La chefferie éditoriale de la presse magazine d’information est souvent graphomane. Et à chaque fois (c’est-à-dire très, trop souvent) qu’un de ces éditocrates commet un essai, une biographie ou même un roman, il ne peut empêcher qu’un de ses salariés, débordant d’admiration, vante le chef-d’œuvre, ni que la recension en question (on ne peut alors parler de critique) ne figure dans les pages qu’il dirige…
– Au Nouvel Observateur, le 28 août, c’est ainsi le énième essai historique de Laurent Joffrin qui est chroniqué dans des termes louangeurs, par un journaliste maison :
« Les faits sont authentiques. Enfin, presque. Joffrin, en fin connaisseur de l’épopée napoléonienne, s’amuse - et nous amuse. Le récit est vif, pittoresque, coloré : le Paris du début du XIXe revit, avec ses quinquets, ses pavés, ses calèches, et, surtout, ses personnages grandioses. Parmi eux, Fouché, Pauline, et le duc d’Enghien, qui connaîtra une fin inique, au petit matin... […] Sur la lancée d’Alexandre Dumas et de Conan Doyle [rien que ça...], Laurent Joffrin réconcilie l’histoire et le polar, l’aventure et la politique, l’humour et le drame hugolien. Résultat : un livre qu’on lit au grand galop, en savourant. »
– Plus original, dans le numéro du 5 septembre du Point, ce n’est pas un sous-fifre, mais le patron en personne, l’inénarrable Franz-Olivier Giesbert, qui encense le dernier roman de celui qu’il a promu à la tête du service culture en 2007, puis à la direction adjointe de la rédaction en 2010, le non moins inénarrable Christophe Ono-dit-Biot.
Il faut dire que si Giesbert s’applique à dire le génie torturé de son protégé, présenté, excusez du peu, comme « la synthèse vivante des Anciens et de Modernes, cherchant son chemin dans ce “quasi cadavre” agité de soubresauts qu’est devenu selon lui le Vieux Monde », son papier est aussi l’occasion pour lui de briller en faisant étalage d’une grandiloquence qui n’a d’égale que sa suffisance : « Roman brillant d’une génération sceptique, “Plonger” n’hésite pas à célébrer le narcissisme, dont le narrateur considère qu’il devrait être “obligatoire” : “Il vous empêche de vous laisser aller et d’être une charge pour les autres.” Mais ce narcissisme est corrigé tout au long du livre par la hantise de la catastrophe annoncée. S’il fallait résumer ce beau livre solaire et noir, deux mots suffiraient : mourir vivant. »
Un seul mot suffit pour qualifier cette complaisance de « la critique » confraternelle : pathétique.
Blaise Magnin