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L’actualité des médias n° 54 (25 novembre - 9 décembre 2006)

par William Salama,

Et France 24 fut - Chroniques de la mutation numérique et de la « Télévision du futur - Presse écrite : Brèves en tous genres.

I. Et France 24 fut

 «  Beaucoup d’images. Tant mieux  ». Avant de rejoindre les grilles de programmes, l’actualité de France 24, dotée d’un budget de 70 millions d’euros et qui emploie 167 journalistes de 27 pays et autant de personnel technique et administratif, a été celle de son lancement officiel en grandes pompes aux Tuileries et sur tous les écrans possibles payants (câble, satellite, Adsl) le 6 décembre 2006. Pour l’occasion, France 24, a bénéficié d’une couverture médiatique dans laquelle dominent les hourras tempérés. A comparer avec les sévères critiques qui accompagnaient sa genèse et sa constitution. Voir notre rubrique.

Sur cette « voix de la France » - ou son « regard » (Les Echos du 8 décembre) - , tout a été dit et son contraire pour créer l’événement : depuis les discours lénifiants des dirigeants et chantres de France 24 (Alain de Pouzilhac, président du directoire et ex-Havas qui promet son flux comme « indépendant et impartial » au Parisien du 6 décembre 2006), jusqu’aux titres-tics médiatiques belliqueux comme celui du Figaro qui la lance dans la « bataille mondiale de l’info », voire du Parisien annonçant son « grand soir » - sans majuscules, toutefois.

L’ensemble des sujets consacrés aux conditions de la création (la chaîne voulue par Jacques Chirac), et aux critiques sur ses capacités (beaucoup trop d’ambition pour peu de moyens « dotée d’un budget public de 70 millions d’euros (incomparablement maigre vis-à-vis de CNN, BBC World, etc. » (Le Point du 7 décembre 2006) ont été recouvert par cette question : France 24 sera-t-elle ou pourra-t-elle être objective, impartiale, indépendante ? Sous le titre « Les moyens de la diplomatie », La Tribune (6 décembre 2006) soutient que France 24 veut « replacer la France sur la scène géopolitique avec les armes du XXIe siècle, que sont les idées et l’image, tout en évitant soigneusement d’être "la voix de la France" » [1]. On peut d’ailleurs s’amuser de ce que France 24 se pare de vertus que les médias « francocentrés » ne possèdent plus. Gérard Saint-Paul, directeur de l’information jure ainsi : « Notre priorité, c’est l’actualité internationale [...] Bien sûr, on suivra la campagne électorale française mais franchement, la petite phrase de tel candidat, quel intérêt pour le téléspectateur du fin fond de l’Afrique ?" » (Libération, 6 décembre 2006). Encore faut-il que l’africain au « fin fond de l’Afrique » ait les moyens ou l’envie de recevoir de regarder. Car il s’agit d’abord de voir : « Beaucoup d’images. Tant mieux [...] loin de l’info institutionnelle !  » se réjouit Le Parisien, (8 décembre 2006).

 Contestée par Montebourg. Arnaud Montebourg conteste-t-il l’existence même de France 24 ? C’est ce qu’on pourrait croire en apprenant ceci : « Que la France cherche à se fabriquer un outil d’expression en français, de diffusion de nos valeurs, tout cela est très bien, a souligné hier Arnaud Montebourg, un des porte-parole de Ségolène Royal. Le problème, a-t-il ajouté, c’est qu’il existe déjà une chaîne similaire, TV5 » (Le Figaro, 8 décembre 2006). D’autant que dans Libération (12 décembre 2006), le même parle de « gaspillage des fonds publics  » et menace de manière à peine voilée en cas de victoire de son parti : « Il faudra regarder la situation au vu de l’économie des fonds publics  ». Par conséquent ?

 Une chaîne honnie par ses co-propriétaires. La guerre ouverte menée par TF1 menace peut-être à terme la chaîne. Ostensiblement, et alors que la filiale du groupe Bouygues possède 50 % de France 24, Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte ont boycotté l’inauguration.

