Qu’il s’agisse d’une intervention d’une BAC (Brigade Anti Criminalité) ou d’une BST (Brigade Spécialisée de Terrain) dans un quartier populaire, des méthodes et des armes utilisées par des CRS ou des gendarmes mobiles lors de telle ou telle manifestation, des blessures infligées par les forces de l’ordre aux occupants des ZAD ou des universités en luttes contre la réforme ORE [1], les exemples sont nombreux : lorsque des policiers ou des gendarmes sont impliqués dans des événements violents, la communication des pouvoirs publics peut entrer en concurrence avec d’autres versions des événements, portées par des victimes (ou leur famille) ou des témoins de ces événements. Bien souvent pourtant, et même lorsqu’elle est grevée d’incohérences ou d’invraisemblances, c’est la version policière qui a les faveurs des médias dominants [2].
Une dépendance structurelle vis-à-vis des sources policières
Pour comprendre la primeur donnée aux sources policières, parfois au détriment de la vérité, il est utile de s’intéresser aux pratiques de certains journalistes entretenant une relation de proximité avec les forces de l’ordre, et qui construisent leur carrière sur les informations que cette proximité leur permet d’obtenir. À l’échelon de la presse quotidienne régionale, il s’agit des « faits-diversiers », ces journalistes chargés de remplir quotidiennement la rubrique « faits-divers ».
Accidents domestiques, délits plus ou moins cocasses, crimes vraiment tragiques : localement, la police est quotidiennement en charge d’« affaires » devenant, pour les journalistes, un puits sans fond d’informations, particulièrement juteux au regard des logiques de productivité imposées dans les rubriques « faits-divers ». Dès lors, pour produire rapidement et à peu de frais un flux journalier d’articles, créer des liens personnels avec un ou des interlocuteurs loquaces et disponibles au commissariat devient la base du travail des « faits-diversiers ». Ainsi que le rapportent Jérôme Berthaut, Éric Darras et Sylvain Laurens dans un article intitulé « Pourquoi les faits divers stigmatisent-ils ? » [3] :
Plus qu’une bonne relation, la « collecte » des faits-divers s’apparente ainsi à une quasi-osmose avec les sources policières ou judiciaires. La journée du fait-diversier commence avec « au moins 2 heures d’immersion tous les matins, dans le milieu policier » [4] et se termine par un point par téléphone avec le responsable au PC de police ; entre-temps, certains faits-diversiers, plus consciencieux, demeurent branchés sur les talkies-walkies de la police.
Une proximité intégrée par une partie des journalistes [5], et dont ils se prévalent, ainsi que le révèle un second extrait d’entretien :
Moi ça fait 10 ans que je suis là, tu imagines les gens qui ont été mutés, le jeu des mutations, je connais mieux le commissariat que n’importe quel flic qui arrive de Paris… et le chef quoi… […] Ce sont des maisons de verre qu’on a, on voit comment tout fonctionne. […] Nous, on s’est donné les moyens d’être comme des poissons dans l’eau au commissariat. […] À tel point, je pense, qu’au commissariat, on savait plus de choses que les directeurs et que les mecs du rang.
Enfin, la croyance (et la confiance) dans une « objectivité de fait » des institutions policières et judiciaires explique non seulement que certains journalistes ne remettent pas en cause les informations délivrées par ces sources, mais qu’ils leur donnent, en outre, l’exclusivité :
Le genre « fait-divers » ne suppose pas dans les routines de travail la prise en compte d’un point de vue contradictoire – pourtant au principe de l’objectivité professionnelle dans bien d’autres domaines de l’actualité. Sauf à ce que la police soit elle-même mise en cause, l’objectivité relève exclusivement de la reprise des « faits », c’est-à-dire des informations officielles, comptes rendus d’interventions policières ou décisions de justice. Il ne vient pas à l’idée d’un journaliste d’aller solliciter auprès du contrevenant sa version des faits. […] Mis à part les avocats – pour lesquels les journalistes s’efforcent d’opposer parties civiles et défense – les sources policières et judiciaires (parquet) ne sont pas perçues par les faits-diversiers comme des « parties » défendant un point de vue. […] Seule une prise de position de l’« informateur » policier s’apparentant à une « opinion » politique, peut conduire à mettre en doute son « objectivité » et lui faire perdre son crédit de professionnel-expert en sécurité locale.
