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L’actualité des médias n°38 (15 fév. au 15 mars 2005)

par William Salama,

I. Bonnes affaires, technologie, publicité, etc.

 Commission et réflexions sur les médias. La commission Lancelot, voulue par Chirac et instaurée par Raffarin (lire L’actualité des médias n°36 et n°37), doit remettre ses propositions au plus tard le 1er juillet 2005. Elle sera chargée d’une évaluation " au regard non seulement des impératifs de viabilité économique des différents médias, mais aussi des objectifs politiques fondamentaux que constituent la garantie du pluralisme (...) et la sauvegarde de l’indépendance nationale ".

Le Figaro (15 mars 05) relève l’" appel à contribution " de ladite commission.

Voilà pour l’apparat. Mais, pour la réalité, un bidouillage législatif s’annoncerait-il ? Les Echos (3 mars 05) décrivent en effet un chantier assez complexe sur la partie anti-concentration, que la commission doit démêler : " Pour l’heure, le paysage français est régi par un dispositif anticoncentration complexe. Entre autres textes, la loi du 1er août 1986 interdit à un opérateur de contrôler des quotidiens d’informations politiques et générales dont la diffusion excède 30 % de la diffusion sur le territoire national. Le dispositif plurimédia prévoit, lui, qu’un groupe ne peut cumuler plus de deux des situations suivantes : contrôler une ou plusieurs télévision hertziennes couvrant plus de 4 millions d’habitants, détenir un quotidien d’information politiques et générales représentant plus de 20 % de la diffusion sur le territoire national, et avoir une radio couvrant plus de 30 millions d’habitants. Enfin, s’agissant des radios, un opérateur ne peut contrôler des réseaux dont le bassin d’écoute représente plus de 150 millions d’habitants.".

On notera par ailleurs, le silence sur le contenu...

 Technologie galopante. L’UMTS déjà obsolète. Mi-février 05, s’est tenu à Cannes le raout annuel des grandes intentions des opérateurs et des équipementiers mondiaux de la téléphonie mobile - le 3GSM World Congress - qui a amené des informations capitales sur les attrape-gogos à venir.

Et voici le plus beau : l’UMTS (le mobile de troisième génération), lancé fin 2004 (autour de sa principale attraction la visiophonie) par les opérateurs Orange et SFR est déjà un concept obsolète. lls préparent en effet une autre génération pour 2007 (qui répond au doux nom de HDSPA).

 Technologie. TV sur mobile : prédation. En lien avec ce qui précède, il faut savoir que le chantier de la télévision numérique sur mobile engendre quelques opérations de prédations.

Ainsi, c’est la ruée. " TPS, France Télécom et Bouygues Télécom, d’un côté, Canal Plus, SFR et Nokia, de l’autre, ont annoncé vouloir procéder dès juin à des tests de télé sur téléphone portable " (Libération, 8 mars 05). Ces velléités auraient obligé le CSA à réfléchir plus vite que prévu à un appel d’offres pour les chaînes locales (Les Echos, 17 fév. 05).

En vain ?

Ajoutons que, côté musique (autre centre d’intérêt sur le contenu), grande hâte également : après NRJ, M6, la radio Skyrock s’apprête à se lancer à son tour dans le business pour devenir opérateur mobile virtuel.

Enfin, rappelons que 45 millions de français ont un portable, qu’il faudra bien remplacer pour bénéficier de ces paradis techno-artificiels. Or, d’ici à 2010, le marché français de la téléphonie mobile devrait passer à 53,4 millions de clients (Les Echos, 24 fév. 05).