Le Point et L’Express rapportent dans leurs éditions du 7 décembre 2006 une violente altercation entre Patrick de Carolis et Patrick Le Lay quelques jours avant le lancement. Le directeur de TF1 aurait claqué la porte car il continue à refuser que France 24 soit accessible sur les « réseaux ADSL Français » (mais en vain) qui diffusent LCI : une pure protection de ses intérêts qui en dit long sur la place que France 24 tient dans son portefeuille, si la chaîne ne sert pas exclusivement de vitrine à l’exportation. Le « clan service public » - c’est Le Point qui parle...- proteste : « Il est inadmissible que l’intérêt privé de TF1 prime sur la diffusion dans l’hexagone de France 24, qui est une chaîne payée par le contribuable » qui donne « deux euros par an » pour France 24, et en droit de regarder la chaîne (pour peu qu’il soit équipé) ».

Ces conflits rappellent de quel compromis mercantile (et politiquement contrôlé) France 24 est le produit : une chaîne financée à 100 % par l’Etat et co-détenue par deux antinomies que sont France Télévisions et TF1, soit les missions originellement non marchandes du secteur audiovisuel public (France Télévisions) contre les intérêts privés (TF1 cynique, tourné vers le business).

 Incidents et couacs traités en sourdine. D’autres couacs ou incidents cités à la volée (sinon occultés ; exemple dans Le Parisien, 8 décembre 2006 « Débuts sans bavure pour France 24 »), lors de l’inauguration (la « fête aux Tuileries ») sont à signaler.
- La manifestation « des intermittents pas contents (sic) de l’assurance chômage (mais les CRS, usant de gaz lacrymogènes, les ont repoussés) », Le Parisien du 7 décembre 2006.
- le SNJ-CGT « estimant pour sa part que France Télévisions "viole les droits d’auteur des journalistes"  » (Libération du 12 décembre 2006).
- « Les syndicats de TV5 Monde protestant contre la disparition de plusieurs émissions d’informations sur la chaîne francophone. Conséquence, selon eux, de l’apparition de France 24 » (Libération, 8 décembre 2006).
- « L’opposition [politique] moins en nombre », lors de l’inauguration (Le Parisien du 7 décembre 2006).

 Business über alles . Les Echos finalement remettent les choses à leur place : « La chaîne table sur 30 millions d’euros de recettes publicitaires dans trois ans » (6 décembre 2006) et renvoient également, en plus de la question de l’utilisation des deniers publics à la finalité de France 24, non pas tant sur le fait de porter la « voix de la France » ou bien de s’adresser à « 250 millions de téléspectateurs... potentiels » (Le Parisien, 8 décembre 2006), que de toucher explicitement « les leaders d’opinions dans le monde, ceux qui ont des responsabilités et gagnent plus de 100 000 € par an, mais également les nouveaux leaders d’opinion [...] avec un revenu qui n’atteint pas forcément le même niveau  » (Alain de Pouzilhac au Parisien du 6 décembre 2006, lire aussi « France 24 : des valeurs et des cibles »).

II. Convergence

1. Chronique de la mutation numérique

 Réorganisations. La maîtrise et la possession des canaux de diffusion sont un enjeu économique aussi important que celle des contenus. Frictions, frustrations et manœuvres en sous-sol : tout se joue assez durement en même temps... Dans la quinzaine écoulée, les grands groupes ont ostensiblement montré de quelle façon ils élaborent à grande vitesse une stratégie multi supports et multi contenus. Patrick Le Lay a réorganisé « TF1 pour en faire un média " global " » (La Tribune du 11 décembre 2006), suivi par M6 qui « a changé aussi » (idem), ou Lagardère devenant Lagardère Active Media (LAM), tourné vers le numérique pour « le transformer en un fournisseur de contenus véritablement multimédias  » (Le Monde, 12 décembre 2006).

 L’enjeu de la production. Un peu de contenu, c’est toujours bon à prendre dans un environnement de marchandisation des biens culturels sur toutes les plates-formes de diffusion numérique.

