Mépris et condescendance
Avec pour commencer une bonne dose de mépris et de condescendance à l’endroit d’Acrimed et de l’auteure de l’article. Ainsi, Bruno Denaes, qui se dit « attaqué par un site qui se veut “observatoire des médias” », ne daigne pas même citer Acrimed, ni renvoyer vers notre site – craignant peut-être que les internautes trop curieux préfèrent notre critique des médias à sa pédagogie molle et autosatisfaite. Le médiateur de Radio France croit bon d’ajouter que notre « attaque » aurait été, perfidie suprême, « relayé[e] par le réseau Twitter » – réseau sur lequel, effectivement, Acrimed est activement suivi par un nombre notoirement plus conséquent d’internautes que… le médiateur de Radio France, par exemple !
Il se contente ensuite de mentionner « un article publié sur internet », tout en omettant soigneusement – deux précautions valent mieux qu’une – d’insérer le lien qui renverrait à l’article en question, évitant que le lecteur qui aurait souhaité se faire une idée de son contenu par lui-même puisse le consulter trop aisément [1]. Des procédés plus que douteux et un brin mesquins pour un journaliste qui, deux lignes plus loin, se targue de s’appuyer « sur son expérience, sur les principes d’éthique et de déontologie ». Mais ce n’est pas tout.
Bruno Denaes évoque succinctement le contenu de ce mystérieux article : « Un article totalement à charge se fondant sur trois exemples précis ». On s’attendrait donc à ce que le médiateur de Radio France revienne en détail sur chacun de ces trois exemples et démontre en quoi nos critiques sont « totalement à charge ». Pourtant, de ces trois exemples il ne sera quasiment jamais question dans la suite de l’article.
Autosatisfaction
On appréciera d’abord la morgue avec laquelle Bruno Denaes introduit son premier point : « Revenons tout d’abord sur le rôle du médiateur que j’aurais été heureux d’expliquer à l’auteure de l’article me mettant en cause. » On ne voit pas bien en quoi ces explications seraient nécessaires, puisque notre critique ne portait en aucun cas sur le « rôle » du médiateur, difficilement contestable en lui-même, mais bien sur la façon dont Bruno Denaes l’incarne. Un contresens entrainant un hors sujet, voilà qui pourrait prêter à sourire sous la plume d’un journaliste qui affiche volontiers des postures professorales…
Après une fastidieuse typologie des remarques qu’il reçoit et des réponses qu’il y apporte, Bruno Denaes se lance dans un nouvel exercice de pédagogie qu’il intitule : « Expliquer nos fonctionnements ». En guise d’explications, deux paragraphes de mise en cause des auditeurs et de leurs critiques « infondées ou militantes ou liées à une méconnaissance de nos fonctionnements ». S’il revient bien sur l’émission consacrée aux compteurs Linky, que nous critiquions dans notre article, c’est pour ne pas en démordre : ces compteurs sont inoffensifs, les remarques des auditeurs nulles et non avenues. Ce faisant, il ne répond en rien à notre critique qui ne consistait évidemment pas à prendre position dans cette controverse scientifico-technique, mais à regretter que le médiateur ait presque constamment cherché à tourner en ridicule les auditeurs qui l’avaient contacté [2].
Pour le reste, Bruno Denaes persiste et signe, se contentant d’une position de principe, sans revenir sur les émissions auxquelles nous nous référions précisément (sur le terrorisme, le mouvement social ou le Brexit) : selon lui, les auditeurs ont des « oreilles militantes », « nous écoutons la plupart du temps avec le prisme de nos opinions, en manquant singulièrement d’objectivité et de recul. Et c’est aussi le rôle du médiateur de le rappeler », comme de rappeler que « les antennes recherchent en permanence un équilibre ». En résumé, les auditeurs seraient consubstantiellement aveuglés par leur partialité, les journalistes et les rédactions seraient par essence impartiaux et objectifs, et le rôle du médiateur serait de rappeler ces vérités simples et incontestables aux premiers. Une bien étrange conception du public, du journalisme et de la « médiation ». Et Bruno Denaes de conclure en célébrant, en toute modestie, « le travail méticuleux et acharné du médiateur ».
Dans cette réponse comme dans les émissions que nous critiquions, le médiateur de Radio France semble confondre médiation et autojustification, explication et plaidoyer pro domo, neutralité et parti-pris, tout en esquivant les remarques les mieux étayées. Bref, une médiation, même « méticuleuse et acharnée », ne suffirait sans doute pas pour dénouer les désaccords entre Bruno Denaes et Acrimed !
Blaise Magnin