Les lignes qui suivent, en proposant, sans commentaires, un résumé de la table des matières de cet essai, ont de modestes objectifs : souligner l’intérêt qu’il peut avoir à le lire ; et, ce faisant, de fournir des points de repère pour une actualisation et une réévaluation de l’analyse huit ans après sa parution.
– I. La première partie – « Dans la marmite de Jean-Pierre Pernaut » – est consacrée à la recette de la soupe servie par le présentateur.
1. « Les ingrédients du « 13 heures » - titre du premier chapitre -, tiennent en quatre formules de Pernaut lui-même 1. « Notre coup d’œil habituel aux prévisions météo d’Evelyne Dhéliat » 2. « Et pour commencer ce journal » (autrement dit « l’actu à la Pernaut » : […] Dix minutes à parler de tout et de rien. Mais surtout de rien ». 3. « Et puis dans l’actualité » : en une minute et demi, le tour de l’actualité. 3. « Et maintenant l’actualité des belles choses » : la partie magazine qui a fait la réputation de Jean-Pierre Pernaut. 4. « Pendant ce temps-là à la Bourse ».
2. « L’obsession des régions » livre le secret de la recette : le produit principal autour duquel elle s’organise. Et d’abord : « On oublie la modernité, on repart dans la nature », dit-il. La suite du chapitre précise en quoi consiste « La décentralisation de l’information » : non pas l’actualité des régions, mais « des nouvelles de la France, de toute la France, par le biais des régions », en compagnie des « Français de Pernaut » : le petit commerçant, le paysan, le garant de la tradition.
3. « Les cinq commandements du “13 heures” ». Telles sont les première règles à observer pour parfaire ce chef d’œuvre de l’art culinaire : « Jamais expert tu n’intervieweras », « Les statistiques à foison tu citeras », « Le rébus tu pratiqueras », « À la poésie tu t’essaieras », « Paris tu éviteras ».
4. « Pernaut, ce héros ». Avec ses particularités : « L’indispensable commentaire de Jean-Pierre Pernaut » qui ponctue les reportages qu’il lance ; les visites gourmandes sur les marchés et les cuisines : « Il est 13h20, Pernaut a faim » ; « La transition à la Pernaut » (« l’art du marabout-de ficelle et si possible du coq-à-l’âne »)
– II. La deuxième partie – « Et TF1 inventa Jean-Pierre Pernaut » - est consacrée à l’invention de la recette de la bonne soupe. Elle comporte de précieuses explications.
1. « L’anti-Mourousi ». Ou : comment avec l’arrivée de Bouygues en 1987 et en raison de la baisse d’audience du JT présenté par Yves Mourousi et Marie-Laure Augry, se sont imposées une nouvelle ligne éditoriale (tournée vers les régions) et une « anti-star » – « l’antithèse de Mourousi » : Jean-Pierre Pernaut.
2. « De la betterave à La jet-set ». Ou : la trajectoire de Jean Pierre Pernaut, incarnation de la Picardie et de son symbole, la betterave – de sa naissance à sa consécration. Une aventure et des mésaventures…
3. « Un si joli petit réseau ». La fondation par Christian Dauriac du réseau de correspondants régionaux en liaison avec la PQR : une agence d’images (douze bureaux en fin 1987, dix-neuf en 2006) qui, devait permettre, de fournir une information non-institutionnelle et réactive ( selon son créateur), mais qui a fini par servir à fournir les ingrédients régionaux de la « bonne soupe ».
4. « Jean-Pierre Stucki, correspondant ». Ce journaliste chargé de diriger le bureau de Strasbourg témoigne de l’évolution des demandes adressées à ce bureau et en particulier des commandes de Jean-Pierre Pernaut : le patrimoine, la fête de Noël, les voitures brûlées…
5. « Les affriolantes courbes de Jean-Pierre ». Et d’abord les téléspectateurs-type : en majorité des femmes, de 65 ans et plus, inactives, vivant plutôt dans une commune rurale (chiffres de 2004-2005)... Quant aux mesures d’audience (« L’audience, comment ça marche »), elles montrent qu’une majorité de téléspectateurs regarde le JT de 13 heures de TF1 (« À 13 heures, Pernaut, sinon rien »). La structure de cette audience (« La ménagère de Jean-Pierre ») le confirme : à 13 h, sur TF1, « il n’y a que des vieux de province devant leur petit écran » (formule éloquente mais un tantinet excessive).
