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Massacre de Gaza : le parti pris éhonté des médias dominants (anglophones)

par David Cromwell , David Edwards ,

Nous publions, sous forme de tribune [1], un article mis en ligne sur le site anglophone Medialens le 24 juillet dernier. Il offre un aperçu des partis pris des médias anglophones dominants dans leur traitement de l’offensive israélienne contre Gaza, qui ne sont pas sans rappeler certains de ceux que nous avons identifiés dans notre article portant sur le traitement du même sujet par les médias français (Acrimed).

Peu après le crash du vol MH17 de la Malaysian Airlines en Ukraine, près de Donetsk, le 18 juillet, qui a causé la mort de 298 personnes, le site de la BBC a mis en place, à juste titre, un fil d’actualités en continu accompagné de reportages et de commentaires en direct sur cette tragédie. C’était à l’évidence un événement d’ampleur dramatique ayant occasionné la perte tragique de vies humaines tout en ayant de graves implications politiques. C’est pourquoi les lecteurs seraient forcément avides des dernières informations.

« Israël à nouveau attaqué par le Hamas »

Cependant, depuis le 8 juillet, soit 10 jours avant ce crash, l’armée israélienne bombardait la population civile piégée de Gaza de façons diverses : raids aériens, drones et pilonnage maritime. Tandis que l’assaut israélien redoublait le 9 juillet, la rubrique « Monde » du site de la BBC avait pour gros titre : « Israël à nouveau attaqué par le Hamas ».

Le 18 juillet, 300 personnes environ avaient déjà été tuées à Gaza, dont 80% de civils. Le conflit israélo-palestinien est un problème politique majeur de notre temps, qui n’a cessé de prendre de l’ampleur à partir du 8 juillet. Or à aucun moment la BBC n’a jugé bon de mettre en place un fil d’actualités accompagné de mises à jour régulières.

Tout ceci a fini par changer le 20 juillet après plusieurs jours au cours desquels de nombreux Palestiniens furent tués. Pourquoi ce jour là, précisément ? La réponse est sans doute à trouver dans le quatrième message du fil d’actualités intitulé « Dernières nouvelles » : « selon des agences de presse, citant des sources militaires israéliennes, quelque 13 soldats israéliens ont été tués à Gaza dans la nuit ; le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devrait s’adresser au pays dans les minutes qui viennent. »

En dépit du faible nombre de victimes militaires comparées au bilan humain côté palestinien, il semble clairement que c’est l’assassinat de soldats israéliens qui a suscité le fil d’actualités de la BBC, qui s’est longuement attardée sur ces morts à travers des messages comme celui-ci : « Ben White vient de twitter les message suivant : Israël a perdu plus de soldats en 3 jours d’offensive terrestre qu’il n’en a perdu lors des opérations Plomb Durci et Pilier de Défense réunies » ou celui-là : « sur la situation au Moyen-Orient, on a reçu depuis Ashdod en Israël le message suivant : l’un des soldats qui a été tué cette nuit à Gaza priait dans la même synagogue que moi. On a grandi dans le même quartier. »

Le fil d’actualités comprenait pas moins de cinq photos prises lors de deux des enterrements des soldats israéliens - mais aucune photo d’enterrements de Palestiniens pourtant bien plus nombreux (une photo montrait néanmoins des proches palestiniens récupérant un corps à la morgue) - accompagnées des légendes suivantes : « des amis et des proches du Sergent israélien Adar Barsano se recueillent lors de ses obsèques au cimetière militaire de Nahariya, au nord d’Israël. » Et plus loin : « Sagit Greenberg, femme du soldat Amotz Greenberg, se recueille lors de ses obsèques dans la ville de Hod Hasharon, au centre d’Israël. »

« Soldat israélien porté disparu à Gaza »

Il va de soi que les souffrances israéliennes méritent également de la compassion, mais ces pertes militaires ont été obscurcies par un nombre bien plus important de pertes palestiniennes, dont la plupart étaient des civils (hommes, femmes et enfants). Le bilan provisoire est de 746 morts et 4640 blessés côté palestinien. Israël, de son côté, a subi 32 pertes militaires et 2 pertes civiles. Un travailleur étranger originaire de Thaïlande a également perdu la vie.

Dans les jours qui ont suivi (et au moment de la rédaction de ces lignes), le fil d’actualités a été suspendu – période au cours de laquelle des centaines de Palestiniens et une poignée de militaires israéliens sont morts. Longtemps, dans la matinée du 21 juillet, le seul contenu relatif à Gaza sur la page d’actualités de la BBC fut la nouvelle qui venait de tomber d’un « soldat israélien porté disparu à Gaza ».