- Après s’être délesté de TPS au profit de Canal Plus, TF1 a donc rebondi en croquant 33,5% du Groupe AB. Ce faisant « La Une fait une affaire : dans le groupe de Claude Berda, il y a le plus gros catalogue [...] des chaînes du câble et du satellite  » (Libération, 13 décembre 2006).
- Dans un même élan M6, le suivant à la culotte, a racheté les 49 % restant (elle en détenait déjà 51) de la chaîne Téva aux groupes Marie Claire et Lagardère, (Libération, 8 décembre 2006).
- Trois semaines après avoir annoncé le rachat de Sportfive (lire notre édition précédente Droits sportifs (2) : Lagardère achète Sportfive, Lagardère continue à s’agréger du contenu en préparant l’acquisition de la société « Newsweb - un spécialiste de la diffusion de contenus sportifs - avec quatre sites sportifs dont Sports et Sport4fun - ainsi que d’informations financières sur le site Boursier.com » (Les Echos du 11 décembre 2006). Une bagatelle de 75 millions d’euros comparé au montant de Sportfive (365 millions).

 L’enjeu de la réception. François Loos, ministre délégué à l’Industrie, a proposé quinze mesures pour « favoriser le développement de l’internet à très haut débit en France [dont les] investissements devraient dépasser les dix milliards d’euros » et « atteindre l’objectif de 4 millions d’abonnés en 2012 » (CB Newsletter du 28 novembre 2006). Ce « progrès » doit permettre aux consommateurs de regarder dans de bonnes conditions des émissions de télévision en haute définition (Le Figaro, 28 novembre 2006). « Si tout se déroule comme prévu, le coup d’envoi de la télévision mobile sera donné lors de la Coupe du monde de rugby en septembre 2007. Les abonnés au portable découvriront une vingtaine de chaînes de télévision » annonce Le Figaro, 9 décembre 2006, leurs services en France devant « rapporter un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros en 2010 et 570 millions en 2013, selon le cabinet OC&C », (La Tribune, 30 novembre 2006) tandis que « à la RATP, le challenge est d’offrir aux voyageurs la possibilité de regarder sans interférence et coupure la télévision sur leur mobile » (Le Figaro, 9 décembre 2006).

 L’enjeu de la diffusion. De la privatisation de TDF au lancement d’un nouveau bouquet satellite par TF1.

- Jusqu’à présent TDF [2] avait le monopole et la jouissance du site de radiodiffusion de la Tour Eiffel. TDF ayant été privatisée, la Mairie de Paris a pris la décision d’organiser un appel d’offre selon les règles d’une « vraie en concurrence ». Face à TDF, NRJ avec sa filiale Towercast (La Tribune 28 novembre 2006).
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Sans charité aucune, Globecast (filiale de France Télécom, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de services par satellite), a stoppé la diffusion de TFJ «  en raison d’un retard de paiement de deux mois  » (CB Newsletter du 27 novembre 2006).
_ - « TF1 prépare activement le lancement d’un bouquet satellite de chaînes gratuites destiné à contrer la TNT  » révèle Libération (14 décembre 2006) : « Un bon moyen de noyer les chaînes de la TNT, de leur manger la pub sur le dos et en même temps de passer pour le groupe qui aura permis à la France de passer au tout numérique. »

 Contenus et diffusion : Embêtements et chamailleries. « Canal Plus veut avoir intégré TPS en juillet » (La Tribune du 29 novembre 2006), ce qui ne se fera pas de manière idéale.
- « social » d’abord : « si le volontariat ne suffisait pas, un plan de sauvegarde de l’emploi, c’est à dire de licenciements serait envisagé  ».
- « business » ensuite : Canal Plus a placé TF1 (touche 1) et M6 (touche 6) en tête de la télécommande, reléguant les chaînes de la TNT assez loin au niveau de la zapette (« la nouvelle numération établit une séparation très nette entre les chaînes hertziennes et les nouveaux entrants de la TNT  »). D’où la protestation de ces derniers de ne pas figurer en tête de gondole : BFM devrait ainsi déposer une plainte devant le Conseil de la Concurrence pour « entente entre chaînes historiques » (Les Echos du 4 décembre 2006).