Tous les constructeurs misent dessus (musique, vidéo, photo) et l’on ne peut s’empêcher de devenir suspicieux en lisant dans Le Parisien (12 mars 05) : " Une première boutique de téléphonie mobile entièrement dédiée aux sourds et aux malentendants a ouvert ses portes hier à Paris. "

 Les étudiants d’HEC rappelés à l’ordre par l’idéologie publicitaire. Invité le 8 février 2005 à un débat organisé par H.E.C. (Hautes études commerciales), le président de Résistance à l’agression publicitaire (RAP) prenait le contre-pied des intervenants pro-pub. Et une de ses interventions était applaudie par l’assistance. C’est alors que le patron du mastodonte publicitaire Publicis Conseil, Christophe Lambert (homonyme de l’acteur d’“Highlander”), prit soudain le micro et, pointant du doigt les étudiants qui avaient applaudi, déclara : " J’en ai entendu quelques-uns qui ont applaudi par ici. Mais, dites, vous savez où vous êtes, ici ? Vous savez qui seront vos employeurs à la sortie de cette école ? Vous avez une idée de qui vous payera, de comment vous gagnerez votre vie ? " Merde, si même les futurs managers se posent des questions, c’est la fin du monde... (voir notre rubrique Publicité : Invasions et résistances).

II. Audiovisuel

 Les modèles gratuit et payant vers une nouvelle donne. CB News (14 mars 05) s’interroge : " la volonté de Canal Plus. Espagne de passer en gratuit sur l’analogique et celle de RTL Group de lancer des chaînes payantes ont semé le trouble dans le monde jusqu’ici assez cloisonné du clair et du crypté en télévision. Un phénomène susceptible de toucher aussi la France ? "

 Câble. Comme prévu, la Commission européenne a donné le 4 mars 05 sa bénédiction à l’acquisition par le fonds d’investissements Cinven des activités câble de France Télécom (France Télécom Câble) et Canal Plus (NC Numéricâble).

Une acquisition acceptée, et c’est là que c’est amusant, car, selon l’exécutif de l’Union européenne, elle n’aura " pas pour conséquence d’entraver de manière significative (sic) une concurrence effective " en Europe (Newsletter CB News, 7 mars 05).

 Les groupes Bouygues, Lagardère et Bertelsmann, riches à en crever... entre eux. " Le groupe Bouygues a enregistré un bond de 91 % de son bénéfice en 2004 ", grâce à son activité mobile et à TF1 (Les Echos, 3 mars 05). Alors, logiquement, " Le groupe Bouygues récompense ses actionnaires ".

M6, quant à lui, au vu de ses bons résultats (une hausse de 5,4 % du bénéfice net part du groupe à 138,7 millions d’euros contre 131,6 en 2003), comme ceux de sa maison mère, le groupe Bertelsmann - qui affiche aussi un " bénéfice record " (Les Echos, 12 mars 05) - augmente tout aussi logiquement " sensiblement sa distribution de dividendes " (Les Echos, 9 mars 05).

Le groupe Lagardère Médias a réalisé un chiffre d’affaires de 8 594,3 millions d’euros, en hausse de 3,3%. Toutes ses activités (presse, audiovisuel, édition...) sont en fête (pour les détails, Le Figaro, 11 mars 05). Mais, sans surprise, il décide d’être " généreux avec ses actionnaires " (Les Echos, 11 mars 05).

Pas la peine de développer cette distribution en ‘’réunion’’ mais pour se documenter, lire L’Express (28 fév. 05), qui consacre un dossier aux salaires de la communication et de la télévision, et (pour compléter), Marianne (12 mars 05), dans " Méritent-ils vraiment ce qu’ils gagnent ? ", ou Le Parisien (15 mars 05).

 TF1 se fait tancer et se relance. Malgré des marges bénéficiaires et un retour sur investissement de 18,2 % au groupe, TF1 se fait sermonner sur sa " croissance molle ", en récidive après celle de 2004 (Les Echos, 16 fév. 05) [1].

