Force est de constater que la faillite de l’information a été équivalente à celles que nous avions déjà relevées lors des élections prud’homales de décembre 2008 ou lors des élections dans les très petites entreprises fin 2012.
Il s’agissait pourtant d’un scrutin d’importance… comme le relevait à sa façon le journal Les Échos le 30 novembre : « C’est une élection professionnelle d’une ampleur sans précédent qui va se dérouler jeudi […]. Ce scrutin, dont le taux de participation sera déterminant, revêt une importance majeure pour les huit syndicats de la fonction publique. » Mais s’il s’agissait d’un scrutin d’une « importance majeure », ce n’était pas seulement pour les syndicats, mais, à travers eux, pour l’ensemble des salariés de la fonction publique et des « usagers » concernés.
On était donc en droit d’attendre un traitement médiatique à la hauteur des enjeux. Il n’en fut rien. C’est ce qui ressort des recherches effectuées à partir des moteurs de recherche des sites internet des medias suivants : France 2, TF1, Europe 1, France Inter, Radio Classique, RMC, RTL, Le Figaro, Le Monde, Le Parisien, Libération, L’Express, Marianne, l’Obs, Le Point, Mediapart et Rue 89.
C’est à peine s’il en fut question et encore strictement sous l’angle des rapports de force entre les syndicats, et en particulier sous l’angle des conséquences pour la CGT de « l’affaire Thierry Lepaon ».
On était en droit d’attendre des articles présentant les analyses et les objectifs des différents syndicats : à de rares exceptions près, il n’en fut rien. Fol espoir : on aurait pu rêver que ces élections seraient l’occasion de proposer des enquêtes sur les conditions de travail des agents publics et sur le service rendu aux administrés/usagers, en raison des très nombreux bouleversements sur l’organisation provoquées depuis des années sur les trois versants de la fonction publique (État, hospitalière et territoriale) [3].
Mais ce n’était qu’un rêve. Il est vrai que de telles enquêtes auraient été peu compatibles avec le véritable travail de propagande accompli depuis des dizaines d’années par les médias dominants pour exiger invariablement toujours moins de dépenses publiques : des dépenses dont pourtant ces médias sont gavés au titre des aides à la presse [4]
Il a donc fallu faire un véritable effort pour « dénicher » quelques exceptions à la seule évocation des rapports de forces électoraux. Encore ne s’agissait-il, dans trois cas, que d’entretiens :
– Deux, circonscrits à la seule Education nationale, accessibles sur le site du Point : le premier publié le 13 novembre avec François Portzer (président du SNALC)] et le second le 26 novembre avec Frédérique Rolet, co-secrétaire général du Snes/FSU] :
– un dernier (en accès payant) sur le site des Echos le 30 novembre avec Jean-Marc Canon (secrétaire général de l’union générale des fédérations de fonctionnaires CGT).
On pouvait relever aussi et notamment :
– Dans Le Monde, deux articles dédiés à la Police nationale : « Les policiers se mobilisent pour de meilleures conditions de travail » (13 novembre) et « Dans la police, des élections professionnelles sur fond de malaise » ( 29 novembre, accès payant))
– Dans Le Monde toujours, « La fonction publique vote, sur fond de désenchantement » (4 décembre)
– Dans Mediapart, un seul article consacré lui aussi – le 10 novembre – à la seule Police nationale [5]
– Dans le supplément économie du Figaro, un bref article intitulé « Fonction publique : les quatre enjeux du scrutin pour les syndicats ».
C’est tout ou presque.
Pour l’essentiel, les questions sociales soulevées à l’occasion de cette élection ont été éludées ou sous-traitées à de rares entretiens. Le journalisme d’enquête sociale se porte toujours aussi bien… [6].
Denis Perais