Des pratiques aussi en vigueur dans la presse nationale
Sur le principe, ces considérations valent également à l’échelle des médias nationaux vis-à-vis des institutions gouvernementales centrales – notamment les préfectures et le ministère de l’Intérieur. Dans leur ouvrage de référence publié il y a 30 ans, Noam Chomsky et Edward Hermann décrivent le mécanisme général qui induit la dépendance des rédactions vis-à-vis des pouvoirs publics locaux comme nationaux :
Les médias sont en symbiose avec de puissantes sources d’information pour des raisons économiques et du fait d’intérêts partagés. Ils ont impérativement besoin d’un flux continu et stable d’information brute. Ils sont confrontés à une demande d’information quotidienne et à une grille horaire qu’ils doivent remplir. Pour autant, ils ne peuvent se payer le luxe de maintenir en permanence reporters et caméras partout où un événement important peut se produire. Les limites de leur budget leur imposent donc de concentrer leurs moyens là où les événements significatifs sont les plus fréquents, où abondent fuites et rumeurs, et où se tiennent régulièrement des conférences de presse. [L’Élysée, le ministère de l’Intérieur et celui des Affaires étrangères] [6] sont des épicentres de ce type d’activités. Au niveau local, la mairie et le siège de la police jouent le même rôle. […] Ces bureaucraties produisent en masse un matériel idéal pour alimenter la demande d’un flux régulier et planifié d’information, qui est celle des salles de rédaction. [7]
Dans un ouvrage paru en 2013, Jérôme Berthaut expliquait même à quel point cette dépendance est construite – via des réseaux de sociabilité – comme un pilier des formations de journalistes :
Depuis la deuxième moitié des années 1990, les chefs des informations générales de France 2 ont donné une impulsion décisive au renforcement des contacts avec les autorités de police, de la gendarmerie, de la justice et des secours. Cette préoccupation est tout particulièrement perceptible à l’assiduité des journalistes de la chaîne aux formations délivrées par l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI). Tous types de médias confondus, la rédaction de France 2 est en effet celle qui y inscrit le plus de journalistes : entre 1994 et 2011, sept journalistes du service informations générales ont fait partie des promotions de cet institut […] Or en investissant dans ces formations, la chaîne escompte avant tout la création de liens de familiarité avec de futurs responsables de la sécurité. [8]
Les dérives de la dépendance police/journalistes
Dans de telles conditions [9], créant ce que Berthaut, Darras et Laurens appellent une « co-gestion de l’agenda médiatique », comment attendre de ces journalistes qu’ils prennent le risque de mécontenter les sources qui leur fournissent quotidiennement les articles rapidement écrits (et sans doute vite oubliés) et qui garantissent le remplissage des colonnes qui leur sont assignées ? Le mélange d’intérêts – qui sont aussi des contraintes – professionnels, personnels et économiques à l’œuvre dans cette relation incestueuse fonde ainsi le constat des auteurs, résumé à la formule « à sources indispensables… compromis inévitables » :
Le fait-diversier doit ainsi constamment concilier des exigences de production (« trouver chaque jour de bonnes histoires »), et faire en sorte que les retombées des articles parus ne nuisent pas aux bonnes relations avec ses sources. Tenir ce rôle suppose des compromis, et nécessite d’accepter une forme de co-production de l’information avec les sources officielles. Même anciennes, les relations tissées avec les sources policières et judiciaires paraissent rester toujours fragiles, et peuvent être subitement remises en cause. […] Tributaire de ces relations sur le fil […], le fait-diversier délègue souvent à ses contacts policiers le rôle de lui narrer une opération, mais il peut les intégrer plus avant encore dans le processus de fabrication du journal, en leur demandant, par exemple, de s’adapter aux délais de parution des articles et de fournir des images, comme nos observations l’ont constaté à plusieurs reprises. Les conflits qui peuvent venir troubler cette routine dans ces relations entre (quasi) associés – lorsqu’un article pointe les erreurs d’un service de police – doivent rester ponctuels et circonscrits sous peine de compromettre durablement le processus de fabrication d’une rubrique stratégique.
Nous rapportions, en annexe de notre article « François Molins, mon amour de procureur », un événement qui illustre précisément les dérives de cette dépendance : le 17 novembre 2015, le chroniqueur de RMC Thomas Guénolé ose consacrer son billet aux dysfonctionnements des services de sécurité, ce qui déplaît au ministère de l’Intérieur. Le résultat ? d’une part, une quasi impossibilité de travailler, puisque selon le directeur de la rédaction, « la plupart des sources de nos spécialistes police se sont tues [suite à cette chronique] [...], mettant en difficulté tout le travail de la rédaction pour obtenir et vérifier des informations ». D’autre part, le renvoi du chroniqueur indélicat, au motif explicite – si ce n’est d’une intervention directe du ministère – de l’importance cruciale pour l’ensemble des journalistes du média concerné, de pouvoir disposer de cette source d’information [10].