De façon assez significative, dans la matinée du 23 juillet, lorsque 18 Palestiniens furent tués, la BBC mit en place un fil d’actualités à propos du paquebot de croisière italien, le Costa Concordia, qui suivait le remorquage du bateau vers Gênes. Mais point de fil d’actualités relatif à Gaza.

La BBC a fourni les noms, l’âge, les photos et des histoires pleines de compassion concernant les victimes du crash de la Malaysian Airlines cependant que, à de rares exceptions près, les morts palestiniens ont été présentés comme des figures anonymes, brièvement évoquées, aussitôt oubliées.

Le parti pris de la BBC fut manifeste à l’occasion d’un titre d’article qui prenait pincettes et guillemets pour évoquer le siège de Gaza, comme s’il prêtait à discussion : « le Premier ministre palestinien demande que la levée du ‘siège’ de Gaza fasse partie du cessez-le-feu. » La BBC a par la suite changé ce titre mais un tweet renvoyant à l’article dans la formulation originale subsiste.
La BBC a aussi laissé entendre que « les roquettes tirées depuis Gaza » sont comparables aux « attaques israéliennes sur Gaza ». Ce que les lecteurs doivent comprendre, c’est que les tentatives d’attaques de roquettes peu évoluées et non guidées sont comparables aux lancements effectifs de bombes, de missiles et d’obus ultramodernes. Les sources de la BBC ? « Les forces israéliennes de défense ».

Le 21 juillet, le présentateur de l’émission « BBC News at Ten », Huw Edwards, a demandé à un collègue, à l’antenne et en direct : « les Israéliens disent qu’ils feront le nécessaire pour stopper les roquettes lancées par le Hamas ? Percevez-vous, oui ou non, un quelconque espoir d’accord dans les prochains jours ou les prochaines semaines ? » Autrement dit, BBC News a présenté les roquettes du Hamas comme l’obstacle à la paix, conformément à la propagande de l’Etat israélien.

Lors d’un reportage diffusé au cours de la même émission, le spécialiste maison des affaires internationales, John Fidler-Simpson, a affirmé qu’« une des raisons pour lesquelles le nombre de victimes est si différent d’un côté et de l’autre, c’est qu’Israël a mis au point la défense anti-missile la plus performante au monde. » Ce qui suggérait que le combat était à peu près à armes égales avec Israël, simplement mieux armé pour se protéger. Et Fidler-Simpson d’ajouter : « la capacité du Dôme de Fer à repousser les missiles du Hamas a été une réussite remarquable d’Israël dans cette crise. Son taux de réussite est assez stupéfiant. »

En réalité, les experts en armement Ted Postol du MIT et Richard Lloyd du laboratoire Tesla estiment que ces affirmations concernant le Dôme de Fer sont très exagérées, évaluant son taux de réussite à moins de 5%. Peter Coy dans l’émission Bloomberg Businessweek a ajouté le commentaire suivant : « Lloyd m’a envoyé par email une copie de l’analyse très détaillée de 28 pages des trous dans le système du Dôme de Fer ; ils sont si grands qu’ils justifieraient selon lui de le renommer Passoire de Fer. »

Le parti pris de la BBC a aussi consisté à minimiser, voire à passer totalement sous silence, les manifestations de masse dans plusieurs villes du Royaume-Uni contre la couverture du conflit par la même BBC. Le militant Jonathon Shafi a résumé le manque d’intérêt de la BBC en ces termes : « C’est à la fois la pire espèce de désinformation et une insulte au journalisme. »

Après que les 4 jeunes Palestiniens tous membres de la famille Bakr, âgés de 9 à 11 ans, ont été tués par des obus israéliens, voici ce qu’a titré le New York Times : « De jeunes garçons attirés sur les plages de Gaza, au cœur du conflit au Moyen-Orient ». Ceci permit aisément d’occulter la vérité selon laquelle ces jeunes garçons avaient été tués alors qu’ils jouaient au football sur une plage. L’artiste Amir Schiby a, pour sa part, rendu un très bel et très vibrant hommage à ces jeunes de la famille Bakr.

