L’ami de longue date de Jean-Luc Mélenchon, maire de Grabels (Hérault) et vice-président de la métropole de Montpellier n’y va pas avec le dos de la cuillère. Voudrait-il faire taire un site qui visiblement le dérange ? Montpellier journal est un média fragile avec moins de 300 abonnés et deux journalistes payés chacun 650 euros nets par mois via deux contrats aidés. Visiblement l’élu « de la gauche la vraie » n’en a cure. Mais nous nous défendrons. Avec nos très modestes moyens mais nous nous défendrons car nous faisons un travail honnête, sérieux et approfondi. Et nous continuerons à le faire. Première étape : nous convions les abonnés, lecteurs, sympathisants le samedi 7 mars à l’Atelier du nord (quartier Figuerolles) pour une soirée de soutien.
Lundi soir en conseil municipal de Grabels, René Revol a annoncé son intention de porter « plainte au civil pour diffamation et au pénal pour dénonciation calomnieuse » contre moi en tant que rédacteur et directeur de la publication de Montpellier journal. L’élu du Parti de gauche n’a pas dit précisément quels faits il visait mais il a évoqué deux articles :
– Plainte pour « corruption », immobilier, inondations : René Revol sur la sellette (19 décembre)
– René Revol fait un beau cadeau foncier à un entrepreneur du bâtiment (5 février)
Ces articles de plus de 21.000 et 18.400 signes sont le résultat de plusieurs semaines d’enquête au cours desquelles une bonne douzaine de personnes ont été interviewées. Y compris évidemment René Revol dont la position a été donnée sur plusieurs aspects, en particulier les plus sensibles.
Cinq ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende
Mais cela n’a visiblement pas suffi à l’élu du Parti de gauche. Si son intention se confirmait, cela signifierait que René Revol attaquerait sur deux fronts judiciaires. Une démarche inédite ? Et poursuivre un journaliste pour « dénonciation calomnieuse » (punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende) serait pour le moins étonnant. Même si tout ça reste à préciser. Reste que René Revol semble donc vouloir sortir l’artillerie lourde pour écraser un moustique. Il voudrait affaiblir Montpellier journal qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Sans compter que les juges et les policiers ont sans doute mieux à faire. Comme par exemple – et au hasard – traquer la délinquance en col blanc.
Car l’élu du Parti de gauche aurait pu nous envoyer un droit de réponse et nous l’aurions bien volontiers publié. En effet, nous n’avons jamais refusé à une personne mise en cause dans un article de donner sa position même si elle nous paraît contestable. À l’occasion d’une interview en prévision de l’article du 5 février, René Revol affirmait d’ailleurs à propos de celui du 19 décembre : « Les textes que vous avez écrits récemment contiennent beaucoup d’erreurs. Je ne manquerai pas de vous les signaler. » Je lui réponds : « Cela fait pas mal de temps, vous auriez dû me les signaler beaucoup plus tôt. » René Revol : « Non, non. Moi je m’occupe de mes affaires tranquillement et je laisse passer… » J’ajoute : « Je vous mets au défi de trouver quiconque qui vous dira que quand on m’a signalé une erreur, je ne l’ai pas rectifiée immédiatement. Donc signalez-moi l’erreur et je la rectifierai immédiatement. » René Revol : « D’accord. » J’attends toujours. Et j’attends de voir.
Défenseur des plus faibles
Le choix de René Revol est donc de m’attaquer. Ce choix n’est pas neutre de la part d’un élu du Parti de gauche, parti qui se présente en défenseur des plus faibles et qui faisait partie de la liste « La gauche la vraie » lors des dernières municipales à Montpellier. En effet, René Revol dit vouloir utiliser les moyens de sa commune – déjà fort endettée – via la protection fonctionnelle pour attaquer un journaliste précaire – car il faut bien appeler les choses par leur nom.
Je suis en effet actuellement en contrat aidé et je gagne 649 euros nets par mois. De plus, mon revenu annuel imposable depuis 2009 a toujours été en dessous de 9.000 euros (soit 750 euros / mois). Je ne m’en plains pas, cela résulte de choix que j’ai faits visant à écrire sur les puissants plutôt que de travailler pour eux. Et je n’oublie pas qu’il y a des gens beaucoup plus malheureux que moi. Il est néanmoins cocasse qu’après 10 ans de journalisme à Montpellier et des centaines d’articles, sans aucun procès ni même droit de réponse, le premier qui m’attaque soit un élu du Parti de gauche. Et que celui-ci annonce vouloir agir sur deux fronts judiciaires.
