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L’actualité des médias n°61 (21 septembre – 7 octobre 2007)

par William Salama,

Libération en couleur –Le Midi Libre dépêché – France Télevisions en berne - Colombani et les euros - Le CSA protège Sarkozy.

I. Presse écrite

1. Presse quotidienne

 Bataille perdue pour les élus du comité d’entreprise des Echos. Ils avaient porté en justice [1]une demande de « levée de la clause de confidentialité qu’ils avaient signée dans le cadre du projet de vente des Echos à LVMH  ». Mais, trop tard : dans « son ordonnance le juge des référés du tribunal a souligné que l’engagement de confidentialité avait été "accepté librement et sans réserve par les élus"  » (Newsletter CB News, 1er octobre 2007).

 Les salariés de La Tribune attendent les intentions LVMH. Concurrence libre et non faussée : en attendant de posséder le numéro 1 de la presse économique, Bernard Arnault se demande à qui il va revendre le numéro 2, La Tribune. Le 25 septembre 2007, les élus du Comité d’Entreprise de ce dernier demandaient à « leur direction la tenue d’un comité d’entreprise extraordinaire  » Au terme de ce CE (mardi 2 octobre 2007) les mêmes élus « s’inquiètent d’une possible "vente en catimini" du quotidien par le groupe LVMH. », impression fondée sur « "le non respect de l’engagement moral pris par LVMH d’exposer à une délégation de salariés les différents projets en compétition avant d’engager des négociations exclusives avec qui que ce soit". » Ils « ne s’opposent pas à la vente mais « veulent des garanties sur l’indépendance du journal, sa pérennité et sur les moyens engagés » (Newsletter CB News, 3 octobre 2007).

Selon les informations de Challenges (le 2 octobre 2007), cinq dossiers (au moins) « seraient parvenus à la banque d’affaires Lazard, chargée de la vente. Il s’agirait du groupe de presse belge Rossel, de Patrick Combes, P-DG de la société financière Viel et Cie, de Butler Capital Partners (Walter Butler), de Fabrice Larue, ancien P-DG de La Tribune associé à la Caisse d’épargne, et de Philippe Micouleau, ancien DG de La Tribune accompagné de quatre à cinq partenaires financiers(…) Et les salariés de La Tribune craignent que Bernard Arnault n’ait déjà fait son choix. Une rencontre était « prévue vendredi dans la matinée avec Nicolas Bazire, numéro 2 du groupe de luxe. L’ordre du jour : éclaircir la situation et accéder aux dossiers déposés auprès de Lazard. » (Challenges.fr, le 5 octobre 2007)

  Libération en couleur et en manque de chaleur. Le quotidien s’offre une « nouvelle formule » (15 octobre 2007), entièrement en couleur (comme le gratuit 20 Minutes). D’ores et déjà, pour son directeur, Laurent Joffrin : le « journal va nettement mieux. Il affiche la meilleure progression des ventes parmi les quotidiens français. Et son image a changé. Pourtant, il nous reste un effort à fournir en matière de publicité. Nous devrions atteindre nos objectifs bientôt. » (Nouvelobs.com, le 17 septembre 2007) A dire vrai, au premier semestre 2007, la diffusion du titre n’a progressé que de 0,6% soit quatre fois moins que Le Monde. (Stratégies, le 13 septembre 2007 [2]) A dire vrai aussi, le journal a surtout changé par rapport à l’idée un peu saugrenue que s’en faisait son nouveau directeur qui explique au Monde (le 7 octobre 2007) : « Nous trouvions le journal anxiogène, tourné vers le côté sombre des choses (...) Libération doit être une sorte de laboratoire d’avenir, un journal qui diffuse de l’énergie plus que de l’angoisse, avec un ton plus simple, plus généreux, plus ouvert, plus optimiste ». Plus ouvert aux annonceurs, en particulier car comme l’explique l’administrateur judiciaire : « la publicité n’est pas au rendez-vous » (Nouvelobs.com, le 20 septembre 2007). A en croire Laurent Joffrin, « le marché publicitaire n’a pas encore enregistré cette amélioration de l’image », conservant celle d’un journal « en crise et sectaire » (AFP, le 4 juillet 2007 [3]. En attendant, placé en « sauvegarde depuis un an par le tribunal de commerce de Paris », Libération a demandé et obtenu (le 2 octobre 2007) une « nouvelle prolongation jusqu’à fin décembre de cette procédure, qui permet le gel des dettes et des créances » (AFP, 21 septembre 2007).