Le 16 février, donc, l’action de TF1 a chuté de 3,7 %, obligeant Patrick Le Lay, PDG du groupe, a tenter de " rassurer les analystes " (sic. Les Echos, 17 fév. 05) en affichant son optimisme sur le marché publicitaire pour 2005, et en exposant longuement sa vision d’avenir pour le groupe.
Soit :

- des projets de clonage, avec la création d’une chaîne minigénéraliste en Italie. A cet égard, indique Le Figaro (18 fév. 05), " TF 1 s’est assuré de l’ancrage de ce dernier [Tarrak Ben Ammar - ndr]
dans la péninsule pour y développer un réseau. Administrateur indépendant de Mediobanca et membre de son comité stratégique, l’homme d’affaires est également proche de Rupert Murdoch, et surtout de Silvio Berlusconi " (c’est aussi de l’ordre du réseau, ndrl).

- des visions d’avenir digne de Nostradamus. En misant sur l’ADSL, Le Lay entend gagner entre 115 000 et 120 000 nouveaux abonnés à TPS (pour porter leur nombre à plus de 1,8 million d’abonnés).
Il compte (dans tous les sens) et prévoit pour 2010 : 1 million de foyers accros à la télévision payante et 2,5 millions de foyers recevant de la télévision gratuite.
Précision utile : " “Dans notre industrie, notre vision du marché n’excède pas deux ans”, souligne-t-on à Neuf Telecom et à France Télécom " (Les Echos, 21 fév. 05).

 FranceTélévisons : privatisation rampante ? Renaud Donnedieu de Vabres, le ministre de la Culture et de la Communication, jure ses grands (donne-)dieux : pas de privatisation de France 2 (CB News, 28 fév. 05).

C’est bien joli, mais le travail de sape insidieux continue, si l’on en croit la mise au pas comptable du secteur public, celui-ci devant plus que jamais se calquer sur des méthodes du privé. Ou comment empoisonner le malade pour l’accuser d’être souffrant, cf. le coup de fièvre médiatique consécutif au " rapport de la Cour des comptes " qui " critique la stratégie incertaine de FranceTélévisions " (Le Figaro, 2 mars 05).

De fait, excluant l’augmentation des temps de publicité (mais pas par doctrine, simplement pour évidemment ne pas assécher la presse quotidienne et la TNT), le gouvernement " invite les dirigeants de FranceTélévisions à imaginer d’autres méthodes de travail, à revoir les qualifications des salariés et à amplifier les synergies entre France 2 et France 3 " (Le Figaro, 2 mars 05) [2].

En arrière-fond de cette polémique, le remplacement - ou non -, à l’été, de Marc Tessier, actuel président de FranceTélévisons. Or selon Challenges (3 mars 05), un certain Roch-Olivier Maistre, ex-conseiller de Chirac vient de quitter l’Elysée pour... la Cour des comptes. Et " son nom circule pour prendre la présidence de France Télévisions en août prochain ".

 Thématiques. Données. " L’audience du câble et du satellite a gagné 3 points, au détriment de TF1 " note, narquois, Libération (9 mars 05). " Les 14,8 millions de téléspectateurs abonnés au câble ou au satellite consacrent 37,2 % de leur temps à ces chaînes contre 62,8 % aux hertziennes. "

En hausse, notamment, les chaînes info (LCI, I-Télé, Euronews) - grâce au tsunami, précise très “élégamment” Libération.

 Thématiques. Chaînes info en manœuvres. Nicolas de Tavernost, le président du directoire de M6, indique " être en pourparlers avec Canal Plus pour un partenariat sur la chaîne d’information I-Télé " (La Tribune, 1er mars 05).

Ce qui est bien anticipé (lire plus haut " Thématiques. Données "), car, le 14 mars 05, Le Figaro informe de " la décision prise par le groupe Canal + de présenter la candidature de sa chaîne d’information, I-Télé, en diffusion gratuite, alors qu’elle était présentée en offre payante dans le précédent appel d’offre ".

Cela s’appelle prendre position.

 Des nouvelles de la TNT (Télévision numérique terrestre). Plus de doute, à constater l’excitation de la presse TV et généraliste, le 31 mars 2005 elle arrive bel et bien, d’abord soi-disant " gratuite " dans la région parisienne, Bordeaux, Brest, Lille, Lyon, Marseille, Niort, Rennes, Rouen, Toulouse et Vannes.

