À l’origine, « Arrêt sur images » publie, le 14 octobre à 17h, une brève pour signaler que, à défaut de trouver un public, ladite pièce « Hôtel Europe » s’arrêtera sous peu. Dans les heures qui suivent, c’est le déchaînement : un bon nombre des « grands » titres de presse relaie l’info. Mais pas de n’importe quelle manière : tous prennent position. BHL n’est pas un objet médiatique neutre, il polarise. Il y aura donc les pour, et les contre.
Parmi les contre, le mot d’ordre est donné : l’arrêt prématuré de la pièce de théâtre est une « cabale » contre son auteur. Parmi ceux-là, on retrouve d’abord Le Point, le héraut de ce noble combat : « On aurait voulu vider les salles, casser le ressort de la pièce, nuire à l’auteur, à son interprète, au théâtre, qu’on ne s’y serait pas pris autrement ». Reconnaissons au moins une cohérence certaine de la part de l’hebdomadaire : celui-ci était déjà le fer de lance de l’encensement de la pièce, avec la publication de pas moins de trois articles de promotion (à savourer ici, là et enfin ici). Un hebdomadaire, dans lequel, rappelons-le, BHL tient une chronique hebdomadaire… (comme le rappelle fort à propos Arrêt sur images dans un autre article, publié le 16 octobre).
Dans la catégorie des dénonciateurs de cabale, rendons justice également au Figaro, qui s’est illustré en titrant sous la forme d’un démenti pur et simple : « La pièce de Bernard-Henri Lévy ne "s’arrête pas brutalement" ». Le Huffington Post a, lui aussi, participé au combat en accueillant une tribune de Gilles Hertzog, sobrement intitulée : « La Cabale (appréciez la majuscule à « cabale ») anti-BHL, ça va comme ça ! ». On notera aussi le renfort appréciable de Closer qui est aussi venu courageusement démentir les « rumeurs » anti-BHL : « Selon plusieurs médias, sa pièce Hôtel Europe serait arrêtée plus tôt que prévu, faute de spectateurs. Eh bien, il n’en est rien ! »
De l’autre côté du champ médiatique gravitant autour de BHL, on trouve quelques grands cabaleurs. Par exemple, France TV Info qui renvoie vers sa propre critique initiale (qui considérait la pièce comme « sans relief »), Les Inrocks, qui emploient un ton très ironique, L’Express, qui reprend la critique du Monde (laquelle avait détruit l’œuvre de BHL, la qualifiant notamment de « one-man-Bosnie-show ») Libération, reprenant l’AFP mais insistant sur les critiques « sévères » contre la pièce, et Le Parisien, qualifiant la pièce de « monologue fourre-tout ». Qu’ont-ils en commun, tous ces papiers ? Ils ont été publiés le 14 octobre, soit le jour de la sortie de la brève d’@si, ou le lendemain.
Comme d’habitude concernant le cas de BHL, l’hystérie prévaut donc sur l’intérêt de l’information. Car avant que l’arrêt de la pièce ne soit annoncé, la presse n’a pas été la dernière à assurer l’annonce - que ce soit pour en dire du bien ou du mal - de la dernière production de Monsieur Lévy : en plus du Point, Paris Match, TF1, Libération (avec un Laurent Joffrin en grande forme), le Huffington Post, Le JDD, Elle, l’AFP, Les Échos, et Arte (entre autres) ont déroulé le tapis rouge à BHL, tandis que France TV info, Le Monde, Atlantico et Valeurs actuelles fomentaient leur complot contre la pièce.
Dans les deux cas, la focalisation médiatique sur un non-événement, sous prétexte qu’il implique BHL, révèle un journalisme « de cour », où le moindre fait et geste du suzerain provoque un torrent de réactions. Que certains titres de presse critiquent négativement lesdits faits et gestes ne doit pas tromper : le principe de relayer chaque nouvelle production de BHL reste de rigueur, et les bénéfices symboliques acquis en critiquant un tel personnage renforcent même l’impératif, pour la presse, de continuer à disséquer le cas BHL.
Benjamin Lagues