  L’Equipe a des « problèmes de pigistes  ». Un préavis de grève a été voté par les rédactions de L’Equipe et de L’Equipe Magazine à « à 138 voix sur 144 votants » (AFP, le 3 octobre 2007). Thierry Serinato, délégué du personnel élu sur les listes SNJ-CGT « fait part d’un "vrai mécontentement" dans les rédactions sur la question des pigistes qui "occupent presque un temps plein sans être titularisés et ont du mal parfois à se faire payer leurs piges" » Les personnels mobilisé exigent des « règlement rapide des arriérés et l’ouverture de négociations sur les titularisations. »

2. Presse Gratuite.

 Les gratuits transportés. Depuis le 1er octobre 2007, Bolloré offre ses gratuits (Direct Soir et Matin Plus) dans 170 stations de la RATP tandis que pour « le compte de Metro International, Metro France a piloté un accord européen de distribution avec British Airways qui mettra à disposition des voyageurs un quotidien national propre à chaque pays » (Newsletter Tarif Média, 4 octobre 2007).

 Le Luxembourg et son premier gratuit. Sous le titre « La Justice bientôt saisie de cette escroquerie au contribuable ? », Linvestigateur.com (le 3 octobre 2007) sis dans le Grand Duché, s’insurge « l’aide à la presse pour les “tageblatt”, “Quotidien”, “Revue” et autres “Jeudi” investie dans un journal gratuit  ». Comme le résume le site « Le Luxembourg va donc vivre sa première aventure de journal quotidien gratuit. A l’image d’autres (grandes) villes européennes, la petite capitale luxembourgeoise (…) se lance donc dans une aventure qui promet beaucoup de saleté dans les rues, beaucoup de discussions politiques et quelques troubles d’ordre judiciaire qui sont en préparation ».

3. Presse Quotidienne Régionale<

 Le Midi Libre concentré, rassuré, « dépouillé ». Rappel : pour se désendetter, Le Monde qui doit 115 millions aux banques, solde le Midi Libre acquis lors des dispendieuses années Colombani. Le Groupe Sud Ouest [GSO] qui n’a que le mot « synergie » à la bouche, est prêt à débourser les « quelque 90 millions d’euros ». Or, « Tout irait donc pour le mieux si GSO, […] n’avait proposé à la Dépêche du Midi (Toulouse) d’entrer dans l’opération à parité de capital. » Mais, « La Dépêche » est « l’ennemi traditionnel » du Midi Libre (Libération du 24 septembre 2007).

- Grincements de dents... « Notre histoire avec Le Monde est jonchée de grandes déclarations et d’énormes déceptions, résume Olivier Clerc, médiateur du Midi libre et cogérant de la Société des journalistes (Sojomil). (…) “On a surtout l’impression de s’être fait dépouiller”, poursuit un élu du personnel qui souligne qu’après avoir fait remonter près de 30 millions d’euros de trésorerie à Paris durant six ans, Le Monde a également bénéficié de prêts de la part du Midi libre ainsi que de dividendes et de dividendes exceptionnels (dont 18 millions en juillet 2006). » (Libération du 24 septembre 2007). De fait, lors d’un comité d’entreprise (5 octobre 2007) les représentants de GSO et de La Dépêche ont « cherché à rassurer les représentants du personnel en mettant en avant cinq engagements » ( Les Echos du 6 octobre 2007).
- Le rachat «  portera sur l’intégralité du capital de la Société du Journal Midi Libre par le Groupe Sud-Ouest, et à parité s’il est accompagné par La Dépêche.  »,
- « la présidence du conseil de surveillance du Midi Libre sera assurée par un représentant de Sud-Ouest, la vice-présidence par " un représentant du partenaire " » (La Dépêche) ;
- « L’indépendance éditoriale est préservée et assurée de façon pérenne » :
- « les intérêts du Groupe Les Journaux du Midi » seront « préservés dans la mise en œuvre de toutes synergies ou opérations communes significatives avec le Groupe Sud-Ouest ou tout autre partenaire » ;
- « la direction générale des Journaux du Midi « participe directement à toute réflexion concernée par le point précédent ».

