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En République démocratique du Congo, les médias blanchissent les États-Unis

par FAIR,

En République démocratique du Congo, nous dit FAIR dans cet article paru en janvier dans Extra !, son magazine mensuel, les médias américains n’ont pas manqué une occasion de saluer la contribution récente des Occidentaux à l’apaisement – temporaire – des tensions dans la région, oubliant de rappeler simultanément le rôle de ces derniers dans l’exacerbation des conflits au cours des deux décennies précédentes.

Cette vision partiale, puisque partielle, est révélatrice d’un certain opportunisme médiatique : elle permet aux journaux en question de se ranger à tous les coups du côté des vainqueurs et donc d’écrire l’histoire d’une façon pour le moins contestable. Car en matière de géopolitique, l’amnésie journalistique est sans doute plus fâcheuse encore qu’ailleurs : rendre compte du présent en occultant (sciemment ou non) le passé, c’est se condamner, ainsi que ses lecteurs, à une vision mutilée et manichéenne de la réalité historique, les journalistes se contentant de distribuer bons et mauvais points a posteriori, sans se soucier des cécités qui sont les leurs, et de leurs conséquences, y compris médiatiques. Nous vous proposons cette traduction en français de l’article original avec l’autorisation de son auteur, Steve Rendall. (Acrimed)

Les médias américains n’ont pas tari d’éloge sur les États-Unis et leurs alliés au sein de l’Otan pour avoir pesé de tout leur poids au cours de l’année écoulée afin de mettre un terme à une insurrection sanglante en République démocratique du Congo (RDC). Malheureusement, les journalistes ont généralement oublié de préciser que ces mêmes pays avaient attisé les conflits dans cette région depuis deux décennies en donnant carte blanche à leurs alliés dans cette zone.

Le 5 novembre 2013, la milice M23, soutenue par le Rwanda, a déposé les armes. Cette milice, parmi les plus redoutées en RDC, fut une des nombreuses organisations paramilitaires appuyées par les alliés des États-Unis que sont le Rwanda et l’Ouganda tout au long d’un conflit régional vieux de 17 ans (voir l’article du New York Times du 6/11/13).

Pendant 20 mois, la M23 a assassiné des civils, eu recours au viol, et a enrôlé de force des enfants au combat, ne rendant les armes qu’après l’interposition de la brigade d’intervention de l’ONU (composée presque exclusivement de soldats africains) à la suite d’une série de défaites militaires subies par l’armée régulière congolaise.

On a largement salué la pression occidentale sur le Rwanda visant à faire céder la M23 (voir notamment les articles parus dans le New York Times du 6/11/13 et le Christian Science Monitor du 7/11/13). En effet, à la suite d’un rapport de l’ONU rendu le 15/11/12 qui mettait en évidence le fait que la M23 avait été soutenue, entraînée et chapeautée par le Rwanda, les États-Unis ainsi que certains de leurs alliés occidentaux ont imposé des sanctions à ce pays, cessant de lui envoyer de l’aide, ce qui a privé la M23 d’un appui logistique considéré comme déterminant par beaucoup.

Ce que les grands médias ont négligé – l’un des multiples aspects qu’ils négligent systématiquement sur le conflit en RDC –, c’est le rôle durable joué par les États-Unis et leurs alliés occidentaux dans la protection et le financement des soutiens de la M23 et des organisations paramilitaires brutales qui les ont précédés dans la région.

Comme l’a expliqué le 12/12/13 dans un communiqué de presse l’association « Friends of the Congo », organisation militante basée à Washington, les efforts des États-Unis et de la Grande-Bretagne visant à obliger le Rwanda à couper les ponts avec la M23 ont été récompensés « après 17 ans pendant lesquels le régime rwandais est intervenu régulièrement en RDC en ayant pratiquement carte blanche. »

Les enjeux économiques et financiers liées aux ressources incroyablement riches du Congo sont tout aussi souvent négligés ; ces dernières aiguisent les appétits depuis que Joseph Conrad a écrit à propos du Congo à une époque plus ancienne et plus sanglante encore qu’il fut l’objet « du pillage le plus ignominieux ayant jamais défiguré la conscience humaine ». Au temps où Léopold, roi des Belges, sévissait au Congo, le caoutchouc et l’ivoire figuraient parmi les richesses les plus prisées du Congo ; aujourd’hui, le Rwanda – et d’autres – cherchent à faire main basse sur les ressources du Congo que sont l’or, les diamants, le tungstène, le coltan (minerai utilisé dans l’électronique) et le bois précieux.

Un rapport des experts onusiens datant de 2001 a condamné le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe pour le pillage des mines et autres ressources du Congo, vendues ensuite aux multinationales. Or ces mêmes ressources continuent de susciter conflits et interventions à l’est du Congo.

Le récit du New York Times (6/11/13) de la reddition de la M23 soulignait la pression occidentale ponctuelle mise sur le Rwanda, en oubliant le soutien régulier de ces mêmes Occidentaux au Rwanda et à l’Ouganda, principaux responsables des violences persistantes à l‘est du Congo. Cet oubli de la part du grand journal new-yorkais donnait le sentiment que les États-Unis et leurs alliés occidentaux étaient les héros dans cette histoire, qu’après avoir révélé les agissements de la M23 et le soutien du président rwandais Paul Kagame à celle-ci, le boulot avait été fait, et bien fait.

De la même façon, le Washington Post a omis de mentionner le soutien ancien des Occidentaux au Rwanda tout en présentant la reddition comme « l’heure de vérité » qui montrerait si « oui ou non le gouvernement et les rebelles seraient capables de trouver une issue politique » au conflit. Tout cela n’est sans doute pas faux ; mais comment les lecteurs pourraient-ils saisir la complexité d’un tel accord s’ils ignorent que ces diplomates missionnés par les gouvernements occidentaux soufflaient sur les braises au côté du Rwanda dans les mois qui ont précédé cet accord ?

En 2012, les États-Unis ont tenté d’empêcher la diffusion d’un rapport mettant au jour les liens entre le Rwanda et la M23 (voir le numéro du Guardian du 21/6/12). Ce fut un épisode parmi d’autres au cours duquel les États-Unis sont intervenus pour prendre la défense du Rwanda et de ses opérations illégales. Les États-Unis ont donné des millions de dollars sous forme d’aide militaire au Rwanda alors que l’on savait, preuves à l’appui grâce notamment au rapport des experts onusiens datant de 2001, que ce pays encourageait la violence et les pillages.

En passant d’un soutien prudent à l’égard du Rwanda à des pressions et des sanctions diverses, les États-Unis et leurs alliés ont sans doute fait ce qu’il fallait faire. Et ce changement de stratégie doit être souligné et salué.

Il est néanmoins compliqué de voir dans la transformation de l’attitude américaine un retournement majeur sans savoir ce qui a précédé, à l’époque où les États-Unis soutenaient sans réserve le Rwanda et les violences perpétrées.

Steve Rendall

Traduit par Thibault Roques

 
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