Cela dit, " les chaînes sont-elles prêtes ? " s’angoisse-t-on ici et là... Au moins dix sur les quatorze, répondent Les Echos (17 fév. 05), notant que " seules cinq chaînes sont inédites (...) France 4, ancienne Festival (...) NT1 (groupe AB) (...) NRJ 12 (...) Direct 8, la chaîne financée par Vincent Bolloré et W9 de M6 ".

Ainsi, le CSA, qui avait annoncé que la date de clôture de l’appel à candidatures pour de nouvelles chaînes de la télévision
numérique terrestre (TNT) avait été repoussée au 11 mars
2005, a reçu 35 propositions.

Mais d’autres signes ne trompent pas sur cette agitation :

- pour les publicitaires en quête de territoire giboyeux, l’audience de la TNT sera mesurée " dès son lancement ", selon Médiamétrie (relayé par la newsletter de CB News, 8 mars 05).

- " Les fabricants de décodeurs se mobilisent " (La Tribune, 22 fév. 05). Evidemment, Le Parisien (12 mars 05) tombe dans le piège, enjoignant ses lecteurs : " Evitez le bas de gamme ", dans cette " jungle ", et donc, déboursez de 130 à plus de 300 euros...

- La TNT " relance " aussi TDF - opportunément privatisé au profit des fonds d’investissement - dans la diffusion de télévision (La Tribune, 15 fév. 05).

- L’information étant une valeur en hausse, Canal Plus propose I-Télé gratuitement (lire plus haut " Thématiques. Chaînes info en manœuvres ").

- Et enfin, " la musique réclame une place de choix sur la TNT " (le roi disait : nous voulons), relaie Le Figaro (25 fév. 05) (lire plus haut " Technologie. TV sur mobile : prédation ").

III. Presse écrite

 Distribution. D’après Anne-Marie Couderc, ex-ministre, dirigeante chez Lagardère et présidente de l’organisation patronale SPMI (syndicat de la presse magazine et d’information), les éditeurs qu’elle représente restent " vigilants sur la bonne santé du réseau de diffusion, qui est l’un de (leurs) outils de vente " (Les Echos, 18 fév. 05).

Comme elle crie victoire [3], (" 2004 a été une année extrêmement dynamique pour la presse magazine ") tout en pleurant misère (" tous les éditeurs doivent faire d’importants efforts de rationalisation pour absorber les hausses de coûts auxquelles la profession est confrontée "), elle préconise de " travailler sur la manière dont nous, éditeurs de magazines, pourrions développer le portage ". Voilà pour la vigilance [4].

 Presse quotidienne. Diffusion OJD 2004. Les gamelles : Le Monde (- 4,1 %), Libération (- 7,8 %), Le Figaro (- 3,1 %), La Tribune (-2,1 %) et France-Soir (- 11,6 %)

Les hausses : L’Equipe (+ 8,6 %), Aujourd’hui-Le Parisien (+ 3,1 %) ; La Croix (+ 1,1 %), Les Echos (+ 2,1 %) et L’Humanité (+ 1,6 %).

Commentaire-trophée du Parisien-Aujourd’hui, en encadré (14 mars 05) : " Aujourd’hui vend plus au numéro que Le Monde ".

 Presse quotidienne économique. Triomphe modeste des Echos. Les Echos, filiale du groupe britannique Pearson, a enregistré en 2004 une forte progression de son résultat d’exploitation, à 11,1 millions d’euros, en hausse de 82 %.

David Guiraud, directeur général du groupe Les Echos, qui manie l’euphémisme (ou la modestie) n’y voit qu’" une année 2004 plutôt positive, en phase avec les annonces de l’an dernier ".

Ses explications sont sans surprise : " la croissance de l’activité est notamment due à un redémarrage de la publicité commerciale " (Le Monde, 2 mars 05).