Même des preuves irréfutables montrant qu’Israël a fait feu sur des hôpitaux à Gaza et a commis des crimes de guerre majeurs n’a suscité que peu d’indignation de la part des hommes politiques et des médias. Jonathan Whittall qui dirige la section « analyse des opérations humanitaires » au sein de Médecins sans Frontières a rappelé que « notre rôle est d’assister médicalement les victimes de conflits et les détenus malades, pas de traiter indéfiniment les mêmes patients entre des séances de torture. »

Malgré le combat inégal et le grand nombre de victimes civiles, aucun des avocats éminents du « devoir de protection des civils » en Irak, en Libye ou encore en Syrie n’a appelé à « intervenir ». On a ainsi demandé à des militants aussi fervents que David Aaronovitch, Jonathan Freedland ou Menzies Campbell s’ils estimaient qu’il fallait « faire quelque chose ». Ils n’ont pas réagi. Freedland a dit lors d’une interview à la BBC que le bilan humain était « très asymétrique » - euphémisme poli pour un massacre qui, selon l’Unicef, tue 10 enfants chaque jour.

On trouvait également sur le site E-International Relations (observatoire des relations internationales) l’observation suivante : « alors que le conflit a suscité une vaste couverture médiatique internationale, étrangement, il a été ignoré par les trois organismes les plus importants et les plus visibles promouvant l’idée du « devoir de protection », à savoir La coalition internationale pour le devoir de protection, le Centre mondial pour le devoir de protection et le Centre Asiatico-Pacifique pour le devoir de protection. Depuis le début des hostilités, ces organismes ont publié des myriades de tweets, de messages et d’articles sur des questions allant des droits des femmes au traitement des réfugiés en passant par les crimes à grande échelle ou encore l’acheminement d’aide médicale…mais rien ou presque sur la crise en cours à Gaza. »

Qui est à l’origine de la « spirale de la violence » ?

Le terme « spirale de la violence » revient souvent dans les reportages des grands médias sur le conflit israélo-palestinien. Mais qui est à l’origine de cette spirale ? Une étude menée par le Groupe Médias de Glasgow sur les articles parus en 2001 notait que les Israéliens sont six fois plus susceptibles que les Palestiniens d’être présentés comme « répliquant » ou « réagissant », d’une façon ou d’une autre.

FAIR, observatoire des médias américains, a quant à lui fait remarquer que « l’on fait généralement remonter le conflit actuel à l’enlèvement et au meurtre de trois adolescents israéliens en Cisjordanie. Quand leurs corps furent découverts le 30 juin, Israël « répliqua » en attaquant Gaza. On a considéré l’assassinat d’un adolescent palestinien le 2 juillet, supposé être un meurtre en représailles de la part d’extrémistes israéliens, comme un pas de plus dans l’escalade de la violence. »

Dans l’émission BBC News at Ten du 23 juillet, le reporter Quentin Sommerville fit le commentaire suivant (après 14’30’’ d’émission) : « l’enlèvement et le meurtre de trois adolescents israéliens, imputé au Hamas, a déclenché ce conflit ». Le médiateur du Guardian, Chris Elliott, illustrant parfaitement le parti pris sur les mots et la présentation, a lui fait écho à la propagande israélienne en décrivant l’attaque en cours d’Israël comme une « contre-offensive ».

Le correspondant de NBC News, Ayman Mohyeldin, fut une des rares voix discordantes : « pourtant, même avant l’enlèvement de trois adolescents juifs israéliens et le meurtre de l’adolescent palestinien la semaine dernière, deux Palestiniens furent tués en mai, sans provoquer l’émoi que le meurtre des trois adolescents a suscité. » Les grands médias n’ont en général pas considéré que ces morts avaient enclenché une « spirale de la violence ». Selon l’association humanitaire B’Tselem, 568 Palestiniens ont été tués entre janvier 2009 et mai 2014, dont 84 enfants. Sur la même période, 38 Israéliens ont été tués par des Palestiniens en Israël et dans les Territoires Occupés. De nombreux commentateurs spécialistes de la question affirment que la raison profonde expliquant les violences récentes est en réalité l’opposition d’Israël à un gouvernement palestinien uni formé au début de cette année, incluant le Hamas, et qui a été reconnu même par les Etats-Unis.

Pas de cessez-le-feu : « C’est l’état de siège, idiot ! »

Si pour les grands médias les Palestiniens sont coupables d’avoir lancé les hostilités, ils sont aussi coupables d’avoir refusé de les faire cesser. Voici ce qu’on pouvait lire dans un article récent du Guardian : « La pression s’accentue sur le Hamas afin qu’il accepte un cessez-le-feu tandis que le bilan humain à Gaza dépasse les 300 morts ; en refusant d’accepter une trêve alors que le nombre de victimes augmente, le Hamas se retrouve isolé au moment où le chef des Nations Unies se rend dans la région pour négocier un accord de paix. »

Et le correspondant à Jérusalem Harriet Sherwood de commenter : « alors que le nombre de morts palestiniens dépasse les 300, c’est le leadership du Hamas qui est visé par plusieurs instances internationales pour qu’il accepte un cessez-le-feu immédiat à Gaza. L’objectif, c’est de convaincre toutes les composantes palestiniennes d’accepter le cessez-le-feu », précise un diplomate occidental au Guardian.

