On ne compte plus les innovations permises par Internet. Dernière en date : quand deux éditorialistes manquent de ronds de serviette à la télévision, ils s’en créent un nouveau sur le web. Ainsi naissent des concepts comme « Beytout-Joffrin : le sujet qui fâche » [1]. Soit six minutes quotidiennes de débat acharné entre d’un côté : Laurent Joffrin, directeur « de gauche » du journal Libération, et de l’autre : Nicolas Beytout, directeur « libéral » (on ne dit pas « de droite ») du quotidien L’Opinion. Et on vous prie de croire que les deux belligérants en ont, des choses sur lesquelles s’affronter, car ils ont de quoi faire une émission de six minutes par jour, du lundi au vendredi. D’ailleurs, entre eux, c’est un vieux combat : naguère ils se fâchaient régulièrement sur RTL et BFM TV.
Chaque matin à neuf heures, sur les sites de Libération et de L’Opinion, les fans (et ils sont nombreux, à en croire le nombre de vues réalisées par les vidéos) peuvent ainsi s’instruire sur des questions telles que « Budget : rigueur ou laxisme ? », « Air France : la vrille ? », « Nouveau coup de rabot sur la famille », ou encore « Quel avenir pour la manif pour tous » ? N’en disons pas plus, sous peine d’éventer des sujets que vous voudriez découvrir par vous-même. Sachez toutefois, en guise d’avertissement, que la violence des échanges atteint parfois des limites insoupçonnées, comme lorsqu’il s’agit par exemple de savoir « où s’arrêtera la chute de la gauche » (le 29 septembre).
Ce jour-là, ça commence en effet très fort avec Laurent Joffrin qui d’emblée remet en cause l’intitulé du débat : « j’ai cru déceler dans cette question un brin de perfidie », envoie-t-il à la figure de Nicolas Beytout. Et bim ! Sauf que, lui rétorque l’adversaire, « c’est un choix commun, Laurent ». Et boum ! Le ton est donné, les deux hommes ne se feront pas de cadeaux. Inévitable, le massacre surviendra à 2’35”, quand Laurent Joffrin lâche : « Alors là pour le coup je suis d’accord avec vous ». Nicolas Beytout se relèvera-t-il de ce coup de fusil calibre 45 ? Nous vous laissons le découvrir...
À nous toutefois, si MM. Joffrin et Beytout nous le permettent, de leur suggérer une idée de discussion : leur débat est-il, pour reprendre la terminologie de Pierre Bourdieu, « faussement vrai » ou « vraiment faux » ? Pour les aider, revoici le texte du sociologue sur la mise en scène des débats à la télévision et donc, désormais, sur Internet aussi.
Frantz Peultier