  Le Progrès préparerait un nouveau plan social. Un plan social devait être présenté lors du comité central d’entreprise extraordinaire prévu le 4 octobre 2007. D’après un délégué syndical (cité par Les Echos, le 3 octobre 2007), « plus de 200 postes pourraient être supprimés ». D’après le quotidien économique : « A l’horizon 2010, il s’agirait de ramener les effectifs globaux en dessous de 600 salariés contre 850 aujourd’hui. (…) Au Progrès, les pertes courantes ont encore atteint 6,7 millions d’euros l’an dernier pour 123,3 millions de chiffres d’affaires. » Réduction des effectifs de journalistes reconnus comme tels et… extension du nombre des correspondants locaux » : Le Progrès recherche des correspondants locaux de presse et des correspondants sportifs sur les communes de Givors et Grigny. Si vous êtes disponible, mobile, curieux, ayant le goût de l’écriture, en possession d’un ordinateur et d’un appareil photo numérique, merci d’envoyer votre candidature ainsi qu’un CV à l’adresse suivante : […] Les correspondants locaux sont rétribués sous forme d’honoraires.  » (Le Progrès, 3 octobre 2007). Par ailleurs, « au Dauphiné libéré, le quotidien grenoblois que L’Est républicain [4] a trouvé dans la corbeille du Progrès, le personnel a lui aussi été convoqué le 17 octobre sur le thème de la “gestion prévisionnelle des emplois” : 77 postes pourraient être supprimés. »

II. L’audiovisuel

1. Radios

 Radio numérique terrestre (RNT), des canaux bonus façon bonux. En tant que nouvel opérateur de télévision, NRJ Group a lutté contre l’attribution par le CSA de chaînes bonus aux historiques de la télévision comme TF1 [5]. Mais pour ce qui concerne l’attribution à venir de canaux radio aux opérateurs par le même CSA, NRJ étant « historique » réclame des fréquences supplémentaire, eu égard à son ancienneté : « La numérisation des ondes, soit le passage de l’analogique au numérique, doit se faire en permettant aux opérateurs historiques de développer de nouveaux programmes si la ressource le permet. Au nom de NRJ Group, nous souhaitons obtenir, s’il y a des possibilités, des réseaux supplémentaires.  » (Marc Pallain, président du directoire de NRJ Group dans Le Figaro du 17 septembre 2007). Une autre bataille en perspective à un moment où la radio n’a jamais été autant écoutée :« Globalement, l’audience de la radio a légèrement progressé, passant de 79,7% à l’été 2006 à 80,1% cet été.  » (Newsletter CB News, 1er octobre 2007, chiffres Médiamétrie).

2. Télévisions

 Un « Grenelle de l’audiovisuel ». Afin de profiter de la transposition de la « directive Télévision sans frontières prévue en 2008 », le gouvernement annonce un nouveau « paquet réglementaire régissant les relations entre diffuseurs et producteurs ou concernant la publicité à la télévision ». Déjà « baptisée le " Grenelle de l’audiovisuel ", […] cette réforme doit être précédée d’une vaste consultation des acteurs de cette industrie ».Le lobbying a déjà commencé. L’Union syndicale des producteurs audiovisuels (USPA) souhaite ainsi voir « encourager l’exploitation des œuvres sur Internet, en VOD ou même en DVD  » collant aux « distributeurs de programmes [qui] eux aussi souhaitent une meilleure circulation des œuvres ». Les chaînes thématiques représentées par l’ACCeS revendiquent, de leur côté, « un statut différent des grandes chaînes hertziennes qui disposent de davantage de moyens », un statut intégrant notamment des « quotas alignées sur la réglementation européenne, plus souple ». Bien sûr, « les grandes chaînes commerciales […] ont le plus de revendications : alignement de la publicité sur l’heure d’horloge et non plus sur l’heure glissante » (comprendre : davantage de publicité aux heures de grandes écoutes) et « une deuxième coupure publicitaire dans les films afin d’être alignés sur les autres pays européens  ». « Concilier tous ces points de vue sera délicat », résume Le Figaro du 26 septembre 2007.

