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... L’emprise du journalisme sur la vie culturelle et intellectuelle.
À l’évidence les médias ne sont pas de simples miroirs de la vie intellectuelle et culturelle : ils en sont une composante décisive. Non seulement ils y contribuent, mais ils la façonnent. Et les journalistes ne sont pas de simples observateurs. Critiques ou non, dans les rubriques et les émissions « culturelles », mais de plus en plus souvent à l’écart de toute rubrique ou émission délimitée, journalistes spécialisés ou non, animateurs encartés de presse ou pas, intellectuels patentés ou intellectuels sans patentes, artistes missionnés ou artistes promus, exercent une véritable emprise.
Par l’expression « l’emprise du journalisme », P. Bourdieu désignait les effets pernicieux (conformisme, superficialité, etc.) de la soumission croissante du travail journalistique aux pressions du marché. Ces effets se déploient d’abord sur le plan interne : ils modifient les normes et les pratiques professionnelles des journalistes. Mais l’emprise du journalisme s’exerce aussi et surtout de manière externe, c’est-à-dire qu’elle affecte le fonctionnement d’autres domaines (intellectuels, culturels, sociaux, etc.) dont la reconnaissance publique dépend largement des médias. Autrement dit, les tendances à l’œuvre dans le champ médiatique ont des implications qui vont bien au-delà des médias eux-mêmes. Elles contribuent également à remodeler, par exemple, la fonction sociale des intellectuels, la hiérarchie du « bon goût » culturel ou les règles de la compétition électorale.
Cette emprise des médias et du journalisme sur la vie culturelle et intellectuelle, à la fois soumise aux rapports de force et aux jeux de pouvoir qui agitent divers microcosmes sociaux et assujettie à des impératifs mercantiles, obéit à des mécanismes qu’il faut tenter de comprendre et produit des effets qu’il est nécessaire d’analyser et de contrecarrer.