– Terrorisme
Terrorisme : L’usage à la fois sélectif (puisqu’il ne concerne que les actes de violences atteignant des civils innocents de "nos" seules démocraties) et indéterminé (puisqu’il englobe souvent des actes de guerre visant des responsables politiques et militaires) du terme de "terrorisme" permet toutes les manipulations.
Terrorisme d’Etat : expression peu recommandée qui peut cependant être utilisée - à bon escient - pour désigner l’intervention russe contre la Tchétchénie ou l’intervention chinoise au Tibet (Le Monde du 20 octobre, p. 19). A condition de ne jamais l’utiliser pour désigner certaines interventions de la C.I.A et de l’armée américaine contre certains pays, même dans un pas si lointain passé.
Terrorisme : terme dont l’élasticité est - comme la justice qui le combat - sans limites. Dans sa plus grande extension (du moins jusqu’ à ce jour), peut désigner n’importe qul acte de délinquance. "Le terrorisme est quotidien" (Le Figaro, 2 novembre 2001, p. 13)
Terrorisme : devient syndical et prend le nom de "terrosyndicalisme" quand il revêt la forme d’actions violentes des salariés de Celaltex, de la brasserie Adelshofen et, plus récemment de Moulinex (Le Figaro du 16 novembre 2001, p. 2001)
– Anti-américanisme
Anti-américanisme : L’usage englobant du terme d’"anti-américanisme" pour désigner des formes d’hostilité à la politique américaine de nature très différentes et parfois opposées permet d’être dans le camps des "pour", ce qui est toujours plus reluisant.
Antiaméricanisme (suite) : terme chargé de désigner les sentiments et les ressentiments de ceux qui, envahis par des passions obscures ou n’ayant pas toute leur raison, les dissimulent derrière des arguments si divers et, parfois, si inconciliables, qu’il faut un terme unique pour les désigner.
L’"Antiaméricanisme" est un "fond", une "latence", un "réflexe", un "dénominateur commun".
"Antiaméricanisme" n’a pas de contraire, car l’américanisme, étant strictement rationnel, est une impossibilité logique. D’ailleurs, toute critique qui fait valoir un conseil ou une réserve dans le cadre d’un soutien à la politique américaine doit être précédé d’une mise en garde. Du genre :" ce n’est, pas céder à l’antiaméricanisme que de dire… "
– Frappes, dommages, incidents, bavures
Frappes : Le recours au vocable des "frappes" pour désigner des bombardements (par exemple, Le Monde du 10 octobre : "Le monde musulman après les frappes"), permet de présenter les conséquences apparemment involontaires (les "dommages collatéraux") comme des conséquences imprévisibles.
Dommages collatéraux : expression peu appréciée par de nombreux journalistes, alors que certains continuent à l’utiliser, sans guillements dépréciateurs. Ainsi Jacques Amalric (Libération du 31/10, p. 5) qui invite les Etats-Unis à recourir à une intervention au sol pour "réduire le dommages collatéraux des bombardements". Ou Le Firaro du 1er novembre (p.2) qui recense les - c’est un sous-titre sans guillemets, dégâts collatéraux.
Incidents : Vocable qui remplace avantageusement "dégats collatéraux" (trop militaire). Peut être associé à "dérapage", pour désigner des "erreurs" (à condition de mettre ces dernières entre guillements). Comme on peut le lire dans un article de Françoise Chipaux (Le Monde du 19 octobre, p.3)
Bavures : synonyme d’ erreur ou de dommage collatéral, comme on peut lire sous la plume de Jacques Amalric (Libération du 31/10, p. 5) qui déplore "trop de bavures qui coûtent la vie à trop de civils". Le terme peut être mis entre guillemets, pour prendre quelques distances sans préciser leur sens, comme dans l’éditorial du Monde du 28-29 octobre (p. 21).
– Victimes civiles, humanitaire, populace
Victimes civiles : "innocentes" - c’est indiscutable - quand elles sont dues à la terreur talibane, elles ne sont en général privés de ce qualificatif quand elles sont dues à la guerre impériale, n’ étant, dans la plupart des cas, qu ’ "accidentelles" et "inévitables".
Humanitaire : Le maintien du terme d’"humanitaire" pour qualifier les opérations de largage de vivres par l’armée américaine, alors même que nombre d’ONG dénonce la confusion entre le "militaire" et l’humanitaire" et que les médias font état de cette dénonciation est déconseillé, bien que le distinguo soit théologique" (comme on peut le lire notamment dans Le Monde du 11 octobre p. 2)
Populace : nom que prend la population du Pakistan quand elle est "convoquée" par les "militants religieux" favorables aux talibans (Patrice Claude, Le Monde du 2 novembre, p. 4)
Anthrax : terme anglo-saxon qui désigne la maladie du charbon, il doit être préféré à cette expression, selon le médiateur du Monde (27 octobre) parce qu’ il est « plus court et plus frappant que "maladie du charbon" « et qu’il << permet des manchettes audacieuses, du genre "Les talibans résistent, l’anthrax persiste" ». On attend une justification aussi pertinente pour l’utilisation du terme "Tsahal" pour désigner l’armée israélienne…
– Légitime, preuves
Légitime : adjectif très utile qui permet de confondre, en cas de besoin, ce qui est moral (ou qui passe pour tel) et ce qui est légal (et qui peut être immoral). Tout ce qui est légitime n’est pas forcément légal : selon les circonstances, cela importe ou n’importe pas.
Preuves : L’usage du terme de "preuves" pour désigner des "présomptions" permet de présenter une opération de guerre comme l’achèvement d’une procédure judiciaire. Ainsi, le 9 octobre, Le Monde publie de très larges extraits du rapport rendu public le 4 octobre par Tony Blair à la Chambre des Communes et titre ainsi cette publication : "Les preuves contre Oussama Ben Laden".
En réalité, le rapport fait état d’un faisceau de présomptions, dont on peut penser qu’il est concluant et justifier le recours à la guerre, mais qui, en tout état de cause, ne constituent pas des "preuves". C’est ce que reconnaît d’ailleurs la fin du Point 62 du rapport : "Il existe des preuves d’une nature très spécifique concernant la culpabilité de Ben Laden et de ses associés mais elles sont trop sensibles pour être divulguées.".
Question : est-ce bien le rôle d’un journal indépendant de confondre des présomptions et des preuves ?
(Premières versions : du 16-10 au 5-11)