Qu’est-ce que le « journalisme d’investigation » ? L’expression n’est-elle pas un pléonasme ? Tout journalisme n’est-il pas ou ne devrait-il pas être d’investigation ? Sinon, qu’est-ce qui fait sa particularité ? Qu’est-ce qui le distingue d’un simple journalisme de révélation qui se borne à produire les informations fournies par des sources (dont le secret doit être protégé) ou des documents de toute nature (qui sont entourés, légalement ou pas, de secret) ?
Quelles sont les terrains d’investigation du journalisme qui prend communément ce titre ? Quelles sont ses cibles ? Quels sont les secrets qu’il s’efforce d’éventer ? Exclusivement, les « affaires » de corruption politique, judiciaire ou financière ? Ou bien s’efforce-t-il de pénétrer dans les enceintes protégées des regards, comme les conseils d’administration des entreprises ou, plus simplement, les entreprises elles-mêmes ? Qu’est-ce qui le distingue alors du journalisme d’enquête sociale, ce parent pauvre du journalisme aujourd’hui ?
Quelles sont les méthodes de ce journalisme et les limites qu’il se fixe ? Quels sont les risques qu’il prend quand on sait que la liste est longue des fausses révélations et des fausses affaires ?
Et surtout : quels sont les effets qu’il escompte et les effets qu’il obtient ? La focalisation sur les « affaires politico-financières » est-elle une réponse effective au droit de savoir qui renforce la vie démocratique et la conscience politique des citoyens ? Ou bien un substitut, qui peut être aussi bien relativement inoffensif que véritablement nocif, parce qu’il détourne de questions plus essentielles et alimente la dépolitisation, voire le cynisme ?