 Contenu et diffusion : Bolloré hyperactif. Bolloré s’en prend au Sénat sur la loi en visant TF1 mais cela ne l’empêche pas de s’entendre avec Le Lay. Les affaires ont des cloisons étanches : « Suite à l’appel à propositions lancé en septembre par le barreau de Paris pour la création d’une chaîne consacrée au droit et aux affaires de justice, TF1 et Bolloré (via Direct8) ont envoyé des propositions pour en être l’opérateur. Le barreau de Paris entend s’impliquer dans le projet pour « assurer l’exactitude des informations diffusées et apporter un soutien technique et scientifique au candidat choisi ». La décision devrait être prise en décembre 2006 » (Stratégies Newsletter, 27 novembre 2006).

Selon l’AFP (23 novembre 2006), Bolloré Telecom (85% à Bolloré et 10% à ADP), a manifesté son intérêt à l’obtention de la dernière licence UMTS (ou téléphones de troisième génération qui permettent la réception haut-débit) mis en vente par le gouvernement. Il trouve cela trop cher (619 millions d’euros) : « aux conditions économiques actuelles, une candidature paraît difficile », dit « une source proche de l’homme d’affaires, Vincent Bolloré ». Marchandage ...

 NRJ en manque, à trop se diversifier. La mue de NRJ Group « risque de lui coûter cher » (La Tribune du 11 décembre 2006). Le groupe perd (résultat opérationnel) 22 millions d’euros sur le pôle téléphonie (NRJ mobiles et renseignements), 6,4 sur la télévision (NRJ 12 sur la TNT) mais (toutefois), mais gagne toujours 76,8 millions sur son cœur de métier la radio. Pour rassurer les analystes, le groupe met en avant sa « riposte ». Il a rassemblé ses activités de régies publicitaires qui « proposera à un même annonceur des offres médias/hors médias sur différents supports ».

2. Chroniques de la « Télévision du futur »

 Mobiles : Des doutes sur le modèle économique. A peine programmée par la Loi sur la télévision du futur, Les Echos (30 novembre 2006) évoquent déjà « le casse-tête économique de la télévision mobile personnelle ». Le quotidien relaie une étude « menée par le cabinet de conseil OC&C » qui évalue le marché à près de 500 millions d’euros pour 6 millions d’abonnés (taux de pénétration de 10 % de la population) en 2013, et près de 1 milliard d’euros en 2017 pour 12 millions d’abonnés pour des clients potentiels « prêts à payer de 5 à 7 euros par mois pour avoir accès à un service de télévision gratuit sur leurs mobiles  ». Or, continuent Les Echos, « la véritable question est de chiffrer l’investissement à consentir dans le déploiement du réseau et de savoir qui sera prêt à payer [...] Les opérateurs de diffusion devront consentir seuls les premiers investissements, (200 millions par an à cette date ». Et les opérateurs de télévision et ceux de télécoms « devront s’entendre pour régler une facture de diffusion des chaînes mobiles estimée à 300 millions d’euros en 2013 et 800 millions en 2017 ». A eux, cependant, de « s’entendre sur la répartition du prix de l’abonnement mensuel » pour « couvrir les dépenses de chacun. Puis, pour dégager des profits [...] en tirer les recettes publicitaires correspondantes [...] accroître la fidélité de leurs abonnés  ».

 TNT : Associations. 4 fréquences TNT en région parisienne, devront être attribuées par le CSA, mais « le groupe Hersant Media a partenariat avec la Caisse d’Epargne, Lagardère active, le groupe Coriolis et la Société financière de participations audiovisuelles  » et a déjà baptisé sa chaîne « Côté Seine  » (Newsletter de CB News du 15 décembre 2006).

  Le CSA dans la ligne de mire de l’Arcep. Paul Champsaur « appelle clairement à la fusion » de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep, ex-Art) qu’il préside (Les Echos du 29 novembre 2006) avec le CSA. Une étape de plus, après celle du projet de Loi validé par le Sénat le 22 novembre 2006 qui entérine la mainmise économique des télécoms sur le champ audiovisuel en faisant notamment cas du « dividende numérique » [3].

