Relecture, mise en page et impression
Il existe un comité de relecture qui se réunit souvent à la dernière minute. Son rôle est essentiellement de prévenir les problèmes judiciaires « sans pour autant enlever tout le côté satirique et dénonciateur de François » précise Thérèse Couraud qui participe à ce comité. « Il faut chercher une formule qui dise la même chose quelque fois même plus fort et qui ne soit pas attaquable. » « La ville tue et se tait » a été par exemple remplacé par « Mort dans le parc à pauvres : Accusée, la ville se tait » indique Thérèse Couraud.
Concernant les dessins, Fabian explique : « Pour chaque numéro, j’organise une réunion d’environ trois heures avec les dessinateurs. Puis chacun dans son coin fait ce qu’il a à faire. Ce qui prend le plus de temps c’est de trouver des idées. Tout ça s’étale sur environ une semaine ; en une semaine les dessins sont rendus. En moyenne il y a 5-6 dessinateurs qui participent aux réunions. »
Pour la mise en page, c’est un logiciel professionnel qui est utilisé.
A partir du numéro 5, le passage au format A3 a permis d’être placé avec les quotidiens dans les points de vente.
Aujourd’hui, Fakir est au format A4 qui permet une plus grande souplesse dans la gestion des pages (une feuille représente 4 pages A4 au lieu de 8 dans le cas du format A3).
Le dernier numéro comportait 20 pages.
La mise en page d’un numéro prend 3 à 4 jours pleins. Comme Fakir ne dispose pas de rubrique fixe, elle est à réinventer à chaque numéro. Elle est aujourd’hui réalisée par François Ruffin avec l’aide d’autres personnes qui la finalisent.
L’impression est réalisée chez un imprimeur à partir d’un CD ROM.
Diffusion
F.R. : « A mon avis c’est le point clé. Une fois qu’il y a une ligne éditoriale cohérente, il faut encore le faire diffuser correctement. »
« Au départ le journal était diffusé par trois biais : beaucoup de ventes à la criée, petit à petit chez quelques libraires, puis dans un café, puis des gens qui en diffusaient quelques numéros à titre individuel. »
« Le premier n° qu’on a vendu à la criée dans un rassemblement, je crois que François a du dormir quatre heures, moi j’ai du dormir six heures » se souvient Jérôme Ruffin. Quant aux dépôts ventes il précise « Au début on en laissait cinq dans les cafés, chez les libraires. Puis on repassait pour voir s’ils étaient vendus, si ça avait plu. »
« On ne comptait pas notre temps, c’était un hobby. »
F.R. : « Je me levais Fakir, je petit-déjeunais Fakir, je dînais Fakir, je dormais Fakir ». François Ruffin a même essayé de vendre le journal pendant son sommeil. Il l’a appris quand il s’est retrouvé en face des personnes qui lui ont demandé : « C’est vous qui nous avez appelé, hier à deux heures du matin, pour nous vendre un journal ? »
F.R. : « Un énorme effort a été fait sur la diffusion pour arriver assez rapidement à 200-300 abonnés. Et des ventes assez encourageantes : dès le numéro 3, on était déjà à plus de 1000 exemplaires vendus. Ce qui prouve qu’il y a eu un gros travail pour diffuser le journal. C’est le seul effort qui vaille. Tu ne fais pas un journal si derrière il n’est pas diffusé. Et puis tu ne peux pas faire confiance au bouche à oreille ou à la publicité sur un truc qui n’a pas de reconnaissance au départ. »
« On a fait un exemplaire gratuit, un Chtio Fakir, un recto verso avec un article, un bulletin d’abonnement et la liste des diffuseurs. On en a distribué 14 000 exemplaires. »
« Après un an pour le numéro 5, c’est le passage par les NMPP et le réseau Somme Presse. Ils prennent 45 % du prix ; pour moi ce n’est pas un obstacle puisque le journal est assez cher. Tu choisis les bars dans lesquels tu es diffusé. Il y a un effort pour aller voir les diffuseurs et leur vendre le journal. Ca veut dire aussi conquérir un espace à l’intérieur de ces magasins. C’est toute une bataille commerciale, amener des affiches, s’assurer qu’elles soient posées et qu’elles restent au moins quelques jours. »
« Deux ans après ça, on propose des présentoirs pour que les distributeurs puissent poser les exemplaires. »
« L’objectif n’était pas de se faire du pognon mais d’avoir un public. Pour être gênant, il faut avoir un public. Donc pour moi la diffusion c’est un aspect vraiment crucial. (...) C’est un geste politique de produire un journal. Tu ne peux pas te contenter de dire narcissiquement voilà j’ai fait mon truc. »
Depuis 4 ans, Fakir a sorti 18 numéros soit un numéro tous les deux mois et demi environ.