Reste qu’un arrêt des violences actuelles ne signifierait pas la fin de la guerre et des souffrances pour les Palestiniens. Ali Abunimah, du site Electronic Intifada, s’explique : « les deux groupes qui font de la résistance en Palestine, le Hamas et le Jihad islamique, ont mis sur la table dix conditions à un cessez-le-feu et une trêve de dix ans avec Israël. Elles comprennent notamment la fin de toute attaque armée, la fin du siège de Gaza et la construction de ports et d’aéroports sous surveillance internationale. »
Abunimah précise la logique derrière ces conditions : « C’est l’état de siège, idiot ! Demandez à n’importe qui ou presque à Gaza, il vous dira la même chose : le siège de Gaza, c’est la vie en sursis, ça détruit les habitants à petit feu. Ca doit cesser. C’est la raison principale pour laquelle le Hamas n’a pas accédé à la demande d’Israël d’un cessez-le-feu unilatéral – par l’intermédiaire de son allié, la dictature égyptienne – pour lequel le Hamas n’a même jamais été consulté, n’en entendant parler que par média interposé. »

La journaliste Mya Guarnieri, basée à Jérusalem, a décrit ce qu’un retour au statu quo signifierait réellement : « Israël bombarde Gaza de temps en temps, y faisant quelques victimes ainsi qu’en Cisjordanie sans trop attirer les regards des médias internationaux et par extension, de la communauté internationale. » En février 2013, Ben White soulignait déjà que « trois mois sont passés depuis le cessez-le-feu qui a mis un terme à l’attaque israélienne sur la bande de Gaza appelée Opération Pilier de défense et qui a duré 8 jours… depuis fin novembre, il y a en moyenne un peu plus d’une attaque par jour sur la bande de Gaza, chaque jour. Elles ont pris des formes diverses : coups de feu tirés par les soldats postées à la clôture frontière, attaques de pêcheurs travaillant au large de Gaza ou encore incursions terrestres de l’armée israélienne. »

Les médias dominants, visiblement indifférents aux morts Palestiniens, ne mentionnent ces attaques qu’en passant, quand elles ne les ignorent pas. Jonathan Cook, journaliste basé en Israël, a fait observer à propos du conflit en cours : « on peut malheureusement prévoir à l’avance que les grands médias vont gober la version d’Israël selon laquelle ils acceptent la « proposition de cessez-le-feu » tandis que le Hamas la rejette. Ce que le Hamas rejette, en réalité, c’est le diktat israélo-américain qui consisterait à priver les habitants de Gaza du droit à mettre fin à un siège qui les coupe du reste du monde. »

Le filtre des grands médias : une campagne d’intimidation au service des dominants

Le part pris consistant à négliger les violations dont est victime un peuple sous occupation, piégé et démuni, est flagrant. Beaucoup se demandent pourquoi les journalistes ne donnent pas de la voix. Ce serait oublier que plusieurs journalistes qui ont effectivement dénoncé les actions israéliennes, ainsi que le parti pris médiatique en faveur d’Israël, ont été sanctionné.

Ayman Mohyeldin, le correspondant de NBC News qui a été témoin de l’assassinat des quatre jeunes de la famille Bakr, et dont les reportages sur cette tragédie ont ému de nombreux lecteurs à travers le monde, fut « prié par les cadres de NBC de quitter Gaza dans les plus brefs délais à la suite de cet événement ». Glenn Greenwald explique que cette décision fut motivée par des impératifs de sécurité alors qu’Israël préparait une offensive terrestre. Pourtant, NBC a alors envoyé à Gaza un autre correspondant, Richard Engel, flanqué d’un producteur américain. Après une vague de protestations sur les réseaux sociaux, NBC a annoncé qu’elle revenait sur sa décision, dissimulant la vérité en ces termes : « comme pour n’importe quelle agence d’informations en zone de conflits, le déploiement du personnel est constamment réévalué. Nous avons examiné attentivement nos récents redéploiements et allons renvoyer Mohyeldin à Gaza dès ce weekend. »

Le lendemain du renvoi de Mohyeldin, la correspondante de CNN Diana Magnay a elle aussi été priée de ne plus couvrir le conflit après avoir signalé que des Israéliens fêtaient le bombardement de Gaza depuis une colline surplombant la frontière ; lorsque, à ce que l’on dit, ces derniers menacèrent de détruire sa voiture si elle « disait un mot de travers », elle les traita d’ « ordures » sur Twitter.