 Historiques contre Indépendants : Critiques en cascades. Après les groupes UDF, PS et PCF c’est le tour de ce que l’on appelle à tort des petites chaînes (elles sont détenues par des gros poissons, comme NRJ group, Bolloré ou BFM) de dénoncer le projet de loi sur la télé du futur au « bénéfice des "groupes historiques" » (TF1, Canal+ et M6). Direct 8 (Bolloré) et NRJ 12, « ne veulent pas se voir confisquer le timide pluralisme introduit en 2005 au profit de la reconstitution de l’oligopole des chaînes historiques » (CB Newsletter, 27 novembre 2006). « " Tout est fait pour étouffer économiquement les nouveaux entrants "  » geint le groupe NRJ, « "qui souhaite " que le projet de loi sur la TV du futur soit rééquilibré " » (Le Monde, 7 décembre 2006). Ces derniers étant rejoint, le 13 décembre dans Les Echos par Alain Weill, le fondateur et président du directoire de Nextradio (RMC Info , de BFM depuis 2002) : « Il faut assurer la pérennité des indépendants [...] Nous allons essayer de parler très fort et d’obtenir à l’Assemblée nationale un cadre législatif qui permette d’assurer la pérennité des indépendants de la TNT.  » La concurrence travaille également le fournisseur d’accès Internet Alice qui juge « fondamental » de « pouvoir proposer à [ses] clients l’accès le plus large et le plus diversifié possible aux contenus thématique et premium, dès lors que le consommateur va être privé de la concurrence entre TPS et Canal+  ».

Comme la Ligue de Football Professionnel (lire « L’Actualité des médias n° 53), la filiale française de Telecom Italia a déposé un recours contre la fusion. Au nom de la défense du consommateur (lui donner le maximum d’accès, c’est le cas de le dire, aux médias et aux annonceurs), toutes ces chamailleries participent évidemment du conflit territorial télécoms/médias auquel s’agrège désormais celui entre les « indépendantes » et les « historiques » : « Alice a « le sentiment d’exprimer les inquiétudes de tout un secteur », à savoir les opérateurs téléphoniques et les FAI. » (Les Echos, 4 décembre 2006).

III. Presse Ecrite

1. Presse Quotidienne

 Les yeux de Chimène pour l’Oncle Sam. Nouvelle tocade ou appel du pied ? Certains quotidiens français semblent décider à montrer de quelle manière se passent les choses aux Etats-Unis... Là-bas « les quotidiens intéressent les milliardaires américains  » [4] détaille Le Figaro (27 novembre 2006) : « pour les journalistes américains, cet intérêt des milliardaires est relativement rassurant. Ils espèrent que les éventuels nouveaux propriétaires auront, à la manière de Citizen Kane, un lien affectif avec leur journal que les grands groupes de presse cotés en Bourse  ». Soit ...

Le quotidien Libération (le 28 novembre 2006) prend sur lui de mettre en lumière l’initiative de « deux plumes du Washington Post » : « un rédacteur en chef et un reporter démissionnent pour créer leur propre site d’informations politiques ». Commentaire : « cette annonce a été largement perçue comme un tournant dans l’évolution des médias, illustrant le glissement du papier vers le Web ». Un glissement commercial aussi : une étude de Zénith Optimédia annonce que le marché de la publicité mondiale sur Internet ira progressant sept fois plus que sur les grands médias, et, en 2009 « pèsera plus lourd que l’affichage et la radio » (Le Figaro du 4 décembre 2006).

 Satisfaction à La Tribune - Rumeur de ventes aux Echos . Les rumeurs, elles aussi, font bien tourner les rotatives. Alors que La Tribune (groupe LVHM) se réjouit du retour sur investissement de sa nouvelle formule (les ventes ont gagné 60% le jour de son lancement, le 20 novembre 2006, tandis que les visites sur le nouveau site Internet ont bondi de 30%...), le groupe britannique Pearson testerait la rumeur de mise en vente des Echos. Il s’agit d’« une bonne opportunité pour les investisseurs » pour son propriétaire (qui possède également le Financial Times). Mais : « Méfiez-vous, les fonds d’investissement testent peut-être simplement la détermination de Marjorie Scardino, la patronne de Pearson, à garder ou pas sa filiale française, prévient un proche du groupe », (Libération du 25 novembre 2006). Le 13 décembre 2006, Le Monde en remet une couche : « un dossier sur la vente [...] a été remis à la banque UBS ».

  La « bancarisation » de la Presse Quotidienne Régionale. Du Crédit Mutuel à la Caisse d’épargne...