 Vite, la télévision sur mobile. Christine Lagarde - ministre de l’Economie- à « eu droit à une démonstration de télé sur téléphone mobile  » prodiguée par « le CSA, l’Arcep, et "l’ensemble des acteurs du forum TV mobile afin de discuter des modalités et du calendrier pour permettre un déploiement rapide de la télévision mobile dans notre pays". La ministre « a réaffirmé le souhait du gouvernement de voir la télévision mobile arriver sur le marché à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 et a dit également miser sur la création d’une dizaine de milliers d’emplois » (Newsletter de CB News du 25 septembre 2007) Mais, en réalité, se trament des conflits dont la complexité et les enjeux financiers dépassent le consommateur captif. Ainsi, pas moins de 47 « contributions d’éditeurs, distributeurs, opérateurs mobiles et industriels  » ont été remis au CSA pour participer à ce chantier (Newsletter CB News 24 septembre 2007). Or, « de nombreux choix restent à faire avant le lancement proprement dit de ce mode de diffusion (ouverture ou non de l’appel d’offre aux opérateurs de télécommunications (Orange, Bouygues, SFR) ? Gratuité ou non des chaînes de la TMP ? Reprise ou non des programmes de la TV fixe ?), car la consultation publique lancée par le CSA a montré de nombreux désaccords sur ces différents points » (CB News du 25 septembre 2007).

 Canal Plus (d’argent). L’ « esprit Canal » est plus que jamais la rentabilité : « Jean-Bernard Lévy, président du directoire de Vivendi, maison-mère de Canal+, a confirmé que la chaîne cryptée "[devait] réaliser des économies sur les contenus, notamment en matière d’achat de droits du football, afin d’atteindre ses objectifs de rentabilité."  »Il s’est même fait plus précis en menaçant : « Sur la Ligue 1, "nous ferons comprendre au vendeur (la LFP, ndlr) qu’il doit signer avec nous au risque de ne plus voir diffuser [la compétition] "  ». <Pourtant le groupe se porte bien avec des chiffres à faire rêver les analystes «  L’objectif de marge d’exploitation à 20%, initialement fixée à 2011, a été rapprochée à 2010, et devrait être "un peu au-dessus de 7%" pour 2007 ». (Les Echos du 26 septembre 2007).

 France Télévisions. Télérama du 3 octobre 2007 publie son sondage annuel sur la perception de la télévision (en attendant celui du printemps sur la crédibilité des médias …). Nouvelobs.com (4 octobre 2007) en fait l’exégèse : « 53% des personnes interrogées estiment qu’il y a des différences entre le service public et les chaînes privées et 44% pensent qu’il n’y a que peu de différences. La différence la plus marquée concerne les programmes, selon 58% des sondés. Enfin, ils ne sont que 26% à avoir noté des changements sur les chaînes du service public (contre 72% à penser le contraire) depuis l’arrivée du nouveau PDG Patrick de Carolis en août 2005 qui avait promis un "virage éditorial” ». Cela reste un sondage, évidemment… De son côté, Acrimed s’est lancé dans un travail au long cours de comparaison des programmations privés et publiques. On peut lire les premiers articles ici ou

 Sous-financement de France Télévisions. Le gouvernement se range aux arguments des chaînes privées et des éditeurs de presse. Pas de coupure publicitaire supplémentaire, pas d’augmentation de la redevance, comme le résume Le Monde (le 3 octobre), « le gouvernement a tranché. Annonçant le statu quo lors de la présentation du budget, mercredi 26 septembre, il est resté sourd aux revendications de Patrick de Carolis, PDG de France Télévisions, qui réclamait un meilleur financement de son "virage éditorial", notamment pour les programmes culturels. La holding publique bénéficiera d’une augmentation de son budget de 3,5 % prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour 2007-2010, soit 65 millions supplémentaires. » Pourtant, « Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait admis un "sous-financement chronique de l’audiovisuel public". "Je suis favorable à l’augmentation des recettes publicitaires du service public", avait-il déclaré avant son élection, en réponse à un questionnaire adressé par La Lettre de l’audiovisuel. Devant l’opposition des chaînes privées et des éditeurs de presse qui craignaient une nouvelle dégradation de leurs recettes publicitaires, le gouvernement a renoncé. »

