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Délire antimusulman de Tesson, prudence de confrères et complaisance de Joffrin

par Henri Maler,

Philippe Tesson, dans l’émission de Jean-Marc Morandini, « Le grand direct de l’actu, Europe 1 », le 13 janvier 2014 s’est livré à une violente charge contre les musulmans de France – des musulmans qui « foutent la merde » – que cet omniprésent a opposé aux Français ! Quelle charge, avec quels échos et quelles répliques des éditocrates ?

Les vitupérations de Philippe Tesson

Les vitupérations contre les musulmans de Philippe Tesson (nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1987, et promu officier en 2009, pour les « mérites éminents » rendus à la Nation) tiennent en deux extraits (voir en « annexe » tout ce que l’on a pu entendre) :


 Ce qui a créé le problème, ça n’est quand même pas… c’est pas les Français. […] D’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité sinon des musulmans ? On le dit ça ? […].
 C’est ça notre problème actuellement, c’est ça notre problème ! C’est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui ? Il faut le dire quoi !

La plupart de ceux qui se sont indignés – à commencer par Jean-Marc Morandini (mais oui !) – l’ont été par l’imputation aux musulmans (dans leur ensemble et en tant que tels) des atteintes, réelles ou présumées, à la laïcité : difficile, en ce cas, de se borner à constater un fâcheux « amalgame ». Mais il y a pire encore dans les propos tenus. Relisez la première phrase : Tesson oppose les Français et les musulmans. Pas français les musulmans ?

Le même Philippe Tesson s’était livré, le 9 janvier 2014 sur Radio Classique, à propos de Dieudonné, à une forme à peine euphémisée de rétablissement de la peine de mort, voire d’appel au meurtre : « Il n’y a pas de pitié pour ça. Ce type, sa mort par exécution par un peloton de soldats me réjouirait profondément. Je peux aller jusque-là. Pour moi, c’est une bête immonde, donc on le supprime et c’est tout. [...] Je signe et je persiste. » Et l’éditocratie était restée impassible, comme nous l’avions relevé dans cet article : « Contre Dieudonné, l’éditocrate Philippe Tesson rétablit la peine de mort ! ».

Quand Philippe Tesson distingue Français et musulmans (de France) pour les opposer, quelques rares journalistes condamnent sans détours les immondes déclarations de notre chevalier de la Légion d’honneur. Par exemple (et entre autres), Jack Dion dans Marianne sous le titre « Je ne suis pas Philippe Tesson ». Ou mieux encore le vigoureux décryptage effectué par Didier Porte pour « Arrêt sur images ». Mais Didier Porte est un humoriste : pas un « grand » journaliste !


Prudences confraternelles

Mais nombre de préposés aux articles sur le sujet se sont montrés, confraternellement, plus prudents. Deux exemples :

 Dans Le Parisien, on pouvait lire que « Philippe Tesson a suggéré que ce sont ”les musulmans qui amènent la merde en France” ». Une simple suggestion ! À noter que l’article en question est classé dans la rubrique… « Cultures et loisirs » et un autre article, dans la rubrique « Faits divers ». Suggestif, non ?

 Dans L’Express du 15 janvier, on a appris que « Philippe Tesson dérape ». Un simple « dérapage » ? Plus exactement, « Philippe Tesson, s’est laissé aller à des propos islamophobes ». Et ce simple « laisser aller » repose nous dit-on, sur une « double erreur ». D’abord, une erreur tactique, comprend-on, commise « comme citoyen, puisque les propos tenus sont susceptibles de le conduire devant les tribunaux pour diffamation, injure, et/ou incitation à la haine […] ». Ensuite, une sorte de négligence, regrettable chez un professionnel : « le chroniqueur est aussi dans l’approximation sur le plan professionnel. Les manquements à la laïcité dans les établissements scolaires sont aussi le fait d’autres religions […] ». Somme toute, imprudence et légèreté !

 Dans Le Monde on a découvert – c’est le titre – une « Polémique après les dérapages du journaliste Philippe Tesson sur les musulmans ». Une simple « polémique » sur de simples « dérapages » sur de simples « propos » sur les musulmans !

Quant aux éditorialistes multicartes, ils se sont tus. Alors répétons-le : puisqu’ils s’attribuent le rôle d’éducateurs du peuple, dispensant des leçons de morale civique et d’hygiène intellectuelle à tout va, les « grands journalistes » qui se plaisent tant à se draper dans leur vertu, devraient veiller à ne pas couvrir par leur silence confraternel les délires les plus insensés !

L’un d’entre eux pourtant prit la parole : l’impétueux Laurent Joffrin.


Complaisance amicale de Laurent Joffrin

Pour prendre la mesure de la complaisance de Laurent Joffrin à l’égard de Philippe Tesson, il n’est pas inutile de se souvenir avec quelle superbe assurance ledit Joffrin, en 2008, lorsque Philippe Val vira Siné de Charlie Hebdo pour antisémitisme, soutint l’insoutenable, avant que deux procès ne donnent raison à Siné contre Charlie Hebdo. Pour prendre connaissance de « l’affaire » ou se la remémorer, il suffit de suivre la note [1]

Sept ans plus tard, voici ce que l’on a entendu, le 16 janvier 2015, dans l‘émission « Le Grand Oral des Grandes Gueules », sur RMC à partir de 8’40 environ tout droit sorti de la bouche et du cerveau, soudain dubitatif, de Laurent Joffrin.