Le 21 juillet, la journaliste Rula Jebreal, pigiste pour la chaîne américaine MSNBC, a dit lors d’un entretien à propos de cette chaîne pour laquelle elle travaille : « On se couvre de ridicule. Sur ce conflit, on prend parti de façon éhontée. Il suffit de penser au temps d’antenne que Netanyahu et ses sbires ont quotidiennement, tout comme Andrea Mitchell et bien d’autres. Or jamais aucun Palestinien n’est interrogé sur ces mêmes questions. » Ce à quoi la personne de MSNBC qui s’entretenait avec Jebreal a répondu : « il est arrivé que nous entendions des voix palestiniennes dans notre émission. » Et Jebreal de répliquer : « pendant 30 secondes peut-être, avant que Bibi Netanyahu ne parle pendant 25 minutes… »

Sur le site Alternet, Max Blumenthal a ajouté : « en quelques heures, tous les rendez-vous à venir de Jebreal furent annulés et le renouvellement de son contrat ne fut plus d’actualité. » Ce même jour, dans la foulée, Jebreal twitta : « mes apparitions à la télévision ont été annulées ! Y aurait-il un lien entre ma dénonciation et ces annulations ? » Et Jebreal de poursuivre : « je ne pouvais pas rester muette en voyant le temps d’antenne accordé respectivement aux hommes politiques israéliens et aux Palestiniens. Ils disent que c’est équilibré mais ce qu’ils appellent équilibre, c’est 90% d’invités israéliens et 10% de Palestiniens. Ce type de médias conduit (inéluctablement) aux impasses politiques que nous observons à Gaza. »

Jebreal rappelle avoir dit à ses producteurs, tout au long des deux années pendant lesquelles elle a travaillé pour MSNBC, qu’« il y avait un vrai problème sur cette question. » Mais chacun est intimidé et sous pression, qu’elle soit directe ou qu’elle se transforme en autocensure.
Blumenthal a rapporté qu’un producteur de NBC, sous couvert d’anonymat, avait confirmé l’existence d’une campagne d’intimidation au service des dominants visant à présenter une vision favorable à Israël des attaques sur la bande de Gaza.

En outre, la pression sur les chefferies éditoriales en vue de discipliner leurs journalistes est intense. Jill Abramson, ancienne rédactrice en chef du New York Times, a rappelé que Washington « jouait souvent la carte du terrorisme » afin de monter certaines histoires en épingle : « il arrive que la CIA, le directeur des renseignements ou de la NSA voire la Maison Blanche vous contacte pour vous faire part d’une histoire…alors, toute affaire cessante, vous écoutez leurs arguments et tout est question de priorité : le devoir d’informer le grand public face à la menace qui pèse sur la sécurité intérieure… au fil du temps, le gouvernement, presque trop lucide, dit au New York Times : « vous risquez d’avoir du sang sur les mains si vous publiez telle histoire » ; certes à chaque nouveau cas, le gouvernement perd en crédibilité…mais le journaliste que vous êtes tend l’oreille et s’avère réellement inquiet. Après tout, les rédacteurs en chef sont des Américains comme les autres qui ne veulent pas soutenir le terrorisme. »

Ils devraient néanmoins se souvenir qu’ils sont des êtres humains avant d’être des Américains ; autrement, ils risquent de soutenir le terrorisme de leur propre gouvernement et de ses alliés.

Car, à dire vrai, le parti pris du journalisme dominant de part et d’autre de l’Atlantique conforte le gouvernement israélien dans son entreprise de destruction du peuple palestinien, génocide à petit feu via le pillage de ses ressources et de son territoire. Comme nous l’avons déjà évoqué ici, (voir aussi l’article de Gideon Levy ici), le fond de cette histoire est que cette colonisation ne peut pas être menée pacifiquement. Elle requiert une guerre perpétuelle, une guerre absurde et unilatérale dominée depuis toujours par l’atout maître d’Israël, à savoir une puissance militaire ultramoderne soutenue par cet éternel « pacificateur » que sont les Etats-Unis.

David Cromwell et David Edwards pour Medialens, le 24 juillet 2014

Traduit par Thibault Roques

 
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Notes

[1Les articles publiés sous forme de « tribune » n’engagent pas collectivement l’Association Acrimed, mais seulement leurs auteurs.

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