Propose-t-il des remèdes à la crise ? Passons sur " l’approche marketing du lectorat " ou " la reconstruction du réseau de diffusion ", et notons que Guiraud semble être - contrairement à ce qu’affirme Le Monde - le seul patron de presse quotidienne à se soucier du contenu : " tout comme ses confrères de la presse quotidienne, (il) doit s’attaquer à des défis de fond, sur le contenu même des journaux ".

 Presse quotidienne turfiste. 123... partez ! Lancé fin janvier, le nouveau quotidien 1-2-3 Pariez, consacré aux paris hippiques et sportifs, a suspendu sa parution faute d’avoir trouvé un lectorat suffisant (Stratégies Newsletter, 22 fév. 05).

 Presse Quotidienne d’information générale. Le Monde sauvé des eaux grâce aux ventes couplées ? Après le vote favorable de la Société des rédacteurs du Monde (8 mars 05), Lagardère devrait apporter 25 millions d’euros en cash et 10 millions par la cession des 10 % d’actions qu’il possède dans les Journaux du Midi (Midi libre...), pour sauver le jeune groupe La Vie-Le Monde de Jean-Marie Colombani [5].

Le groupe espagnol Prisa (El País) est également prévu comme partie prenante dans l’opération de renflouement, contre 25 millions également, et le statut d’actionnaire de référence du groupe (12,9 %) [6].

Le Figaro (19 fév. 05) crédite Prisa d’une " expertise en matière de vente de “plus produits” très profitable ".

Le fait que le quotidien El Pais rencontre depuis plus d’un an un certain succès dans la vente couplée (" un chiffre d’affaires total de 1,42 milliard d’euros, en hausse de 9,3 % "), contrairement au Monde, avait donc de " quoi faire pâlir d’envie ", selon... Le Monde (25 fév. 05).

Cette " expertise " semble être une spécialité espagnole. " ABC (...) a connu une hausse de 10 097 exemplaires (...) en 2004 " grâce au " phénomène de vente couplées avec des produits culturels (DVD, livres ou encyclopédie) (... qui ont) permis aux quotidiens payants de se refaire une santé " (Les Echos, 21 fév. 05).

Le Monde prévoit donc, grâce aux ventes couplées, réaliser en 2005 un chiffre d’affaires de 6,5 millions d’euros, grâce à trois séries de douze DVD proposés soit avec le quotidien, soit aux abonnés d’autres titres du groupe (La Vie, Télérama...), selon Challenges (3 mars 05).

On le voit, nos quotidiens (Le Figaro fait de même) savent bien s’occuper de leurs contenus. Même si ce ne sont pas ceux que l’on croit.

De plus, Le Monde est en passe de finaliser la vente de l’immobilier parisien des ex-Publications de la Vie Catholique (PVC). Une transaction qui devrait dépasser 35 millions d’euros et permettre au groupe de presse d’alléger sa dette (Le Figaro, 18 fév. 05) [7].

Enfin, " loin des 90 départs (sur un effectif total de 750 personnes) souhaités par la direction ", seules 65 personnes quitteront le groupe (La Tribune, 16 fév. 05).

 Presse régionale. Refontes, " convergences ". Le groupe France-Antilles annonce procéder à une profonde refonte de ses sept quotidiens régionaux payants, qui se " traduira par un remaniement du contenu, de la "mise en scène" (sic) des journaux et un passage au tabloïd ", selon Frédéric Aurand, son président du directoire (AFP, 1er mars 05).

Le groupe Midi libre (groupe Le Monde) a également choisi de rénover ses titres pour renforcer son lectorat, et annonce une nouvelle formule de son quotidien éponyme, articulée autour d’un " changement de maquette et d’un contenu qui remet la proximité à l’honneur " (Le Figaro, 2 mars 05).

Enfin sa filiale TV va produire de l’information pour le portail UMTS d’Orange, sous la forme d’un reportage " cinq jours sur sept, sur l’information locale " (newsletter CB News, 23 fév. 05).