Synergies idéologiques et sociales
Cette dépendance objective des médias dominants vis-à-vis des sources policières et gouvernementales peut à l’occasion se doubler de convergences d’expériences et de vues idéologiques entre journalistes et (hauts) fonctionnaires. En effet, nombre de journalistes fréquentent bien davantage les policiers et leurs représentants hiérarchiques ou syndicaux que les habitants des ZAD ou des quartiers populaires dans lesquels ils n’ont pas grandi – et où ils ne vivent et ne vivront quasiment jamais. Nombre d’entre eux sont également bien souvent imprégnés des préjugés ou des représentations fantasmées – représentations qui fermentent dans les médias eux-mêmes – qui auréolent ces lieux et les personnes qui les habitent.
Une dépendance structurelle des journalistes spécialisés vis-à-vis de l’institution policière qu’a visiblement bien intériorisée le directeur départemental du quotidien Ouest-France pour la Loire-Atlantique, qui trouve si naturel et gratifiant professionnellement de pouvoir être le protagoniste d’un « reportage embarqué » avec les gendarmes lors de l’évacuation de la ZAD qu’il le fait savoir dans un tweet, avec photo à l’appui :
Les évacuations des ZAD de Notre-Dame des Landes et de Bure en février et avril dernier auront à cet égard fourni un énième exemple des dérives du journalisme de préfecture. Car si de nombreux journalistes ont alors protesté contre les menaces à la liberté de la presse et les conditions de travail auxquelles ils ont été contraints (violence de la part des « forces de l’ordre », accès restreint ou interdit au terrain des « opérations », etc.), d’autres se sont parfaitement accommodés des récits (narratif et visuel) de la police, qu’ils ont utilisés dans leurs médias parfois sans le moindre recul. Ainsi ont fleuri au cours des évacuations quantité d’articles et de reportages reprenant, parfois en guise d’illustration exclusive, les vidéos de la préfecture elle-même, et ce quand bien même des journalistes étaient dépêchés sur place [11] :
Le cas de ce JT du 3 mars de BFMTV n’est qu’un exemple parmi tant d’autres [12] de la fabrique conjointe d’images policières et médiatiques. Une production visuelle qui, dans bien des cas, s’est doublée d’un récit journalistique connivent lui aussi, amplifiant la voix des « forces de l’ordre » tantôt au gré de communiqués préfectoraux et de tweets du ministère de l’Intérieur généreusement relayés, tantôt indirectement, grâce à des effets de cadrage calqués sur la vision gouvernementale. Des cadrages, faut-il le préciser, hostiles aux zadistes autant que favorables aux versions des faits servies par les « forces de l’ordre ». Nouvel exemple de l’état du pluralisme dans nos médias : ce traitement peu empathique – et c’est le moins qu’on puisse dire – de l’éditocratie envers les personnes mobilisées [13] aura relégué aussi bien les points de vue plus critiques (notamment envers les violences policières) que les analyses plus sérieuses aux marges du paysage médiatique. Pendant ce temps rappelons-le, la diabolisation des zadistes constituait dans les grands médias la musique de fond, parfois jusqu’à l’absurde :
Versions concurrentes : une bataille médiatique à armes (très) inégales
Dans de nombreux cas, les journalistes des médias dominants mettent donc en avant la version des pouvoirs publics, et négligent ou ignorent les éléments matériels et les témoignages qui permettraient de la questionner – voire de la disqualifier. Cette tendance, tout à fait nette, n’est pas une loi universelle et uniforme : selon les détails des événements, le type de média, la façon dont les éléments contredisant la version officielle sont portés et défendus, et même le ou la journaliste affectée au traitement de ces événements, l’information produite reprendra les discours préfectoraux ou ministériels avec plus ou moins de distance.
Le traitement médiatique de la mort d’Adama Traoré est à ce titre exemplaire, puisque la mobilisation de la famille de la victime, qui s’est parfois confrontée directement aux journalistes sur le traitement réservé à la mort d’Adama dans leur média (notamment BFM-TV), a permis de faire savoir publiquement que les premières déclarations du procureur étaient fausses [14], et de donner à leur combat pour connaître et faire (re)connaître la vérité un retentissement important, avec plusieurs articles dans la presse internationale [15].