À mon avis Philippe a fait une boulette là, c’est le moins qu’on puisse dire. Une grosse boulette. Grosse boulette. Il a tort. Mais non mais il dit des bêtises, s’il était là je lui dirais de la même manière, il dit une connerie. […] Je trouve qu’il a fait une bêtise, il n’aurait pas dû dire ça. Après qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis sûr qu’il ne le pense même pas d’ailleurs. C’est un homme de la provocation et de l’exagération, Tesson. […] Alors est-ce que c’est du racisme ? On peut en discuter.

En désignant Philippe Tesson par son seul prénom, Laurent Joffrin a honoré une longue familiarité avec le chroniqueur incontinent, notamment parce qu’ils ont rédigé ensemble un livre de « dialogue », publié en l’an 2000 [2], qui mérite de figurer dans la bibliographie des « débats vraiment faux » [3].

« Philippe » donc, selon Joffrin, « ne pense pas » ce qu’il dit. Ce qu’il dit, toujours selon Joffrin, n’est pas important : tout au plus une « grosse boulette », une « connerie », une « exagération ». Le sens des vitupérations de « Philippe » contre les musulmans ? « On peut en discuter » [4].

Laurent Joffrin est-il Philippe Tesson ? L’affirmer serait une « grosse boulette ». Mais non dénuée d’humour…

Ce qui est indiscutable en revanche, c’est l’entre soi des grands commentateurs.

Henri Maler (grâce aux signalements et aux transcriptions de Julien Salingue)



Philippe Tesson dans l’émission de Jean-Marc Morandini, « Le grand direct de l’actu, Europe 1 », le 13 janvier 2014

 Vidéo

 Transcription [5]

- Philippe Tesson : « Il y a eu une loi en 1905, c’est la loi de séparation de l’Église et de l’État en France, c’est un modèle. Ça a très, très bien fonctionné, excusez-moi, ce qui a créé le problème, ça n’est quand même pas… ce n’est pas les Français. […] D’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité sinon des musulmans ? On le dit ça ? […]. »
- Jean-Marc Morandini : « Ça veut dire que les musulmans sont les seuls responsables de l’atteinte à la laïcité pour vous ? »
- Philippe Tesson : « Bah dans la… Écoutez… Écoutez… Je rêve ou quoi ? C’est ça notre problème actuellement, c’est ça notre problème ! Ce n’est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui ? Il faut le dire quoi ! »
- Jean-Marc Morandini : « Certains… Mais là on est dans la stigmatisation totale, Philippe Tesson ! Attention parce que ce que vous dites c’est super violent ! Vous dites "c’est les musulmans qui amènent la merde en France", on ne peut pas dire ça ! »
- Philippe Tesson : « Ah bon on ne peut pas ? Et qui vous en empêche ? On ne peut pas le dire ? Prouvez-moi le contraire ! »
- Jean-Marc Morandini : « C’est pas les musulmans Philippe… Vous jouez le jeu… Vous savez bien quel jeu vous jouez quand vous faites ça ! Enfin franchement… »
- Philippe Tesson : « Non c’est vrai : c’est l’Église catholique ! Excusez-moi. »
- Jean-Marc Morandini : « Mais non mais vous ne pouvez pas dire c’est les musulmans… »
- Philippe Tesson : « C’est les Juifs ! N’est-ce pas ? Voilà. Allons-y, allons-y ! Ajoutez-en ! Ajoutez-en ! »
- Jean-Marc Morandini : « Mais non mais on ne peut pas dire « c’est les musulmans », Philippe… »
- Philippe Tesson : « Je peux dire quelque chose : depuis une heure, moi je suis ravi de ce débat : il est très intéressant et puis il exprime la… il exprime ce qu’il y a au fond de l’opinion. Mais pas une fois, pas une fois on a évoqué, mais c’est comme ça en France, les choses concrètes, les choses concrètes… »
- Jean-Marc Morandini : « C’est pas les musulmans c’est le fanatisme le problème… C’est pas les musulmans, c’est pas la même chose ! »
- Philippe Tesson : « Mais où sont-ils les fanatiques aujourd’hui ? »
- Jean-Marc Morandini : « Bah dites les fanatiques, dites pas les musulmans ! »
- Philippe Tesson : « Enfin les fanatiques revendiquent l’Islam excusez-moi donc ils sont musulmans, zut quoi ! »

 
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Notes

[2Où est passée l’autorité ?, éditions NIL.

[3Selon l’expression de Pierre Bourdieu.

[4Laurent Joffrin est-il en accord le journal qu’il dirige ? On peut en douter quand on lit dans Libération, sous le titre « Philippe Tesson tape une crise d’islamophobie » (article payant), ces quelques lignes : « Philippe Tesson dans les pas d’Eric Zemmour. Invité mercredi sur Europe 1 pour parler de la laïcité et des écoles religieuses, le journaliste, qui sévit dans le Point, Valeurs actuelles et sur Radio Classique, et qui cause théâtre dans le Figaro magazine, a tenu des propos islamophobes qui devraient le conduire devant les tribunaux. »

[5Nous avons effacé la plupart des traces de langage parlé.

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