En France pour quelques jours afin de rencontrer certaines personnalités de la gauche anti-austérité, Yanis Varoufakis a attiré les projecteurs médiatiques. Non pas parce qu’il porterait un message politique original et proposerait une analyse de la situation économique européenne alternative à celle des experts en coupes budgétaires, mais plutôt… pour son look. Quoi qu’on pense de la façon dont l’ancien ministre des finances grecques se présente et de ses méthodes de communication, on ne peut que déplorer que les grands médias nationaux se focalisent autant sur sa personne et aussi peu sur les discours qu’il porte et les enjeux soulevés.
Ainsi pour le prestigieux journal du soir Le Monde (21 août 2015) :
Visiblement en manque d’imagination, Le Monde recycle ainsi un titre récent :
Mais, toujours d’après le quotidien de référence, le même Varoufakis semble avoir trouvé sa voie, occupé qu’il était à « faire le show » avec Arnaud Montebourg :
Alors même que l’article s’efforce de synthétiser le fond du propos de Yanis Varoufakis et Arnaud Montebourg (« démocratiser les institutions de l’euro »), un sous titre nous rappelle que les deux hommes politiques sont « brillants autant qu’égocentriques » ; les journalistes s’attardent par ailleurs sur des détails aussi capitaux que leur situation matrimoniale ou leur caractère.
De son côté, Libération consacre un article plus fouillé sur les enjeux politiques de la venue de Yanis Varoufakis. Une fois de plus, cependant, on ne peut que regretter une titraille qui ne reflète pas son contenu, mettant en valeur l’accueil spectaculaire de l’économiste par « une cohue invraisemblable de caméras et de photographes » !
Le Point choisit quant à lui de rendre un subtil hommage à la culture grecque :
En revanche, le même hebdomadaire ne fait pas dans la nuance quand il se penche sur les rapports entre Yanis Varoufakis et les militants de la gauche de gauche :
À moins qu’il se soit simplement inspiré de cet article de France24 ?
Ou qu’il s’agisse d’un plagiat des Échos ?
Hypothèse la plus vraisemblable cependant, que vient confirmer BFMTV : il s’agit d’un marronnier !
Et que dire de cet article du Nouvel Observateur dont le titre est des plus caricatural ?
Certainement pas qu’il apporte une quelconque information. Comme on pouvait le craindre, commentariat forcené et vedettariat médiatique ne font pas bon ménage. Pas plus qu’ils ne font du bon journalisme politique. Extrait :
« Tout de noir vêtu, du costume cintré aux chaussures Doc Martens, le Grec que l’on dirait tout droit sorti d’une superproduction hollywoodienne fait la promotion de ses idées tous azimuts. Depuis une semaine, il a multiplié les interventions dans les médias français. A Frangy, il a répété ses mantras pour le plus grand bonheur des supporteurs montebourgeois. »
Que ces journalistes accompagnent complaisamment la stratégie de communication de Yanis Varoufakis ou bien qu’ils transforment délibérément la scène politique en une salle de spectacle, le résultat est le même. À force de circulation circulaire des mêmes informations triviales et des mêmes points de vue superficiels, ce type de produit médiatique vide la vie politique de ses enjeux et complique un peu plus encore toute délibération démocratique. Comment espérer, en effet, discuter démocratiquement de l’avenir de l’Union Européenne lorsque le paysage médiatique dominant impose des « rock stars » et des « idoles » en guise de responsables politiques et réduit propositions et négociations à un « show » ?
Vincent Bollenot