Des tentatives de passage en mensuels ont échoué. F.R : « Je n’ai pas envie d’être dans une démarche routinière et puis c’est plus facile d’être meilleur tous les 3 mois ».
Aujourd’hui Fakir se vend à environ 2500 exemplaires dont un peu plus de 500 abonnés, la moyenne se situant autour du montant de l’abonnement soutien (30 €). Fakir compte plus de 10 abonnements passion (75 €) , 3 abonnements à vie (150 €).
Pas d’abonnement héritable : avis aux amateurs qui souhaiteraient initier le mouvement...
Les procès
F.R. : « Les procès, ça présente des aspects négatifs ; ça fait perdre du temps, ça risque de faire perdre de l’argent, ça peut faire couler un journal mais il faut sans doute en passer par là pour faire accepter une démarche, pour créer cet espace, pour qu’on dise ensuite "C’est normal qu’il y ait cette contestation." »
« Il n’y a pas un n° de Fakir sans risque judiciaire parce que la ligne jaune à ne pas franchir, elle est extrêmement large, très floue, mal définie par la loi. »
Le procureur cité par Serge Halimi dans son compte rendu du dernier procès : « Dans un pays de libre expression la satire permet d’aller plus loin. Vous apprécierez dans quelle mesure ce "plus loin" est allé trop loin. » Serge Halimi commente « C’est évidemment la question clé : la qualification juridique de diffamation est tellement imprécise qu’un tribunal répressif pourrait l’invoquer pour condamner le moindre propos qui serait tout juste désobligeant. » [1]
F.R. : « Si en local tu décides de ne pas prendre ce risque judiciaire, ça veut dire que tu décides d’être très convenu, compte tenu de ce qui se fait, de ce qui est admis, de ce qui est tolérable. Je ne dis pas qu’on fait tout et n’importe quoi mais il faut accepter le risque. »
A ce jour Fakir a affronté quatre 4 procès [2]
:
– Un premier pour non publication d’un droit de réponse demandé par Roger Mézin, premier adjoint de la ville. Il réclamait plus d’un million de francs (!). Le juge a estimé (comme le disait d’ailleurs Fakir) que le texte était trop long et a demandé au plaignant de le raccourcir.
Début : décembre 2000
Fin : février 2001
– Un deuxième pour diffamation toujours contre Roger Mézin. Il réclamait 140.000 francs de frais, plus 1 franc de dommages et intérêts. Fakir est condamné à verser au plaignant 87.001 francs en première instance et gagne sur un vice de forme en appel.
Début : janvier 2001
Fin : septembre 2002
– Un troisième et un quatrième pour diffamation (notamment en raison du dessin ci-dessous) contre Michel Maïenfisch, chef de locale du Courrier Picard. Il réclame 160 000 francs. Fakir gagne en première instance en septembre 2003. Michel Maïenfisch, soutenu par sa direction, a fait appel.
Début : mars 2002
Fin : la procédure est toujours en cours
Thérèse Couraud : « On veut tordre le coup à ces journaux alternatifs ou toutes ces revues qui dénoncent la situation actuelle et on fait tout pour les étrangler, pour les empêcher de paraître. C’est ce qui arrive sur Amiens. (...) Ca a vraiment été la grosse artillerie pour nous abattre parce qu’on ne veut surtout pas d’un journal qui dénonce le laxisme de la presse locale inféodée au pouvoir en place. »
Elle conclut sur ce point : « Tout journal qui capote, c’est un peu de démocratie qui diminue. Je me battrai bec et ongle pour que ça continue. »
Serge Halimi, qui a soutenu Fakir dans tous ses procès, écrivait au juge concernant les deux procès contre le Courrier Picard :
« L’affaire de François Ruffin et de Fakir est très ordinaire. A quoi reconnaît-on un ordre sinon au fait qu’il règne et a les moyens de continuer à le faire : dans la presse, dans les assemblées, dans les esprits, dans les prétoires ? Quand, muni pour toute fronde d’un journal de bénévoles, sans publicité, sans appui officiel, un David égaré offense un Goliath municipal, médiatique et patronal (il ne manque ici que l’Eglise et l’Armée) la légende biblique a forcément tort : ce n’est presque jamais David qui gagne. Il est pauvre ? Raison de plus : on le ruinera !
(...) Le langage feutré convient davantage à ceux qui n’ont rien à conquérir puisque tout leur appartient. Leur violence emploie d’autres chemins, onctueux et paisibles. Ce sont ceux de l’ordre des choses. »
)
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