- Dans un communiqué du 5 décembre 2006 - que l’on peut lire ici-même : « Rachat du Républicain Lorrain : L’ogre Crédit Mutuel doit être stoppé  » -, le SNJ demande aux pouvoirs publics de s’opposer au rachat du Républicain Lorrain en avertissant « Où s’arrêtera l’insatiable appétit du Crédit Mutuel pour les médias régionaux ? » Mais il est trop tard, la décision « [justifiée] par la baisse de la diffusion passée de 156.400 en 2002 à 144.662 exemplaires, et les investissements nécessaires pour reconquérir des lecteurs », ayant été entérinée le jour même lors de « la réunion extraordinaire du comité d’entreprise [où] la famille Puhl-Demange, qui contrôlait le quotidien mosellan depuis sa création en 1919, a confirmé la prise de contrôle totale du capital par le Crédit Mutuel Centre Est Europe et son retrait de l’entreprise ». Dans un article intitulé « Le Crédit Mutuel relance la recomposition de la presse quotidienne régionale », Les Echos (11 décembre 2006) indiquent que cette « opération  » est « une nouvelle étape du mouvement de recomposition de la PQR initié par l’éclatement de la Socpresse » C’est peu dire :
- En février dernier, le SNJ soulevait déjà des questions sur l’ « implication de Philippe Hersant  » actionnaire de L’Est républicain à hauteur de 27 %, et sur son mode opératoire [5], comme la présence du Crédit Mutuel dans l’opération du « montage financier » (Les Echos, 15 février 2006). Gerard Lignac, Pdg du groupe Est républicain plantait le décor à la même période « La presse a l’âge des chemins de fer : au début, il y avait une multitude de compagnies, et ensuite, seulement la SNCF. Il faut regrouper les moyens si l’on veut tenir face à d’autres médias  », (Libération du 7 février 2006).
- On parlait aussi du Crédit Mutuel dans Ouest France : le vice-président Francis Teitgen démissionnaire de ce quotidien (que Le Monde du 12 février annonçait remplacé par Louis Echelard, directeur général de la Compagnie financière du ... Crédit Mutuel) arguant des « "divergences sur l’organisation et la conduite des sociétés du groupe "  » (communiqué publié vendredi 10 février 2006).
- Jean-Clément Texier, « spécialiste des médias » évoquait (pour la Presse Quotidienne Régionale) son besoin « d’entrer dans une logique de mutualisation à l’allemande ou à l’anglaise à tous les niveaux : la fabrication, la publicité, l’éditorial », insistant sur le rôle-clé du Crédit Mutuel qui venait en partenariat avec HFM (Hachette Filipacchi Médias - Lagardère) « de participer aussi à la recapitalisation du groupe Le Monde » (Les Echos du 9 février 2006).
- Les Echos (11 décembre 2006) citent aussi « le nom de la Caisse d’Epargne » qui « revient régulièrement » pour financer le montage entre « Le Monde » et Hachette Filipacchi Médias (HFM) en souffrance qui « cherchent à finaliser leur projet de filiale commune » (« Les Journaux du Midi rejoindraient La Provence et Nice Matin  »). Ce qui ne se fait pas sans hic « Les discussions avec le quotidien [Le Monde] « ne sont pas terminées », [Didier Quillot...], comme si elles ne se passaient pas si bien que ça  » (Libération du 12 décembre 2006).

 Le développement selon Le Parisien . Il vend (+ de 3 % en 2006 et des recettes publicitaires de 9 %) mais perdrait de l’argent [6]. Soit. Alors, Le Parisien 2007 anticipe : Jean Hornain son président a proposé « un vaste plan de refonte » : le renforcement du site Internet en l’imaginant en portail dédié à la vie pratique des lecteurs de l’Ile-de-France. Un quotidien « populaire » à 50 centimes d’euros (si Springer sort le sien comme il en situation de le faire). Et, enfin, la renégociation des 35 heures qui sont « sur la sellette » (Le Figaro du 1er décembre 2006) et « les pratiques sociales » mais sans « plan social » (Les Echos du 1er décembre 2006). Sans surprise, le 5 décembre 2006, « le personnel du Parisien, réuni en assemblée générale, a voté une motion exigeant le maintien intégral des acquis professionnel » (La Tribune), et « un plan d’intégration pour les pigistes permanents » ? (Le Figaro du 6 décembre 2006) [7]. Et n’a « pas hésité [sic] à voter un jour de grève » (La Tribune du 15 décembre 2006).

