Le 25 mars 2015, c’est-à-dire le lendemain du crash de l’A320 de la compagnie Germanwings, Jean-Pierre Elkabbach recevait sur Europe 1 Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports. Alors que les boîtes noires de l’avion n’avaient pas encore été examinées (et la responsabilité de l’un des deux pilotes établie), l’intervieweur d’Europe 1 s’est improvisé enquêteur et a tenté d’en savoir plus sur le crash. Ce qui l’a amené à poser des questions… étonnantes, notamment lorsqu’il s’est mis à s’intéresser aux passagers de l’avion [1] :
- Jean-Pierre Elkabbach : « Parmi les 144 passagers victimes de cette catastrophe, il y a 67 Allemands, 45 Espagnols, c’est-à-dire 112. Qui sont les 32 autres ? »
- Alain Vidalies : « Il y a un certain nombre de nationalités, cela a été dit, des Belges, des Anglais, des Turcs, il y a des vérifications qui sont en cours puisque nous sommes à l’intérieur de l’espace Schengen… »
- JPE : « Justement on se disait avec Maxime Switec [présentateur du journal de 8h sur Europe 1] tout à l’heure, comment se fait-il qu’il y avait le nom des passagers mais pas leur nationalité ? »
- AV : « C’est la réalité quand vous prenez un avion à l’intérieur de la France ou à l’intérieur de l’espace Schengen… »
- JPE : « Et il n’y a pas de changement à envisager ? »
- AV : « Écoutez je pense qu’à ce moment-là ça voudrait dire qu’on ne pourrait plus prendre les billets par internet ou d’une manière facile donc je crois qu’il faut réfléchir à ces conséquences… »
- JPE : « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils sont en mission suicidaire ? »
STOP.
Pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que selon Jean-Pierre Elkabbach, on aurait donc pu soupçonner certains passagers d’être « en mission suicidaire » sur la seule base de leur nom. Notons au passage que la formule de l’intervieweur est maladroite et un peu obscure. Avec le franc-parler qu’on lui connaît, Jean-Pierre Elkabbach aurait pu tout simplement demander : « Y’a-t-il un Arabe dans l’avion ? ».
Pour l’aider à préparer ses prochaines interviews, Acrimed a décidé de soumettre quelques questions-types qui pourront être réutilisées (sans payer de droit d’auteur) par Jean-Pierre Elkabbach :
– « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils ont des grosses voitures et qu’ils aiment voler des poules ? »
– « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils ont beaucoup de poils et qu’ils sont tous maçons ou femmes de ménage ? »
– « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils se nourrissent exclusivement de riz et qu’ils sont fourbes ? »
– « Dans les noms que vous avez des passagers, il n’y en a pas qui viennent d’endroits où on pourrait soupçonner qu’ils aiment l’argent et qu’ils complotent pour diriger secrètement le monde ? »
Etc.
On en rajoute ? Pas vraiment. La réponse d’Alain Vidalies confirme d’ailleurs que tout le monde, à commencer par l’interviewé lui-même, a compris ce que sous-entendait Jean-Pierre Elkabbach :
« Il n’y a aucun nom de cette nature pour répondre précisément à votre question ».
On aurait pu attendre d’un responsable politique « de gauche » qu’il reprenne l’intervieweur d’Europe 1. Mais non, il n’en fut rien.
L’air (irrespirable) du temps sans doute…
Julien Salingue