En juillet 1953, Pierre Poujade, papetier de son état, mais aussi conseiller municipal de la commune de Saint-Céré, dans le Lot, prend la tête d’un groupe de commerçants qui expulsent manu militari des fonctionnaires venus procéder à un contrôle fiscal. Pierre Poujade crée alors un mouvement politique d’inspiration si ce n’est fascisante, du moins ancrée à l’extrême-droite – Jean-Marie Le Pen y fit ses classes de député –, dont le seul objet était de faire valoir les intérêts des artisans et des commerçants prétendument étranglés par le fisc et l’administration, et qui connut d’importants succès électoraux jusqu’en 1958.
Le 12 septembre 2013, Le Point commémore, non sans courage, et en Une s’il vous plait, les 60 ans de l’évènement fondateur de ce mouvement politique quelque peu singulier, avec un bel hommage au « poujadisme » qui reprend toutes les exquises thématiques qui firent sa popularité et sa postérité.
Hasard du calendrier ou pas, cette opération éditoriale est avant tout une tentative du Point de mobiliser son lectorat en flattant ses a priori idéologiques et ses passions politiques. Car si l’hebdo de Pinault avait réellement voulu informer, il aurait facilement pu découvrir, entre autres :
- que la croissance continue du Code du travail qu’il dénonce ne peut s’expliquer sans tenir compte de la multiplication des contrats précaires et des dérogations – qui, si persécution il y a, participent plutôt à celle des salariés qu’à celle des employeurs ;
- qu’avec 2 300 inspecteurs du travail – alors qu’il y a 5 000 contractuels pour les PV de stationnement – pour 1 800 000 entreprises à contrôler, les « persécutés » ne doivent pas être trop nombreux, ni être suppliciés trop souvent ;
- que si, comme le relate Le Point, 86 % des patrons de PME se disent en bonne santé, contre 71 % des salariés, c’est que les persécutions ne doivent pas être trop brutales.
Blaise Magnin, Pascal Vitte