2. Presse périodique

  Mondadori (ex-Emap) coupe deux branches. Ça ne rapporte plus assez d’annonceurs et certainement pour dérouter leur flux vers ses autres titres, Mondadori a décrété dans un communiqué en interne, la suspension immédiate du féminin 20 ans et du masculin Max (vive la parité). Selon CB Newsletter du 8 décembre 2006, « les personnes concernées pourraient se voir proposer un reclassement en interne ». Le même indique, « plus de 150 parmi les 1.350 collaborateurs de Mondadori France auraient demandé à bénéficier de la clause de cession, prolongée jusqu’au 10 décembre 2006  ».

 Inquiétudes syndicales et turbulence chez HFM. Didier Quillot (anciennement Orange), le nouveau président du directoire de la fraîchement rebaptisée Lagardère Active Media, (LAM) [8], sitôt nommé en septembre a demandé un audit sur lequel il s’appuie pour annoncer un rapprochement entre leurs régies publicitaires (Interdéco et Lagardère Active Publicité). L’intersyndicale (CFDT, CGT, FO et CGC) s’en inquiète. Mais lors de sa conférence, Didier Quillot n’aurait nullement cherché à les rassurer « sur les conséquences sociales de son programme de réduction des coûts, même s’il a indiqué qu’il fallait s’attendre à ce que des journaux déficitaires soient suspendus, voire arrêtés » (Libération, 12 décembre 2006).

S’agissant du « management », la nomination de Christian de Villeneuve (ex-Parisien), à la direction des rédactions de HFM fait par ailleurs, « craindre, à quelques mois des échéances électorales, " une prise de contrôle " du JDD et de Paris Match » aux salariés. (Le Monde, 2 décembre 2006). Enfin, le Journal du Dimanche a également été en proie à quelques turbulences. « Jacques Espérandieu quitte " Le JDD " », annonçait La Tribune du 13 décembre, avant de rectifier le lendemain : « Jacques Espérandieu reste directeur de la rédaction du Journal du dimanche, contrairement à ce que nous écrivions hier dans nos colonnes  ». Des signes d’une « déstabilisation » (Le Monde, 14 décembre 2006), à analyser comme telle : « Lagardère active media pousse ses barons vers la sortie pour amorcer le virage du numérique » (Newsletter de Presse News, 14 Décembre 2006).

  Valeurs Actuelles  : une nouvelle formule de droite. Valeurs Actuelles (groupe Valmonde présidé par le député Olivier Dassault) a lancé « une nouvelle couverture, une nouvelle maquette, un nouveau rubriquage  », fort d’un nouvel actionnaire majoritaire (le pharmacien Pierre Fabre), un passage de la publicité à la régie du Figaro (Publiprint, un investissement de « 700 000 euros », et des chroniqueurs plein de talent : « Catherine Nay, Christine Clerc et Philippe Tesson, des éditorialistes Denis Tillinac et Basile de Koch » (Le Figaro,1er décembre 2006). A l’appui de cette décision historique un sondage TNS Sofres « auprès de 400 personnes, abonnés ou lecteurs occasionnels du magazine  » qui ont incité Valeurs Actuelles à se « moderniser ... [mais en restant fidèle aux] valeurs de la droite républicaine ». Mais Le Figaro, curieusement, n’évoque pas le sondage que l’IFOP a « réalisé par sur les « attentes de l’électorat de droite [...] » Un sondage « fort instructif » : « On y découvre que 83% de ceux qui se reconnaissent comme tels (FN, UDF, UMP, MPF) sont partisans d’un revenu parental pour les mères au foyer, que 76% sont en faveur de la préférence européenne pour l’emploi, le logement et les prestations sociales et que 70% sont pour l’expulsion systématique des étrangers en situation irrégulière ». ([« L’enquête-choc de Valeurs Actuelles : être de droite en 2007 », sur le site de NovoPress.info [lien périmé, septembre 2013). Bonne lecture !