– III. La troisième partie – « Politique du “13 heures” » - s’efforce de cerner les particularités de la vision du monde véhiculée par ce JT et son présentateur.
1. « Les guerres de Pernaut » Ou : « les trois chevaux de bataille sortis inlassablement à chaque JT » - l’administration, l’argent, les vieux - que la suite du chapitre passe en revue, en attribuant à chacune une formule de Jean-Pierre Pernaut : « Ainsi en a décidé l’administration », « Toujours à propos d’argent », « De beaux visages de vieux ».
2. « L’idéologie du “13 heures” ». Selon les auteurs (que l’on contestera sur ce point), « le “13 heures” de Pernaut est le seul JT engagé de toute la télé, le seul à délivrer une vision du monde, une idéologie ». Une fois encore, les premiers sous-titres disent assez de qui il s’agit : « Pernaut, l’apolitique de droite », « Pernaut-Poujade, continuons le combat », « Xénophobe, le Pernaut ? »
Les pages suivantes, s’appuyant sur les témoignages de Christian Dauriac et Jean Stucki, déjà mentionnés, sont consacrées à « La dérive du “13 heures” de TF1 » : comment, peu à peu, le réseau PQR a été mis au service d’un JT de la « France profonde », répondant à certaines attentes des « gens qui rentrent chez eux à midi ». C’est, finalement, l’ensemble de l’orientation de la chaîne qui est en cause : « TF1 l’idéologue ».
3. « Présidentielle 2002 : le JT de l’angoisse ». Après avoir rappelé l’hypermédiatisation du « thème de l’insécurité » entre mars 2001 et mars 2002, les auteurs détaillent son traitement dans le JT de Pernaut, avant de soulever cette question : « Alors, Pernaut a-t-il propulsé Le Pen au deuxième tour ? » Et de répondre : « TF1 et Pernaut ne font pas les élections. Parlons plutôt de complicité ».
4. « Lexique de la morale pernautienne » (le partage entre le bien et le mal selon le lexique de Pernaut). « France » : peu usité, mais de fait omniprésent, - « Marchés » : ces beaux marchés, « les viviers à témoins du “13 heures” » - « Mieux avant » : « c’est la période étalon, celle à laquelle se mesurent tous les événements d’aujourd’hui » - « Petit » : dont utilisation « fait figure de posture démagogique » - « Peur » : « Chez Pernaut, c’est bien simple, on a peur de tout » - « Soupe » : de sa confection à sa dégustation, Pernaut la sert régulièrement - « Traditions » : les fêtes en tous genres ; mais « tradition signifie aussi passé, et tout, du coup est affaire de traditions » - « Vrai » : « du normal, du simple, du pas bégueule, du qui ne ment pas ».
– IV. La quatrième partie - « La treizeheurisation de l’information » - s’efforce de montrer comment les recettes de Pernaut se sont imposées dans tous les JT.
1. « Pernaut nulle part ». Un même « axe marketing » des journaux de la mi-journée dans divers pays européens : « « s’adresser aux gens qui rentrent déjeuner chez eux ». Et pourtant « un seul Jean-Pierre Pernaut ».
2. « Pernaut partout ». « Quatorze au “13 heures” de la Deux » ou comment une pléiade de présentateurs se sont lancés dans une course éperdue et perdue derrière Pernaut. – « Élise Lucet à la traîne de Pernaut » (à partir de 2005) : des différences qui s’estompent, une fois passés les premiers titres - « France 3 et M6 : les Petits Poucets du “13 heures” » : nouveaux exemples d‘imitation – « À 20 heures il est treize heures » – la « 20 heures de France 2 dans la roue de tF1 ».
3. « La soupe de l’info ». « Pujadas-Juppé : un symptôme » : la fausse annonce du départ de Juppé, symptôme de « la course désespérée de France 2 derrière TF1 » - « La dérive de l’information » ou les conséquences de la privatisation de TF1 sur l’info télé, cette « soupe épaisse. – « Pernaut, le journalisme au ventre » ou comment le JT de Pernaut se comporte en « magnifique nourrice » (selon une expression de Philippe Lefait).
Somme toute, un ensemble d’observations précises et assassines, que l’on déguste avec plaisir… quoique la soupe soit amère. Et qu’ elle soit encore servie huit ans après la parution de l’ouvrage d’Isabelle Roberts et Raphaël Garrigos.
Henri Maler