 Presse régionale. Au Nord, du nouveau. Le projet de la Socpresse mitonné pour La Voix du Nord - dont elle est le nouveau propriétaire -, qui comprend notamment la fermeture de l’agence de Nord Eclair à Lens, a été approuvé par 117 journalistes du groupe contre 103. Un petit " oui de résignation et d’angoisse ", selon l’intersyndicale (AFP, 24 fév. 05).

 Presse Régionale. Ouest France imperator. Ouest France a officialisé le 22 février 2005 son intention de racheter les trois quotidiens du pôle Ouest de la Socpresse (Presse-Océan, Le Courrier de l’Ouest, Le Maine libre).

Le Canard enchaîné (16 fév. 05) salue un " journal il est vrai indépendant des groupes industriels ou bancaires " (suivez mon regard) mais précise que le nouvel ensemble dominera une " zone d’influence (le Finistère excepté notamment) (... et) risque de virer au monopole ".

Indépendant ? Voire... Si la question de l’indépendance (vis-à-vis de qui ? De quoi ? Comment ?) brandie comme une valeur universelle, se traite pourtant au jugé, reste que Ouest France démultiplie sa puissance et ses moyens de couverture, de " Cherbourg aux confins de la Région Poitou-Charentes et du Mans à Brest avec une foultitude d’éditions journalières dans 12 départements. Accessoirement, le groupe contrôle aussi une quarantaine d’hebdos locaux, une prospère chaîne de gratuits (ainsi que la moitié du capital de 20 Minutes) et doit enfin se lancer bientôt dans la télé locale (à Angers, à l’automne par la grâce du CSA à Nantes, très vite par le biais de ce rachat). "

Ainsi, François-Régis Hutin, patron d’Ouest France interrogé par Libération (24 fév. 05) se " garde " de critiquer " M. Lagardère ou M. Dassault " : " Que je sache, les journaux de M. Lagardère ne sont pas plus mauvais que d’autres. M. Dassault a racheté des journaux qui étaient à vendre. Ce que je critique, c’est le système français qui fait que la presse écrite est concurrencée de manière anormale par les collectivités et certains services publics. L’audiovisuel public capte de la publicité alors qu’il bénéficie de la redevance. Les bulletins municipaux, financés avec de l’argent public, prennent de la publicité à la presse quotidienne régionale. C’est là entre autres qu’est le mal, pas chez M. Dassault. "

D’ailleurs, la société Publihebdos, une filiale du groupe, projette de racheter à Serge Dassault deux hebdomadaires de la région parisienne, Toutes les Nouvelles de Versailles et La Gazette du Val d’Oise (CB News, 25 fév. 05) [8].

Car on a beau se plastronner indépendant, cela n’empêche pas d’étaler ses déférences et ses convergences d’esprits.

 Presse Régionale. Protestations contre Ouest France. La Fédération de la presse magazine régionale a protesté contre ce monopole de Ouest France, jugeant que " cette position de monopole n’est pas bonne pour le pluralisme, ni pour la démocratie " (Stratégies newsletter, 1er mars).

De plus, les “soutiers de l’information” (comme ils s’appellent), à savoir les pigistes d’une partie de l’empire méconnu des publications de Ouest France (la filiale Informer : Le Marin, L’Ostréiculteur) sont entrés en mutinerie contre le mépris et la précarité, soutenus notamment par le Syndicat Interprofessionnel presse & médias-CNT.

 Presse gratuite acoquinée avec les payants. " En trois ans, Metro a étendu sa diffusion aux dix plus grandes villes françaises et a multiplié son chiffre d’affaires par cinq. Le groupe a atteint l’équilibre au dernier trimestre 2004 et espère y être sur l’année 2005. Metro France a dégagé un résultat d’exploitation positif de 700.000 euros au quatrième trimestre 2004 " (Les Echos, 16 fév. 05).

Dans CB News (21 fév. 05) qui, sous le titre " PQR/gratuits : la grande bataille ", consacre un dossier à la région grand Ouest, se lit ceci : " près de 100 000 journaux dit gratuits (Metro, 20 Minutes, Sport, Femme en ville) " se livrent une " grande bataille "...