Sur le fond, René Revol n’a pas dit grand-chose lundi soir en conseil municipal. Mais il a déclaré à propos d’Abdelhakim Nacer : « J’ai été diffamé par le dirigeant d’une société civile immobilière. La justice a conclu à la diffamation. Cela a été reproduit dans des publications malgré ce jugement qui n’a jamais été spécifié et notamment ça a été reproduit dans la publication sur le net d’un blog qui s’appelle Montpellier journal et qui est dirigé, rédigé, écrit par M. Jacques-Olivier Teyssier. »
Plainte pour « corruption passive »
Ça commence mal pour René Revol car dans l’article du 19 décembre, il est écrit : « Il faut dire que pour l’instant Abdelhakim Nacer accuse beaucoup mais ne fournit pas d’éléments matériels. [...] Ajoutons qu’Abdelhakim Nacer a été récemment condamné pour diffamation envers René Revol et qu’il n’a visiblement pas pu prouver que ce qu’il avait dit contre René Revol à propos de cette affaire, à quelques jours du premier tour des municipales de 2014, était vrai. » Donc le jugement a bien été « spécifié ». Mais le point de départ de l’article, rappelons-le, est une plainte pour « corruption passive » d’Abdelhakim Nacer contre René Revol dont on ne connaît pas, à ce jour, l’issue [2]. Rappelons également qu’un lien – comme celui qui suit – vers l’intégralité du communiqué de René Revol sur cette affaire était également présent dans l’article.
René Revol ajoute : « M. Jacques-Olivier Teyssier n’est pas journaliste, il n’a pas de carte de presse, il tient un blog payant et il se spécialise dans la sortie de soit-disant affaires qui permet de développer son activité mercantile. » Passons sur « l’activité mercantile » qui, on l’a vu, est extrêmement lucrative. Et puis les gens ne devraient pas pouvoir vivre de leur travail ? On a dû mal comprendre l’élu du Parti de gauche.
Notons enfin que René Revol annonce vouloir porter plainte contre X. Ce qui conduit nécessairement à tenter d’identifier mes sources. Je les préserverai, bien évidemment.
Le droit de dire qui est journaliste ou pas
De plus, si on a bien suivi, maintenant René Revol s’octroie le droit de dire qui est journaliste ou pas. Je n’ai pas de carte de presse ? La belle affaire ! Comme écrit déjà des dizaines de fois, la carte de presse ne dit rien sur la qualité du travail journalistique de son détenteur [3]. En revanche, Mediapart (« l’excellent site Montpellier journal »), Le Monde, France Inter, France 2, Le Figaro, Libération, Europe 1, Marianne, L’Express, Le Point, L’Équipe, etc. ont reconnu le travail de Montpellier journal ou l’ont cité (jusqu’au New-York Times !). Mais pour le maire Parti de gauche de Grabels, je ne serais donc pas journaliste. Serait-il de ce genre de personnes qui défendent « la liberté de la presse » [4] tant que ladite presse ne s’intéresse pas à elles ?
Enfin, d’un point de vue politique, la démarche de René Revol, à quelques semaines des élections cantonales, étonne. En effet, le Parti de gauche dont René Revol était encore il y a quelques semaines co-secrétaire départemental, y présente deux candidats titulaires à Montpellier : Joël Vezinhet (Montpellier I), Muriel Ressiguier (Montpellier II). Ce n’est peut-être pas le meilleur moyen de les soutenir que de s’attaquer à un site fragile, très lu par les électeurs de gauche. Surtout pour un parti qui rassemble déjà peu de voix.
La soirée Montpellier journal prévue depuis quelques temps pour le samedi 7 mars à l’Atelier du nord (29, rue St Étienne, quartier Figuerolles) se transforme donc en une soirée de soutien à Montpellier journal. Réservez la date et nous vous en dirons plus très bientôt. Si vous voulez nous soutenir dès maintenant, vous pouvez vous abonner, offrir un abonnement ou faire un don.
Jacques-Olivier Teyssier
PS : selon Midi Libre (25/02), c’est le très gros cabinet CGCB qui a été choisi par René Revol. Le cabinet implanté à Paris, Bordeaux, Montpellier et Marseille revendique « vingt-sept avocats et juristes spécialisés dans toutes les branches du droit public, ainsi qu’en droit immobilier et de la construction ».