3. Divers

 Lagardère met les NMPP sous pression. Peu de temps après avoir pris son virage numérique et semé la pagaille dans son pôle presse écrite (lire plus haut « L’enjeu du contenu », « Inquiétudes syndicales et turbulence chez HFM »), Lagardère continue l’offensive : « dans un entretien au Point du 14 décembre », il n’a pas « exclut de quitter les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) si " un plan de restructuration vigoureux " n’est pas engagé. Il se donne quinze jours pour trancher. ». Lagardère « pèse 15 %  » dans les NMPP et « cette déclaration intervient alors que les cinq présidents de coopératives ont écrit le mois dernier à Arnaud Lagardère pour lui demander de revoir à la baisse la redevance de 17 millions d’euros qu’il perçoit en tant qu’opérateur  », précise Stratégies Newsletter du 14 décembre 2006. Mais déjà, Le Figaro saute sur l’occasion : « Les NMPP sous pression. La société de distribution de la presse française doit mettre en œuvre un plan de modernisation. » (15 décembre).

 Des aides. Lors du Congrès européen de la presse française, « une centaine d’ouvriers du Livre CGT [...] ont manifesté pour le maintien du pluralisme et des emplois dans la presse et proposé une réorientation des aides vers la création de nouveaux titres  ». On se demande bien pourquoi...

Tandis que le Sénat validait « sans modification la réduction de 25 % de l’impôt sur les sociétés à des entreprises de presse ». Et adoptait un « amendement au projet de loi de Finances pour 2007 [9], Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la culture et de la communication, présent au raout suggérait « aux éditeurs de journaux d’opinion de " créer une fondation de la presse française [...] permettant aux lecteurs de participer directement au soutien des titres qu’ils aiment " » (Le Parisien, 25 novembre 2006). Autre idée novatrice du même : « Les dons aux journaux d’opinion, tant des particuliers que des entreprises, pourront se voir appliquer la déduction fiscale autorisée au titre du mécénat culturel  » (Le Monde, 25 novembre 2006).

 
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Notes

[1Lire en contrepoint la tribune de René Naba : « A l’occasion du lancement de France 24 : un bilan du pôle audiovisuel extérieur » sur les errements de Radio France Internationale (RFI), qui permet de s’interroger sur l’avenir du pôle audiovisuel extérieur français... en fonction de son passé)

[2Caisse des Dépôts : 24%, les fonds d’investissements : Charterhouse Capital Partners : 14%, Texas Pacific Group : 42% et AXA Private Equity : 18 % , et, le management et les salariés : 2%

[3Ce dernier résultant de la libération des fréquences analogiques utilisées pour la diffusion des chaînes de télévision qui devra être attribué en 2011, qui aux médias, qui aux opérateurs télécoms

[4Certains actifs de « Tribune Co. propriétaire entre autres des quotidiens Los Angeles Times et Chicago Tribune  » pour « l’octogénaire Maurice « Hank » Greenberg, ancien dirigeant du géant de l’assurance AIG  » , ou encore « Jack Welch, ex-patron de General Electric  » qui songe à « s’offrir le Boston Globe ». « David Geffen, célèbre producteur californien, est aussi mentionné comme investisseur potentiel dans le Los Angeles Times »

[5Le rachat de son pôle Rhône-Alpes à la Socpresse

[6« Les pertes prévues pour 2006 seraient de 4 à 6 millions, après 7 millions en 2005, selon Libération alors que dans le même temps, le groupe Amaury a dégagé 38 millions de bénéfice net pour un chiffre d’affaires d’environ 650 millions  » (La Tribune du 15 décembre 2006)

[8Issu de la refonte strategico-numérique de Lagardère Hachette Filipacchi Médias (HFM) et de Lagardère Active - radios, télévisions, Internet)

[9Qui maintient « jusqu’en 2010, le régime de la provision pour investissements (PPI) applicable aux publications ‘’consacrées à l’information politique et générale’’, qui leur permet « de déduire de leurs bénéfices imposables une somme qui doit être utilisée dans les cinq ans pour des achats de matériel » (Les Echos, 28 novembre 2006)

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