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En Bref

Municipales à Paris : Le Monde s’ennuie et nous en informe !

par Blaise Magnin,

Les journalistes politiques ne s’épanouissent jamais tant que lors des campagnes électorales. Encore faut-il que la confrontation et les candidats soient à la hauteur de leurs attentes…

À Paris, les médias s’acharnent depuis de longues semaines à présenter l’élection comme un affrontement entre Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet, et escamotent par conséquent le premier tour, jusqu’à l’existence même d’autres candidats [1]. Mais la campagne de la favorite des sondages – et donc des journalistes –, Anne Hidalgo, n’est pas au goût du Monde… Critique de son projet ? Doutes sur la crédibilité de ses colistiers ? Perplexité devant la faiblesse de la mobilisation militante ? Désintérêt de la population pour sa candidature ? Pas vraiment…

Le 5 mars, le « grand » quotidien du soir publie un article au titre sans ambigüité : « Anne Hidalgo, une campagne jusqu’au bout de l’ennui » ! Sous titre : « Face à sa rivale UMP, la candidate PS à la Mairie de Paris peine à prendre l’avantage médiatique ».

Au-delà de la personnalisation à outrance (l’article commence par cette question insignifiante : « Comment fendre l’armure quand on fait la course en tête ? »), la démonstration qui suit est typique de la faillite d’un journalisme politique qui – narcissisme suprême – ne voit plus la politique que comme un jeu de miroirs et d’images… médiatiques !

Dès lors que le critère de jugement est celui du « bruit médiatique », se produit un curieux renversement de perspective : la campagne « sans à-coups » d’Anne Hidalgo est aussitôt considérée comme « sans grand relief  », et en toute logique médiatique se trouve « éclipsée par les rebondissements à droite » – c’est-à-dire par la multiplication de listes dissidentes, qui d’un point de vue électoral ne peut que s’avérer délétère… Obnubilée par ce qu’elle et ses confrères trouvent à dire de la campagne, la journaliste du Monde en vient donc à oublier la finalité de celle-ci : débattre de projets – de tous les projets – et non du spectacle offert par les candidates les mieux placées dans les sondages.

Suit une « analyse » à la frontière de la psychologue de comptoir et du conseil en image dont on appréciera la profondeur : « Anne Hidalgo […] a pour devoir supplémentaire de conduire tout son camp à la victoire. Parfois, le poids de cette charge rend ses épaules de bronze, ses gestes mécaniques et chasse son naturel  ». Résultat : « Au risque du faux pas, elle préfère, parfois, celui de l’ennui. »

N’y tenant plus, la journaliste expose alors le fond du problème : «  Le fourneau médiatique manquait de charbon  » ! Et les efforts de la candidate, certes louables, risquent de s’avérer insuffisants, vue l’ironie rentrée de la journaliste : « Oh, bien sûr, Mme Hidalgo a livré une petite anecdote personnelle en rappelant à Jacques Bravo qu’ils avaient dansé le rock sur le parvis de l’Hôtel de Ville, le jour de la victoire de Bertrand Delanoë en 2001, malgré une côte fêlée dans la cohue. À son directeur de campagne Jean-Louis Missika, elle a promis de danser, si elle gagne, le flamenco ».

Reste qu’Anne Hidalgo « doit surtout prendre l’avantage médiatique sur sa rivale, qui reste un objet de fascination pour la télévision ». Parfois, la télévision a bon dos : Le Monde lui-même, avec cet article, ne vient-il pas de ratifier cette fable d’une candidate attirant la lumière des caméras opposée à une autre « ennuyeuse » et « sans relief » ? S’ensuit alors une longue et fastidieuse description de la stratégie… médiatique mise en place par la candidate pour « surmonter le handicap du déficit de notoriété ».

Même si la journaliste du Monde ne trouve pas son compte dans cette campagne municipale parisienne, elle lui trouve au moins une qualité : les médias ne sont pas obligés de se conformer à une stricte égalité des temps de parole, mais simplement de respecter une certaine « équité ». Avec cet avantage immense : les «  petits candidats ont consommé tout leur oxygène  » – médiatique, s’entend. Qu’importe si les médias eux-mêmes font tout ce qu’ils peuvent pour les asphyxier.

Blaise Magnin

 
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