La sondomanie chronique dont souffrent la plupart des médias dominants prend parfois des formes aiguës, avec bouffées délirantes, assez inquiétantes. Ainsi, le lecteur de passage sur le site du Figaro le 15 novembre aux alentours de midi aurait eu la surprise de découvrir que la France était en passe de se dépeupler brutalement :
Le premier titre, qui renvoie à une enquête d’opinion commandée par Le Figaro Étudiant et France TV à l’institut Opinion Way s’avère aussi flou que le sondage qu’il commente. En rassemblant tous les jeunes de 18 à 34 ans dans le même sac, en les questionnant sur leurs « volontés » sans qu’on sache quel degré de réalité elles revêtent à leurs yeux, et en faisant comme si toutes les formes et tous les motifs « d’expatriation » étaient équivalents, ce sondage et a fortiori son commentaire n’informent sur rien. Mais sans excéder les dérives sondagières habituelles.
En revanche, avec le second article, qui relate les résultats d’une enquête d’opinion réalisée par Toluna Quicksurveys [1], Le Figaro dépasse les limites même de la vraisemblance.
Alors que le titre (« Près de 50 % des Français prêts à fuir la France »), pourtant totalement improbable, introduit une dose de conditionnel (« prêts à »), il s’avère que les résultats détaillés du sondage livrent des prédictions beaucoup plus précises et définitives : « Cette possibilité de partir devrait se réaliser dans un futur proche. Plus de 21 % des personnes interrogées pourraient s’envoler vers de meilleurs cieux dans les 3 mois à venir, 25 % dans les six mois, 20 % dans les 12 mois, 8 % dans les deux ans et 9 % dans les 5 ans à venir. Le plus tôt serait donc le mieux pour une bonne partie d’entre eux, le temps de régler les affaires courantes. Près de 16 % des sondés n’ont en revanche aucune idée quant à un possible départ. »
Dans le meilleur des cas, plusieurs millions de Français auront donc pris le chemin de l’exode d’ici cinq ans, et si le pire de ces scénarios sondagiers se réalise (seuls 16 % des Français qui n’ont « aucune idée quant à un possible départ » resteront sur le territoire), la France ne comptera plus que dix millions d’habitants en 2018 ! Espérons que le Canada et les États-Unis, qui recueillent le plus de suffrages des futurs migrants (30 %), auront le temps de se préparer un peu avant d’accueillir, d’ici cinq ans, ces hordes de Français en quête d’une vie meilleure.