Le Monde surveillé par un libéral-choc
Dans son "billet" du 8 septembre 2001, Robert Solé, médiateur du Monde, intervient à propos des articles parus sur la mondialisation, et en particulier sur la tribune d’Alain Minc à laquelle répondait une tribune de Bernard Cassen.
Dans le même billet, Robert Solé prend ainsi la défense de la publication de la tribune d’Alain Minc : « Enarque, inspecteur des finances, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Alain Minc est habitué à donner son point de vue sur divers sujets dans la presse écrite et sur les ondes. Pourquoi la tribune du Monde lui serait-elle interdite ? »
Pourquoi en effet ? Pourtant, on notera au passage que les titres (énarque et auteur) et l’assiduité médiatique ont valeur d’arguments décisifs.
Mais Solé cède aussitôt la parole au président Minc : « "On ne peut pas dire que j’en abuse, remarque-t-il. Le Monde me publierait plus souvent si je n’étais pas président du conseil de surveillance." ».
Et Solé d’ajouter - perfidement : « Notre banque de données lui attribue huit interventions depuis janvier 1995, contre vingt-trois à un auteur prolifique comme Jacques Attali et vingt-huit à un autre recordman du genre, Alain Finkielkraut … ».
Question : mais pourquoi Le Monde accorde-t-il tant d’importance à cet auteur prolifique et à ce recordman du genre ?
Robert Solé donne enfin la parole à son directeur :
« Edwy Plenel, directeur de la rédaction, défend la manière dont ont été présentés les deux points de vue sur la mondialisation : "Ce n’est pas en tant que président du conseil de surveillance du Monde qu’Alain Minc s’est exprimé sur la mondialisation, et ce n’est pas en tant que directeur général du Monde diplomatique que Bernard Cassen lui a répondu. C’est une mauvaise habitude d’enfermer les gens dans une boîte unique. Alain Minc n’impose pas ses opinions sur la mondialisation aux membres de la Société des lecteurs qu’il préside. Le Monde diplomatique n’est pas l’organe d’Attac, même si la communauté de pensée est évidente." ».
Le lecteur attentif aura remarqué l’asymétrie destinée à faire croire qu’entre Le Monde et Alain Minc "la communauté de pensée" n’est pas "évidente". [1]
Le Monde surveillé par un plagiaire chic
Alain Minc, Président de la Société des Lecteurs du Monde, Président du conseil de surveillance du Monde, Administrateur de la société Yves Saint Laurent, Administrateur de PPR (Pinault-Printemps-La Redoute), Administrateur de Valeo SA, ex-Administrateur d’ex - Moulinex, se présente en outre comme un "essayiste".
À ce titre, il a commis en 1999 un essai publié chez Gallimard, Spinoza, un roman juif. Patrick Rödel, auteur en 1997 d’une joyeuse "biographie imaginaire" de Spinoza aux éditions Climats, à Montpellier a relevé 36 emprunts, de 2 mots à 27 lignes, chez Alain Minc. Dont des scènes imaginaires, consciencieusement reproduite par Alain Minc : le suicide par pendaison d’un homme qui s’est en réalité tiré une balle dans la tête ou la recette de la confiture de roses, dans une lettre entièrement inventée par Patrick Rödel.
À la suite du procès pour plagiat, Alain Minc et les éditions Gallimard ont été condamnés solidairement, mercredi 28 novembre 2001, par la 3e chambre civile du tribunal de Paris à verser 100 000 francs de dommages et intérêts à Patrick Rödel, pour "contrefaçon partielle" (Lire des extraits du jugement (sur le site de PLPL).
Ce serait donc un plagiaire partiel qui surveille Le Monde et un essayiste total qui signe des tribunes libres de première page.
Reste une question : comment notre quotidien s’est-il tiré d’affaire ? Réponses :
– Par un article qui se voulait humoristique, paru le 18 octobre 2001, sous le titre "L’essayiste Alain Minc poursuivi pour plagiat", dans lequel Franck Johannès tournait en dérision... l’avocat d’Alain Minc et, indirectement, "le prof de philo bordelais" (un charmant provincial, en quelque sorte) ;
– Par une brève déontologique, parue la 30 novembre 2001, qui se bornait à enregistrer la décision du tribunal [2]
Rappel : Sur la carte de visite d’Alain Minc
Alain Minc : Président de la Société des lecteurs du Monde et président du conseil de surveillance du Monde SA, journal indépendant, membre du Conseil d’Administration de Moulinex (4.000 suppressions d’emplois annoncés en avril 2001), administrateur de Yves Saint Laurent et de Valeo SA, qui a aussi annoncé hier un vaste plan de restructuration, dont la fermeture des usines de Vire (Calvados) et de Cahors (Lot), supprimant 598 emplois. (Les Echos, 27 avril 2001).
L’actionnaire principal de Valeo SA est la CGIP dont le PDG est Ernest-Antoine Seillière de Laborde, président du MEDEF Précsons - mais Alain Minc n’est pas directement concerné - que la CGIP est également un actionnaire majeur de Air Liberté-AOM, société en difficulté et dont les 7500 employés sont menacés …
Source : transnationale.org
H.M.