Toutefois, « A compter du 1er janvier 2008, les espaces publicitaires de France 2, France 3 et France 5 seront commercialisés à la seconde, et non plus au spot, et selon un tarif présenté comme net. C’est-à-dire sans les habituelles ristournes qui peuvent atteindre 40 %. (..) En modifiant le référentiel, France Télévisions espère décorréler ses revenus publicitaires de ses résultats d’audience. Une manœuvre astucieuse au moment où les chaînes publiques, et en particulier France 2, souffrent d’une baisse de leur audience. (…) Selon Philippe Santini, patron de France Télévisions Publicité, ce mode de commercialisation devrait générer 70 millions d’euros de recettes en 2007, soit 10 % du revenu. » (Le Monde, le 6 octobre 2007). « Reste à savoir comment les acheteurs d’espaces publicitaires, habitués à "acheter" de l’audience, vont réagir », écrit par ailleurs Le Monde. Selon Le Figaro (4 octobre) : « les agences médias regrettent de n’« avoir pas été consultées sur le sujet ». Dès la semaine prochaine, d’autres grands médias devraient aussi annoncer de nouvelles règles lors de la publication de leurs conditions générales de vente. Ainsi le marché attend que TF1 mette certains de ses écrans aux enchères »).

 France Télévisions : les manœuvres de Carolis ? Selon Le Canard enchaîné (3 octobre 2007), circulent à France Télévisions « des notes de travail où est mentionné un projet de disposition législative que la direction aurait confié à un cabinet d’avocats. "Le point de départ du dispositif consiste à autoriser, par voie législative, la fusion de France Télévisions SA, actuelle holding du groupe, et des chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO" ». D’où l’alerte du « SNJ de France 3 inquiet d’une éventuelle "fusion juridique des chaînes" de France Télévisions  » (Newsletter CB News, 4 octobre 2007). France Télévisions jure qu’il ne s’agit que des « notes prospectives » (L’Humanité du 5 octobre 2007). Selon Jean-François Téaldi, de la CGT de France Télévisions : « C’est à se demander qui est vraiment la tutelle de l’audiovisuel public : l’État ou les patrons de chaînes privées ? En refusant d’accorder le moindre crédit supplémentaire à l’audiovisuel public, en répondant aux desirata des acteurs privés alors qu’Albanel n’a toujours pas répondu aux demandes de rendez-vous des syndicats, le gouvernement ne laisse à France Télévisions comme seule option que de rechercher encore et toujours de nouvelles synergies, de nouvelles économies qui se traduiront par une réduction dramatique du périmètre du service public. » (L’Humanité du 27 septembre 2007).

 Réforme de l’audiovisuel extérieur, d’abord RFI. « La réforme de Radio France International (RFI) est désormais la priorité du gouvernement qui souhaite rationaliser la présence de la France à l’étranger ». Or, à terme, RFI devrait intégrer la future structure devant également abriter TV5 et France 24. Avec en ligne de mire « le modèle (…) du groupe audiovisuel britannique BBC ayant développé une news factory, ou “usine à informations”, alimentant toutes ses filiales ». Par ailleurs, au sujet de la « masse salariale, Georges-Marc Benamou aurait affirmé que “la réforme envisagée à RFI ne serait pas pour réduire l’emploi mais qu’il était certain que l’on parlerait de redéploiement”, mais aussi “que c’était non au bradage de l’entreprise”. (Le Figaro du 29 septembre 2007)[Lire « Quel avenir pour l’audiovisuel extérieur ? ». ]]

