérés s’allonge sans cesse.

 
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Notes

[1Sauf erreur, l’appel en garantie est un mécanisme juridique par lequel l’auteur garantit l’éditeur quel’œuvre dont il lui cède les droits de reproduction est originale et ne porte pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui. En cas de contrefaçon, l’auteur doit garantir l’éditeur des condamnations qui pourraient être prononcées contre lui du fait de la reproduction d’un ouvrage contrefaisant. L’éditeur doit alors assigner son auteur en garantie pour lui faire supporter les conséquences de son comportement. Fayard a donc choisi de ne pas exposer ses auteures en ne les appelant pas à la garantie et, par conséquent, de supporter seule les condamnations.

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