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Marion Maréchal-Le Pen : star pour médias ou femme politique ?

par Julien Salingue, Vincent Bollenot,

La presse régionale et nationale a couvert, le week-end des 29-30 novembre, le congrès du Front national. Que les médias couvrent l’actualité politique, voilà qui est éminemment souhaitable. Que certains d’entre eux - qui ne se présentent pas comme des médias de parti-pris - le fassent avec des méthodes qui ne pourront qu’accompagner la montée et la stratégie de normalisation du parti d’extrême droite est éminemment contestable. Étude de cas, avec le traitement médiatique du succès, aux élections internes du parti, de Marion Maréchal-Le Pen.

Marion Maréchal-Le Pen : « égérie », « chouchoute », « star »... ou femme politique ?

« Égérie », « chouchoute » : le vocabulaire d’un journal se voulant aussi peu coloré idéologiquement que Metronews est pour le moins problématique :

Tout le reste de l’article du « gratuit » est empreint du même ton, à la fois sexiste et fasciné : « Sa chevelure blonde est apparue sur les écrans de télévision un soir du printemps 2012. Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans à l’époque, venait de réaliser un exploit  : décrocher un siège de député du Vaucluse pour le FN. Seul le très médiatique maître Gilbert Collard, trois fois son âge, réussissait la même chose, dans le Gard. »

Ainsi, la cadre frontiste est présentée avant tout non pas comme une personnalité politique qui porte des idées, qu’il conviendrait d’évoquer, sinon de critiquer, mais est ramenée à son sexe et à son âge. N’ayons pas de faux espoir : évoquer le fait que Marion Maréchal-Le Pen soit une « jeune femme » n’est pas un prétexte pour interroger la façon dont des institutions politiques patriarcales rendent extraordinaire la présence des jeunes et des femmes dans des postes de décision et de représentation. Au contraire, c’est l’occasion de créer une nouvelle « figure » médiatique, méritante et courageuse, portant les idées du FN. En témoigne ce titre du site TF1/LCI :



Le Bien Public (Côte d’Or) titre, quant à lui :



Un titre repris dans nombre d’organes de la PQR (témoignage supplémentaire de leur stupéfiant pluralisme) :

 L’Est Républicain  :



 Le Républicain Lorrain :



 L’Alsace.fr :



Etc.

Imaginons un instant : « Jean Marie Le Pen, le vieux qui descend ».


« Marion » : « jeune » et « jolie »

De même, le week-end du congrès a vu plusieurs articles insistant lourdement sur son apparence physique, sa chevelure, le teint de sa peau. Ainsi de l’article de Metronews déjà mentionné ou de ce reportage de francetvinfo.fr évoquant « ses traits fragiles et sa blondeur candide ». Abel Mestre, dans un article du Monde au cours duquel il explicite pourtant les désaccords politiques entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot, cède lui aussi à la tentation : « À 24 ans, elle est devenue la coqueluche de son parti. Jeune, jolie, elle porte surtout le nom qu’il faut dans ce qui reste une entreprise familiale ». Sur le site de TF1/LCI, on fait allusion à « [ses] cheveux longs blonds et [à son] visage fin », ainsi qu’à son « joli sourire ». Etc. Quel est l’intérêt journalistique de ce genre d’informations ? Nul ne le sait…

Qui plus est, plusieurs articles appellent la frontiste par son prénom « Marion », tout comme Marine Le Pen avait organisé le retrait de son nom de famille dans une logique de « dédiabolisation ». Ainsi en va-t-il dans cet article du très droitier Valeurs Actuelles ou, dans un tout autre genre pourtant, dans Paris Match, qui présente à nouveau la femme politique comme une « star », la désignant en chapô de son article par son seul prénom.

On notera que pour Paris-Match, ce n’est pas une première. Ainsi, lors de la campagne pour les élections législatives de juin 2012, un « reportage » nous apprenait ce qui suit :

Marion, qui porte en réalité le même prénom que sa tante Marine (une contraction de Marion et Anne), passe la moitié de sa semaine à Carpentras, où elle a loué, jusqu’au 17 juin, une maison dans le centre-ville. La plupart du temps, on l’aperçoit en jean, boots, cheveux lâchés et sans maquillage, sillonnant les marchés et le quartier commerçant où elle ne se montre en rien intimidée malgré son jeune âge, 22 ans, et un patronyme qu’elle a longtemps jugé lourd à porter. (…) Nullement désarçonnée, elle a répondu à toutes les questions sans broncher, ses sourires n’arrivant pas à masquer sa grande résolution. (…) Indépendante, Marion n’a pas souhaité que Marine Le Pen vienne l’encourager pendant la campagne.

C’est tout ?

Bien sûr, certains articles évoquent les débats internes au parti et toutes les rédactions ne tombent pas dans le piège de cette personnalisation qui ne fait que masquer les enjeux politiques. Marion-Maréchal Le Pen n’est pas la seule bénéficiaire, parmi les responsables politiques, des ces portraits. Mais, en l’occurrence, par les procédés auxquels elles ont recours (concentration sur le parcours individuel, sur l’aspect physique, le prénom), certaines productions médiatiques reconduisent les techniques de communication déployées par le FN, le normalisent, le banalisent et le dépolitisent. « Grande chouchoute », « jeune femme », « révélation », autant de mots employés pour ne pas qualifier politiquement une personnalité politique d’extrême droite, et pour en faire la « coqueluche »… des journalistes autant que des frontistes ?


***



Marion Maréchal-Le Pen, à l’instar de la présidente du Front national Marine Le Pen, est donc devenue une personnalité médiatique… pour sa plus grande satisfaction. Alors que nombre de journalistes s’interrogent régulièrement sur la « dédiabolisation » du Front national, il serait grandement temps de prendre conscience que ce type de traitement « personnalisé », qui met en avant les propriétés et qualités (réelles ou supposées) de tel(le) ou tel(le), participe de ce phénomène de « dédiabolisation », symptôme d’une dépolitisation médiatique de la politique, et du Front national lui-même. Et que dire de cet extrait de l’article du Bien public cité plus haut ? « Dans la matinée, c’est Jean-Marie Le Pen, acclamé par les militants, qui a initié les interventions politiques. Toujours très lyrique, le député européen, âgé de 86 ans, a retracé l’histoire du parti qu’il a cofondé en 1972 ». « Très lyrique » ? À voir... Mais résumer un discours de Le Pen avec ce seul qualificatif est un peu réducteur... voire flatteur. Misère…


Vincent Bollenot et Julien Salingue

 
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