III. Sinclair, Colombani, Lagardère, Bolloré

 Anne Sinclair part s’ennuyer à Washington. Au moins une journaliste qui ne fait pas comme les autres (lire, dans l’Actualité des Médias n°60, « Des journalistes compétitifs »)… « La journaliste Anne Sinclair a mis fin à l’émission "Libre Cours" qu’elle animait le dimanche soir sur France Inter pour suivre son mari, Dominique Strauss-Kahn, désigné à la tête du Fonds monétaire international (FMI), a indiqué lundi la station.  » (AFP, 1er octobre 2007). On entend d’ici quelques mauvais esprits suggérer que si DSK était resté en France …

 Nicolas Sarkozy est ouvert à Jean-Marie Colombani ? « L’ancien directeur du journal Le Monde, Jean-Marie Colombani, a accepté une mission officielle de trois mois, proposée par Nicolas Sarkozy et François Fillon, concernant la réforme des conditions d’adoption [6] » (nouvelobs.com, 6 octobre 2007). En outre, « il reste, avant que Colombani tourne définitivement la page du Monde, à régler un petit détail, celui de ses indemnités. Considérant son ancienneté (trente ans) et son salaire actuel, il peut prétendre, selon la convention des journalistes, à une somme rondelette : entre 1,2 et 1,6 million d’euros ! Un chiffre qui irrite au Monde, où on n’a toujours pas digéré le chèque de 1,3 million d’euros encaissé en 2006 par Jean-Paul Louveau, ancien directeur général après seulement trois ans au journal. Raide. “On a les boules, soupire un journaliste, surtout quand on sait qu’en 2006, Le Monde atteint péniblement un résultat d’exploitation de 4 millions d’euros et que Colombani nous a laissés avec un endettement monstre.” La Société des rédacteurs du Monde entend ferrailler afin de ramener l’indemnité de Colombani à 1 million d’euros. » (Libération, le 5octobre, 2007) Un petit détail ?

 Lagardère, le foot et l‘argent du foot. Pendant que Canal Plus, diffuseur menace la Ligue de Football Professionnel pour tirer les coûts vers le bas (lire plus haut). Les clubs enrichissent le producteur Lagardère. Ainsi, selon la Newsletter CB News du 26 septembre 2007 : « l’Olympique lyonnais, a signé un contrat de partenariat d’une durée de 10 ans avec Sportfive, filiale de Lagardère Sports. Celle-ci s’est engagé à verser 28 millions d’euros pour obtenir l’exploitation de l’ensemble des droits du futur grand stade du champion de France à compter de sa livraison à l’été 2010. »Toujours plus loin dans le « foot business » dans la mesure où le deal ne concerne pas que la simple revente d’images mais englobe la politique marketing, événementielle et le « merchandising ». Lagardère est déjà « sous contrat à travers son activité de régie avec le Paris Saint-Germain, Monaco, Strasbourg, Metz, Nantes et Ajaccio en France. Mais également Hambourg, Dortmund, le Hertha Berlin, Francfort, Hanovre et Nuremberg en Allemagne, ainsi que la Fiorentina et l’Atalanta Bergame en Italie. »Sportive a par ailleurs « signé un contrat » avec la Confédération Africaine de Football « au terme duquel la filiale de Lagardère Sports devient agent exclusif de la CAF pour l’ensemble de ses droits marketing et media de 2009 à 2016 » (Newsletter CB News 4 octobre 2007).

