La rédaction du Progrès a découvert avec effarement, ce lundi 21 avril, en Une des éditions du Rhône, et dans une double page intérieure, le sujet intitulé « Délinquance, criminalité organisée : qui fait quoi dans le Rhône ? » Par « qui fait quoi », il fallait entendre quelle nationalité et/ou quelle ethnie est spécialisée dans quels types de délinquance.
Mis en scène avec des photos d’illustration et une infographie « collector », collant des étiquettes à des « nationalités » dites criminogènes (des Georgiens aux Roms en passant par les « locaux », les « toxicomanes » et les « groupes des cités marseillaises »), le dossier a rapidement fait le tour de la Twittosphère et des réseaux sociaux, sur fond de soupçons de racisme et d’accusations de discrimination raciale, pour finir en apothéose, au Petit Journal, sur Canal+.
S’appuyant sur un rapport national de la police judiciaire, mais pas sur de véritables statistiques par nationalités, qui sont interdites, le sujet ainsi traité donne l’impression d’un raisonnement de type « café du commerce », qui ne pouvait que prêter le flanc à la polémique. Les journalistes du Progrès se seraient bien volontiers passés de ce « bad buzz », couronné par le tweet de félicitations du vice-président du FN : « Bravo au Progrès de faire son travail et de rappeler l’impact de l’immigration massive sur tous les types de délinquance ! »
Mais quel était l’objectif de cette enquête ? Faire le buzz ? Au risque de véhiculer certains poncifs, stigmatiser encore et toujours les mêmes, flatter un certain lectorat en faisant la courte échelle aux thèses nationalistes ? Syndicat majoritaire au sein de la rédaction du Progrès, le Syndicat national des journalistes (SNJ) considère que ce dérapage consacre la faillite d’une politique éditoriale basée sur le tout faits-divers, la sempiternelle course aux clics sur le web, la recherche de l’audience à court terme. Une politique par ailleurs sanctionnée par les lecteurs.
Le sujet a été validé, comme l’infographie. La responsabilité de la rédaction en chef et de la chaîne hiérarchique est clairement engagée. Le SNJ a pris acte des « excuses » publiées ce soir sur le site du journal, mais ne s’en tiendra pas là. La rédaction du Progrès, qui va devoir vivre avec la honte de cette image désastreuse, ne peut s’en satisfaire. Ce soir, les journalistes du Progrès ont mal à leur journal.
Lyon, mardi 22 avril 2014