Pour autant, il est indéniable que dans ces batailles médiatiques, la communication des pouvoirs publics a toujours une longueur d’avance sur les éléments qui la contredisent : relayée plus tôt, reprise dans chaque article, présentée comme plus crédible, cette communication ne peut être critiquée, et parfois démontée, qu’occasionnellement, dans certains articles et dans certains médias, et parfois sur la base d’une mobilisation très forte dans l’espace public, comme ce fût le cas avec plusieurs manifestations, y compris à Paris, dans les semaines qui ont suivi la mort d’Adama Traoré.
De façon schématique, on peut dire que lorsque des violences policières sont suspectées, chaque communiqué ou conférence de presse de la préfecture sera abondamment reprise dans les médias qui traiteront l’affaire, les représentants de syndicats de policiers seront longuement entendus, au moins sur les chaînes d’info en continu ; et lorsqu’il existe des éléments contredisant la communication officielle, ceux-ci seront beaucoup moins facilement portés à la connaissance du public.
Avec la production industrielle de l’information et la dépendance structurelle qu’elle implique pour les journalistes vis-à-vis des sources massives d’informations brutes que sont les pouvoirs publics, et en particulier les sources policières, il semble que le journalisme de préfecture ait encore de beaux jours devant lui. Un journalisme qui, comme nous l’avons vu, implique la production et la diffusion d’informations avariées – en particulier concernant les agissements des « forces de l’ordre » – par et dans les médias dominants. Ces mêmes médias qui, en plein débat sur les « fake news » et leur toxicité, continuent de pointer du doigt certains sites, tout en éludant consciencieusement leur propre responsabilité [16]… En attendant les transformations de l’espace médiatique pour lesquelles Acrimed milite, et qui viseront entre autres à renverser cette dépendance, nous continuerons d’encourager les personnes, les organisations et les titres de presse qui mènent des batailles médiatiques pour faire connaître ou reconnaître la réalité des faits ; et nous continuerons de pointer autant que possible les affaires dont le traitement médiatique est biaisé ou distordu par le suivisme des rédactions à l’égard des récits proposés par les représentants des forces de l’ordre.
Patrick Michel et Pauline Perrenot
Annexe 1 : Articles critiquant le traitement médiatique de violences policière…
… Sur le site d’Acrimed :
- « JT de France 2 : bref, Adama Traoré est mort »
- À propos du décès d’un jeune Marseillais : les ratés du journalisme à grande vitesse
- « Que s’est-il passé place de la République ? Informations désinformées des journaux télévisés »
- « Loi Travail : matraquages médiatiques sur les manifestations »
- « Violences policières « en marge » des manifestations : les mots pour (ne pas) le dire »
- « À propos d’un rapport d’Amnesty : médias et violences policières »
- « Désiformation sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes »
… Sur le site Contre-attaques :
- « Violences à Villiers-le-Bel : les « fake news » du ministère de l’intérieur et du Parisien »
… Sur le site d’ Arrêt sur images :
- « Main arrachée sur la ZAD : la version absente des zadistes »
Annexe 2 : Trois exemples de récents et mauvais traitements médiatiques : la parole est à la police
- Le vendredi 15 décembre 2017, quatre jeunes garçons se trouvent à l’entrée de la cité Saint-Maurice, dans l’agglomération lilloise. L’arrivée d’une Brigade de Sécurité de Terrain, et la crainte d’un nouveau contrôle, leur fait prendre la fuite en escaladant un mur donnant sur des voies de chemin de fer. Happés par un TER, deux d’entre eux décèdent ce soir-là, les deux autres sont grièvement blessés. C’est en tout cas l’histoire que raconte Aurélien, l’un des garçons rescapés, à la journaliste de France 3 régions qui l’interroge quelques jours après les faits. Mais avant la publication de ce témoignage, et ses quelques reprises par France Bleu, Libération et L’Obs, c’est une autre version qui a été abondamment relayée suite à une dépêche AFP et à un article de la Voix du Nord (autant sur les sites des titres de la presse quotidienne régionale [17] que sur ceux de quotidiens nationaux [18], de la presse hebdomadaire [19], de radios généralistes ou de chaînes d’information en continu [20].) Tous ces articles reprenaient les informations de la Voix du Nord et/ou de l’AFP, rapportant que « selon les premiers éléments de l’enquête, les jeunes auraient escaladé vendredi soir une grille pour prendre un raccourci et auraient ensuite marché sur les voies ferrées ». La grande majorité de ces médias n’a visiblement pas souhaité publier de correctif suite au témoignage d’Aurélien. Et pour ceux qui ont fait état de ce témoignage, ils l’ont accompagné du démenti du procureur, à l’image du site de 20minutes, qui évoque le témoignage d’Aurélien mais choisit de titrer l’article « Jeunes tués par un train à Lille : L’enquête écarte la thèse du contrôle de police ». Par ailleurs, si la Voix du Nord donnera toute la résonance qu’elles méritent aux manifestations de colère des habitants de la cité Saint-Maurice, décrivant des scènes apocalyptiques d’émeutes urbaines, elle attribue cette colère à la croyance dans des… rumeurs – ce qui revient à ne pas questionner la version policière.