 Lagardère (un peu) contrarié dans ses projets de réorganisation. Le plan de départs volontaires d’Hachette Filipacchi Médias (HFM, pôle presse écrite du groupe Lagardère) a été rejeté à l’unanimité par le comité d’entreprise le 27 septembre 2007 qui y voyait un « plan social déguisé » mettant « en danger l’entreprise » (Les Echos, le 28 septembre 2007). Ainsi se conclut « la procédure d’information consultation sur le rapprochement entre HFM (Paris Match, Elle, Télé 7 jours, etc.) et Lagardère Active, le pôle audiovisuel. » Cet avis défavorable ne remet pas en cause le plan. De leurs côtés, « les élus du Comité d’entreprise d’Europe 1 ont émis "à l’unanimité" un avis défavorable sur le plan de départs volontaires présenté par le Groupe Lagardère, qui prévoit 41 départs dans l’entreprise ». Les élus et les syndicats « estiment "que ce plan ne répond à aucune justification économique dans une entreprise" qui "gagne de l’argent" » (AFP, le 29 septembre 2007). Là aussi, il s’agit de la dernière étape du processus de consultation des personnels. Dans la presse écrite comme à Europe 1, Lagardère met en œuvre son plan sur trois ans, annoncé en janvier [7], qui doit permettre la convergence vers le numérique en réalisant 70 millions d’euros d’économies et en réduisant de 7 à 10% les effectifs mondiaux. Une série de titres de presse doivent également être arrêtés ou cédés. Dans cette perspective, les quotidiens régionaux comme Nice-Matin ou La Provence ont été cédés et Lagardère s’est retiré de Norvège (en avril), de Suède (en août) et, plus récemment, de Pologne en revendant ses parts dans la joint-venture Hachette Filipacchi Burda Pologne. Le choix stratégique consiste à réduire le chiffre d’affaires pour augmenter « la marge et le résultat opérationnel de Lagardère Active ». (Les Echos, le 2 octobre 2007)

 Bolloré, un doigt dans chaque pot de confiture. Côté publicité, « Le redressement de Havas est acquis », parade Vincent Bolloré. Du côté de ses médias, la satisfaction est aussi de mise. Ses gratuits sont distribués dans le métro parisien, sa chaîne Direct 8 fait 1% d’audience sur la TNT selon Médiamétrie (dont Bolloré est administrateur depuis peu), sa « régie publicitaire (…) (Direct 8, Direct Soir et Matin Plus) devrait réaliser "un chiffre d’affaires de 1,5M€ en septembre, l’objectif à terme étant d’atteindre les 7M€ mensuels pour être à l’équilibre." » Enfin, il envisage l’acquisition de La Tribune (lire plus haut), estimant que le quotidien économique « "rentrait dans (la) stratégie" médias du groupe, où "la presse gratuite est un marchepied pour entrer dans la presse écrite", mais qu’il ne "connaissait (toujours) pas le dossier" » (Newsletter CB News, 1er octobre 2007).

Et pour finir

 Le CSA protège Sarkozy. le Parti Socialiste a, en vain, « alerté » le CSA concernant « l’accaparement » des médias par le Président et sa garde rapprochée. Le PS demandait que son temps de parole soit compté avec celui du gouvernement, et non plus en dehors ou de toute comptabilité. « Le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Michel Boyon, a répondu par la négative » (AFP, 2 octobre 2007). Nous y reviendrons…

 Les journalistes se mobilisent. A la suite de la réunion-débat du 4 octobre 2007 (voir le communiqué d’appel publié ici même), les syndicats de journalistes SNJ, SNJ-CGT, USJ-CFDT, SJ-CFTC, SPC-CFE-CGC, SJ-FO) « unis pour la première fois depuis quinze ans » (Newsletter CB News du 6 octobre 2007), ont présenté « une série de propositions visant à garantir par la loi l’indépendance des rédactions ». Et notamment « que l’équipe rédactionnelle soit "obligatoirement consultée" avant et lors de la nomination du responsable de la rédaction, qui devra lui présenter son projet. La rédaction pourra alors s’opposer à sa nomination ou à son projet, selon le souhait des syndicats. Ils demandent également que la rédaction soit "obligatoirement consultée" par la direction sur "tout changement de politique éditoriale ou rédactionnelle" ». Nouvelle échéance de mobilisation, la journée européenne impulsée par la Fédération européenne des journalistes (FEJ), le 5 novembre prochain. A suivre….

 
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Notes

[1Pour un résumé des épisodes précédents, lire « La bataille se judiciarise aux Echos » dans « L’Actualité des médias n°60 ».

[2Cité par Le Plan B n°10, octobre 2007, « Les cents jours de Laurent Joffrin ».

[3Cité par Le Plan B n°10.

[4Sur cette acquisition, lire « Concentration dans le Grand Est » dans « L’Actualité des médias n°60 ».

[5Lire l’Actualité des Médias n°55, « Une loi contestée ».

[6Colombani n’est pas le seul à avoir accepté les avances du pouvoir UMP. Lire ici même « Le pouvoir UMP s’ouvre à la nomenklatura médiatique ».

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