Libération, 22 mars 2000 :
" Le nombre de victimes revu a la baisse. La guerre aurait fait 10 000 morts au Kosovo alors que le chiffre de 100 000 avait été évoqué. "
par Hélène Despic-Popovic
" Un an après le début de l’opération de l’Otan, on ignore combien la guerre a fait de victimes au Kosovo. On sait toutefois que leur nombre est sans commune mesure avec les chiffres avancés pendant la guerre pour des raisons de propagande par les chefs militaires et des raisons politiques pour l’Alliance, qui évoquaient 100 000 disparus, voire le double. Après l’entrée des forces de l’Otan au Kosovo, en juin, ces estimations ont été révisées à la baisse. Le chiffre de 10 000 morts, alors avancé, est celui que retenait encore six mois plus tard le département d’Etat américain et celui le plus fréquemment admis.
Les exhumations entreprises immédiatement après l’entrée de la Kfor n’ont toutefois pas permis de le corroborer. Après avoir cessé les fouilles en novembre - en raison de l’hiver -, le Tribunal pénal international de La Haye chargé des crimes de guerre en ex-Yougoslavie a rapporté que les enquêteurs avaient exhumé 2 108 corps (la majorité étant des Albanais, mais pas tous) sur un tiers des 529 sites supposés receler 11 334 cadavres. Les exhumations doivent reprendre au printemps. Bien que les enquêteurs pensent que certains charniers ont pu être altérés, les rumeurs selon lesquelles des cadavres auraient été transportés dans les mines de Trepca (au Nord) se sont dégonflées.
Rien n’y a été trouvé. Selon la Croix-Rouge internationale, 2400 Albanais sont encore portés disparus et près de 1300 sont dans des prisons serbes.
Somme toute, même si l’on y ajoute les 500 victimes civiles des bombardements de l’Otan en Serbie (chiffre donné par l’organisation américaine Human Rights Watch), ce conflit de trois mois au Kosovo a été l’un des moins meurtriers de tous ceux qui ont ravagé l’ex-Yougoslavie ces dix dernières années. A titre d’exemple, le conflit bosniaque a fait 200 000 morts et la seule chute de l’enclave de Srebrenica en juillet 1995 s’est soldée en une semaine par 4 000 morts, plus de 7 500 disparus et l’expulsion totale de sa population. Même ladite très chirurgicale opération de l’armée croate pour reprendre la Krajina en août 1995 a fait en moins d’une semaine officiellement 500 morts (pour une population dix fois inférieure à celle du Kosovo).
Il est donc exclu de parler de génocide, et il faut d’ailleurs noter que l’acte d’accusation dressé par le TPI contre le président Milosevic et trois hauts responsables yougoslaves pour crimes contre l’humanité n’a pas retenu ce type de charge. Il n’en reste pas moins que des crimes horribles ont été commis (allant des meurtres arbitraires de civils, dont des vieillards et des enfants, aux viols et destructions d’habitations), sans oublier l’expulsion systématique de centaines de milliers de personnes. 863 000 Albanais du Kosovo ont alors trouvé refuge dans les pays voisins, essentiellement l’Albanie et la Macédoine. La quasi-totalité est rentrée dès le mois de juin. "
En encadré à côté de l’article :
" Violences : Depuis juin 1999, 481 meurtres, 1 417 incendies volontaires, 1 145 pillages. Selon la Croix-Rouge, 400 Serbes et près de 200 membres d’autres minorités (surtout tsigane) sont portés disparus depuis l’entrée de la Kfor. "
Peut-être que cet article vaut autocritique, car il semble bien que les " chiffres avancés pendant la guerre pour des raisons de propagande par les chefs militaires et des raisons politiques pour l’Alliance, qui évoquaient 100 000 disparus, voire le double " aient également été répercutés par certain quotidien du matin.