Deux jours avant la grève du 7 novembre 2013 des salariés de France Télévisions, Wendy Bouchard, dans l’émission « Europe midi votre journal », proposait à ses auditeurs un débat sur la télévision publique. Mais dans cette émission d’« info au service des Français » – un service rendu notamment grâce à « grand face à face des deux invités sur un sujet qui fait débat » [1] –, il ne sera jamais question des causes de la grève, et pour cause : elle ne sera même pas mentionnée. L’unique question posée sera celle-ci : « France Télés gaspille-t-elle l’argent public ? » – et sa variante : « La télé publique mérite-t-elle votre argent ? »
D’ailleurs, si France Télés a les honneurs d’« Europe midi votre journal », si le débat proposé par Wendy Bouchard est comme elle le dit « au cœur de votre quotidien », ce n’est pas parce que la grève de ses salariés approche, mais parce que « vous avez dû recevoir vos avis de taxe d’habitation et cette contribution à l’audiovisuel public qui y est adossée ». Avant de laisser la parole à ses invités, la présentatrice rappelle que la redevance a augmenté cette année, qu’elle augmentera l’an prochain et qu’« on râle parfois en payant cette redevance à la lecture des programmes télé qui ne nous plaisent pas toujours ».
Pour s’assurer d’un débat riche et pluraliste, Wendy Bouchard a fait appel à Bruno Roger-Petit, journaliste réputé « de gauche », et Franck Riester, député UMP, membre de la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale.
Alors, gaspillage ? Le premier répond à la question posée par l’affirmative : « Je suis comme beaucoup de gens, je paye 131 euros […] et tout ça pour des chaînes que je ne regarde plus », et pour justifier son propos, dénonce le « four d’audience absolu » de l’émission de Sophia Aram. Le second commence son intervention en précisant qu’il ne saurait être « fondamentalement en désaccord » avec son « contradicteur ».
Inutile de revenir en détail sur le débat, essentiellement centré sur la publicité, entre un Franck Riester défendant sa suppression totale et un Bruno Roger-Petit défendant son rétablissement, avant que les deux s’accordent sur la réforme nécessaire du groupe. Il suffit de dire que le point de vue adopté, par les débatteurs, l’animatrice ou les auditeurs [2] sera, de bout en bout, sera celui du téléspectateur, traité exclusivement en contribuable consommateur…
… Ce qui, sur Europe 1, n’est guère surprenant. Mais qu’un tel débat ait lieu dans le contexte de suppression d’emplois à France Télévisions et d’un appel à la grève de ses salariés, et que ce contexte, précisément, ne soit jamais évoqué, directement ou indirectement, restera dans les annales de la radio – la radio privée, qui informe sans gaspillage d’argent public et s’efforce de « mériter votre argent », celui de la publicité payée par les consommateurs.
Olivier Poche
NB voir le communiqué d’Acrimed : « Solidarité avec les grévistes de France Télévisions ».