- La proximité avec les discours policiers caractérisait également le texte d’accompagnement de la vidéo « exclusive » publiée sur le site d’Europe 1 le 29 janvier, qui montrait l’interpellation et l’agression de Théo par un policier de la Brigade Spécialisée de Terrain. Dans cet article, qui ne redonne aucun élément de contexte [21], les déclarations de Théo et de ses agresseurs sont reprises, mais la parole « experte » est confiée à… « deux formateurs de la police, spécialistes en maniement du bâton télescopique de défense », et à des enquêteurs de l’IGPN. Difficile de dire si l’on pouvait attendre de telles sources une véritable indépendance par rapport à l’institution policière à laquelle ils appartiennent, mais toujours est-il que les premiers jugent l’action de leur collègue « proportionnelle » et « justifiée », quand les seconds estiment que « l’élément intentionnel pouvant caractériser le viol (n’est) pas établi ». Quelle surprise !
- Le mercredi 7 mars 2018, des habitants de la cité des Hautes-Noues à Villiers-sur-Marne sont témoins ou victimes de la violence d’une équipe de la Brigade Anti Criminalité. Une habitante qui circulait en voiture dans la cité est blessée par un tir de flash-ball, elle sera aidée par des habitants jusqu’à l’arrivée des secours ; son compagnon, arrivé après avoir été alerté par des voisins, est mis en garde à vue après avoir cherché à obtenir des explications des policiers. C’est en tout cas ce que l’on comprend des différents récits, recueillis par Sihame Assbague, qui estime que cela lui a pris deux heures de « se rendre dans le quartier, de rencontrer les jeunes, de demander les contacts des témoins, de la victime, de recouper les informations. » Deux heures que le journaliste du Parisien n’a sans doute pas prises pour rédiger son article « Val-de-Marne : une jeune femme blessée lors de violences urbaines à Villiers-sur-Marne », où une toute autre histoire est racontée, sans que la source nous en soit donnée. Dans la version initiale de l’article mis en ligne le 8 mars, on peut lire qu’« une jeune femme de 25 ans a été touchée à la suite d’un jet de pierres au cours d’un affrontement entre jeunes et policiers », mais aussi qu’« alors que leurs véhicules sont visés par des projectiles, les forces de l’ordre réussissent à interpeller celui qui haranguait ses copains. Pendant ce temps, les autres policiers s’occupent de la jeune femme qui a été blessée. ». Une révision de l’article le 12 mars attribuera la blessure de la jeune femme à « un projectile ». Une formulation plus neutre et permettant au même journaliste, dans un autre article, de laisser ouverte la question « Que s’est-il passé précisément mercredi soir lors des incidents survenus mercredi soir dans la cité des Hautes-Noues à Villiers ? ». Ce second article rétropédale sans fard, accompagnant cette fois-ci le récit développé quelques jours auparavant d’un point d’interrogation. On notera tout de même que dans ce second article, la police parle à l’indicatif [22] tandis que la parole des habitants est rapportée au conditionnel [23]. Chassez le naturel…
Annexe 3 : Quelques exemples de médias ayant allègrement repris les vidéos et les images de la préfecture lors de l’évacuation des ZAD de Bure et de Notre-Dame des Landes. La source est indiquée tantôt grâce au logo de la gendarmerie nationale, tantôt grâce aux crédits, renseignés par la rédaction.
- BFM-TV :
- L’Express :
-Le Figaro :
-Le Parisien :
-Le Journal du Dimanche :