Pour être moi-même mort le 21 octobre 2000 à Ramallah, c’est en expert que je vous parle de l’outre-tombe.
Ce jour-là un agent israélien a trouvé juste de me loger une balle de M16 dans le poumon gauche (donc du côté Valls), juste vers le cœur. L’imbécile ignorait que je n’ai pas de cœur. Impossible de me flinguer, l’absence du muscle creux et qui pompe comme un con, est plus utile qu’un gilet pare-balles.
Cette survie, qui n’en est pas vraiment une, me permet de témoigner d’un certain nombre de choses. La première est que Dieu n’existe pas. Mort, aucun ange ou démon n’est venu me tirer par les pieds et je n’ai pas revu le film de ma vie. L’autre, quand on est journaliste chez Lagardère, et qu’on bouge encore au-delà de l’agonie, c’est qu’on aurait mieux fait de mourir. Pour les rescapés, le service après-vente du groupe Lagardère n’est pas l’équivalent d’un contrat de confiance.
Tout ça grâce à Arnaud Lagardère
Pourquoi raconter tout cela ? L’intime et l’incompréhensible ? Parce que, sur toutes les chaînes de la télé immédiate, robinets intarissables de l’émotion prédigérée, je viens d’entendre un garçon pas très bien rasé nommé Denis Olivennes. Et qui me fait rire.
À propos de la libération heureuse et souhaitée et jubilatoire de nos quatre confrères, retenus en Syrie par des salopards de jihadistes. Au motif qu’il est aussi le patron d’Europe 1, l’Olivennes a trouvé bon de « remercier avant tout Arnaud Lagardère ».
Nous crétins ordinaires, aurions pu penser que c’est grâce au travail des services de l’État, et de son argent, que nos amis retrouvaient la liberté… Pas du tout, le merci en revient au mari de Jade.
Si, après cela Olivennes, qui a appris le journalisme à Air France, n’est pas augmenté, c’est à désespérer.
L’amour fou
Je vous le disais, je parle d’expérience. Ayant été très grièvement blessé, laissé « pour mort », alors que je portais la casaque d’un titre de Lagardère, je peux vous parler de l’amour fou qu’Arnaud porte à « ses » journalistes dans la douleur.
En ce qui me concerne alors que son père, Jean-Luc, a été admirable - je veux dire fraternel et indéfectible -, de l’Arnaud je n’ai - à l’hôpital et dans le coma - reçu rien d’autre qu’un bouquet de fleurs. Les fleurs du mâle. Puis, Jean-Luc parti au ciel bien trop tôt, rien du tout.
Ni Arnaud ni ses Olivennes n’ont porté la moindre attention au rescapé, à l’infirme. Usé et vite liquidé de son journal, comme une encre périmée. Les journaux aiment les grands reporters enlevés, blessés, tués. Mais seulement pendant quelques jours. Après, ces névrosés qui ont glorifié le métier et rénové la pub de l’enseigne, ou leur mémoire, deviennent vite des emmerdeurs.
Préparez-vous à rien
C’est pourquoi je salue mes amis libres en leur disant « ne croyez rien de ce que l’on va vous promettre ».
Aujourd’hui, 13 ans après ma mort, devant le TGI de Paris, j’en suis toujours à me battre pour faire reconnaître ma qualité de victime. Sans succès et contre l’avis du parquet, donc de l’État. Même ma chère consœur, Valérie Trierweiler l’injustement répudiée, n’a pas réussi à m’obtenir un rendez-vous avec le cireur de pompes de Morelle. Pas pour obtenir des prébendes, rien que pour m’expliquer.
Alors, chers amis libres, réjouissez-vous et embrassez ceux qui sont vos vrais amis. Préparez-vous à ne rien attendre des Olivennes et Arnaud, même si le premier « a pleuré » à l’annonce de votre liberté. Sur certaine peau les larmes sèchent plus vite que sur du buvard.
Jacques-Marie Bourget
Du même auteur, lire :
– sur le site Mondafrique : Sardar Ahmad, journaliste mort au champ d’honneur sans fleurs ni couronnes
– sur le site du Nouvel Observateur : Sardar Ahmad, journaliste de l’AFP tué à Kaboul : pourquoi si peu d’hommages ?