Le Centre de formation des journalistes, l’école des Hautes études commerciales et Le Monde viennent d’annoncer la création du « Prix Erik Izraelewicz » de la meilleure enquête économique. Attribué par un jury composé en partie de grands patrons, il récompensera chaque année un étudiant et un journaliste chevronné.
« Un an après sa disparition brutale le 27 novembre dernier, Le Monde, le CFJ et HEC, trois institutions qu’il a marquées de son empreinte, ont souhaité honorer sa mémoire et faire vivre les valeurs d’indépendance, de rigueur et d’exigence éditoriale qu’il a fait siennes durant toute sa carrière », détaille un communiqué commun des « trois institutions » daté du 26 novembre.
« Valeurs d’indépendance » ? À la lecture de la suite du communiqué, on peut en douter. Outre des représentants des directions du Monde, du CFJ et d’HEC, le jury de la première édition sera constitué des journalistes Emmanuel Chain (ex-présentateur de l’émission « Capital » sur M6), Sabine Delanglade (Les Échos), Alain Frachon (Le Monde), et de personnalités « du monde de l’entreprise » :
- Xavier Fontanet, PDG du groupe Essilor ;
- Denis Kessler, numéro un du réassureur Scor, ancien vice-président du Medef ;
- et Nicole Notat, ex secrétaire générale de la CFDT, devenue elle-même chef d’entreprise [1].
Autrement dit, trois patrons de multinationales, dont deux se sont succédé à la tête du Siècle [2], institution dont on sait la valeur qu’elle accorde à l’indépendance de la presse puisqu’elle a pour vocation de « fluidifier » les relations entre journalistes dominants, milieux d’affaires et personnel politique. Cette association organise en effet, une fois par mois à l’hôtel Crillon, le palace de la place de la Concorde, « un dîner de personnalités venues de tous les horizons (politique, économie, presse, social...) », comme le résumait Le Figaro.fr au moment de la nomination de Nicole Notat.
Les Échos, HEC, le Medef, le Siècle : la composition du jury a au moins le mérite de suggérer assez clairement l’arrière-plan idéologique du futur « Prix Erik Izraelewicz ». En toute indépendance...
David Garcia