Bataille... Drôle de terme, lorsque l’on sait que, à Toulouse, la Dépêche du Midi a conclu un accord avec 20 Minutes pour lui permettre de " toucher un public que ne lit pas la Dépêche : les jeunes urbains ", que Ouest France est au capital du même 20 Minutes et que Sud Ouest a lancé son gratuit (Bordeaux 7), tout benoîtement parce qu’" il “n’est pas arrivé à (s’) entendre avec eux” " [9].

Dernière information, les quotidiens gratuits ont obtenus gain de cause : ils seront intégrés dans l’EuroPQN (Les Echos, 9 mars 05). Autrement dit, c’est une consécration : un chat s’appellera un chat, surtout dans la mesure des audiences entre un Figaro et un 20 minutes. De quoi donner une visibilité aux annonceurs.

 Presse gratuite. A la niche. C’est du marketing pur, pour toucher mieux, on segmente plus... Sport, hebdomadaire gratuit édité par Francis Jaluzot, lancera le 18 mars 2005 son supplément féminin, Sport au féminin (ça coule de source).

 Presse magazine. La déclinaison (pas encore le déclin). Paris Match (du groupe HFM - Lagardère), Elle (idem) et Prima (du groupe Prisma) ont lancé des déclinaisons de leurs titres. Respectivement Match du monde, un bimestriel consacré aux voyages, Elle à Paris, et Prima Maison, consacré à l’art de vivre.

 Presse Magazine. Tout va bien. Bulletin de santé du secteur, dans Stratégies newsletter (21 fév. 05), qui " constate une année de reprise pour la presse magazine en 2004 : 640 titres ont été lancés au cours d’une année qui a également vu le redémarrage des investissements publicitaires (+2 % l’an passé). Les éditeurs de presse ont investi 83 millions d’euros en publicité télévisée, soit 17 % de leur budget promotionnel. Il en résulte une hausse de 31% des dépenses de promotion. "

 
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Notes

[1Et pourtant, elle tourne : " Le volume d’activité a progressé de seulement (sic) 3,4 % en 2004, le résultat d’exploitation a grimpé de 19,4 %. Cela s’explique par la maîtrise des coûts. Même si en 2004 le coût de la grille est reparti à la hausse (+ 4,8 %, à 893,2 millions d’euros après une baisse de 3,4 % en 2003), elle reste inférieure à la progression des recettes publicitaires (+ 6,6 %, à 1,645 milliard d’euros) " (Les Echos, 16 fév. 05).

[2Comme expédient, l’augmentation de la redevance guette le contribuable au coin de 2006.

[3Lire plus bas " Presse Magazine. Tout va bien ".

[4Selon Gérard Proust, président de l’Union nationale des diffuseurs de presse (UNDP), l’état du réseau de diffusion de la presse se réduit comme peau de chagrin : en 2004, 1 031 points de vente de journaux ont disparu, contre 499 nouveaux points, soit un solde négatif de 532 points de vente de journaux.

[5Le seul point non formellement bouclé est celui de la régie publicitaire (détenue à 49 %) que Lagardère réclame mais que Publicis ne voudrait pas encore lâcher.

[6En Espagne et Amérique latine, et maintenant, en France. Prisa est aussi présent dans l’audiovisuel, avec la chaîne de radio Cadena Ser, leader d’audience, dans la télévision, à travers le groupe de télévisions locales Localia. Et l’édition : des manuels scolaires et édition générale (Le Monde, 25 fév. 05).

[7Lire notamment Le Monde cherche du cash, désespérément et voir la rubrique Le groupe Le Monde (note d’Acrimed).

[8Pourquoi Dassault, qui possède trois titres locaux en Région parisienne, n’en cèderait-il que deux ? Parce que le troisième est Le Républicain de l’Essonne (lire Dassault et Chaisemartin orchestrent le pluralisme en Région parisienne) (note d’Acrimed).

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