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Les lendemains du 11 septembre (4)

"Nous sommes tous Américains" (1) : le célèbre éditorial

par Henri Maler,

L’attaque des deux tours du World Trade Center et du Pentagone a provoqué, dans les médias français et européens, une orgie de compassion pour le peuple américain (à comparer avec l’indifférence pour les souffrances d’autres peuples) et de déclarations enthousiastes en faveur des Etats-Unis et de son gouvernement.

A la pointe de cette américanophilie, un éditorial de Jean-Marie Colombani publié dans l’édition datée du 13 septembre 2001. Et, bientôt, en rangs serrés, la cohorte des copistes (2 octobre 2001).

" Nous sommes tous Américains ",
par Jean Marie- Colombani

" Dans ce moment tragique où les mots paraissent si pauvres pour dire le choc que l’on ressent, la première chose qui vient à l’esprit est celle-ci : nous sommes tous Américains ! Nous sommes tous New-Yorkais, aussi sûrement que John Kennedy se déclarait, en 1962 à Berlin, Berlinois. Comment ne pas se sentir en effet, comme dans les moments les plus graves de notre histoire, profondément solidaires de ce peuple et de ce pays, les Etats-Unis, dont nous sommes si proches et à qui nous devons la liberté, et donc notre solidarité.

[ …] Cette situation commande à nos dirigeants de se hisser à la hauteur des circonstances. Pour éviter aux peuples que ces fauteurs de guerre convoitent et sur lesquels ils comptent d’entrer à leur tour dans cette logique suicidaire. Car on peut le dire avec effroi : la technologie moderne leur permet d’aller encore plus loin. La folie, même au prétexte du désespoir, n’est jamais une force qui peut régénérer le monde. Voilà pourquoi, aujourd’hui, nous sommes américains. "

 Que Jean-Marie Colombani se sente américain est un sentiment privé qui ne regarde que lui. Que Jean-Marie Colombani, pâle imitation de John Kennedy, transpose "Ich bin ein Berliner" en déclarant "je suis un américain" serait un accès d’identification intéressant, mais somme toute, bénin. Qu’il confonde les dates - le discours de Kennedy date du 26 juin 1963, et non de 1962 - est sans doute dû à un excès de précipitation. Que la correction apparaisse sur le site du Monde, le jour de la parution (avant de disparaître et de reparaître à nouveau), sans qu’à ce jour (sauf erreur...) aucun rectificatif ne soit publié dans la version papier n’est peut-être qu’une défaillance technique (et déontologique) mineure.

Mais Jean Marie Colombani parle pour "nous".

Un "nous" de majesté friserait la mégalomanie, mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. C’est un "nous" de solidarité" qui englobe non seulement tout un peuple, mais tout un pays, gouvernement inclus, voire gouvernement d’abord. Et ce "nous" ne désigne pas collectivement la rédaction du Monde, mais le monde entier, c’est-à-dire, selon une optique tout à fait singulière, cette partie du monde qui, doit aux Etat-Unis, sa liberté. Et ceux qui doivent aux gouvernements et à l’armée des Etats-Unis, l’oppression, la servitude ou la guerre ? (H.M.)

 
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